Vous savez, traverser un pont n’a pas le même effet, selon vous soyez à pied, à vélo, moto ou à voiture. Locko nous confie par la titraille de son tout premier album qu’il traverse, ou alors a traversé un pont. Dans sa vie musicale, ou alors dans sa vie. Mais pour aller où? quelles sont les deux extrémités de ce pont? Ou va Locko? et qu’est ce qu’il rencontre et raconte de cette traversée ? Tant de questions pour un album : « The Bridge ».
A priopri…
De 2015 à aujourd’hui, le petit Charles Arthur Samba Locko est quitté de sa situation de chanteur de covers au Rookie de la musique Camerounaise et même Africaine.
Il est passé du jeune chanteur aux influences rn’b style Chris Brown à un chanteur AfroRn’b qui construit un univers fusionnel avec une immersion dans l’Afropop. Typique chanteur de son époque, Locko s’est fait une identité et une place dans le milieu.
Il est devenu ce jeune homme qui découvre le succès et ses péripéties.
L’album
18 titres dont 05 extraits étaient déjà connus, à savoir « Thank You Lord », « Je serai là », « Danse avec moi » , « Cocotier » et « Supporter ». 13 inédits, 09 collaborations au total. Un disque de 67 minutes d’écoute au total, 67 minutes qui résument la traversée de Locko.
La structure du pont
« The bridge » peut être classé comme un disque AfroPop/ AfroRn’b vu le design musical des titres. Un classement qui est assez ambiguë car l’on ne sait vraiment pas à mesure de l’écoute où nous emmène Locko.
De la piste 1 « Toppo » qui introduit assez bien l’album, on perçoit dans le récit un positionnement sur la défensive d’un homme qui bataille. Du point de vu musical, l’on peut bien s’attendre à des emprunts et à des fusions, Afrobeat, Essewe, Néo pop, Dance Hall. L’usage du Francais, l’anglais, le camfranglais et le duala, Locko prend la parole en affirmant son origine. Par ailleurs les notes, les voix, l’énergie du chant, ses techniques mixtes entre rn’b, gospel et les émotions qui sont transmises décrivent bien sa détermination à réussir cette traversée. Le titre est chargé de message spirituel à l’échelle subliminale, on ressent Locko.
Cet aspect va se se ressentir sur la piste 3 « Thank you lord » dans lequel on retrouve un Locko face à l »obstacle. Et que dire la piste 2 « Je serai là » qui, bien que musicalement dans la même lignée va créer un fossé d’écoute de part sa thématique. Une interposition qui trouble l’écoute.
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La piste « Bayla Bayla » est une presque une cassure, car on se demande à ce moment si l’état de défensive de Locko ne le pousse pas à un peu exagérer. A peine commencé l’album perd de son design de son départ. Perdu sur le rythme de la musique qui est de la Salsa , le message ne surfe pas aisément..
La suite des morceaux déconstruit totalement le thème initial qui drivait l’album. On a certes, un Locko lover, mais aussi un Locko qui semble vouloir se décharger. Moins avec un but, mais plus un talentueux qui se permet de se prêter à ses délires et qui est pressé d’en finir pour toucher un autre cap.
La créativité, l’innovation, la recherche, la valeur ajoutée
Locko apporte à travers cet album une innovation dans la fabrique de la musique. A travers des tels que « Toppo », « Je serai là », « Thank you Lord », « Danse avec moi », « Booboo », « The risk », on constate une croisée spéciale entre les rythmes et la création d’un Afropop spécifique à l’artiste. Locko brasse le l’Essewe et le Makoune avec les sons pop, rn’b & hiphop, le dance hall. Ce qui donne à ces morceaux une couleur originale et même une identité dont on peut lui concéder d’avoir créé. On peut remarquer qu’il y’a à la dernière séquence de certains morceaux une sorte de « Sawa Jams » où l’on immerge totalement dans la culture Camerounaise.
Les rythmes dans les musiques
Essewe 22,22% (DAM, Je serai là, Thank you lord, Toppo)
Makoune Bassa’a 22,2% (Supporter, Booboo, My lov, Ashouka)
Rn’b_Hip hop 11,11% (Dilemma, The Risk)
Afro Trap 5,55% (Donne ma part sur ça)
Dance Hall 22,22% (Gimmy more, Rdv, Cocotier)
Makossa slow 5,55% (Sans déconner)
Various 11,11% (Bayla, Baca)
Les collaborations
« Rdv » avec Teeyah : Charnel est le titre comme on pouvait s’y attendre. Locko est entré dans l’univers de Teeyah. Assez platonique, ça fait quand même du déjà entendu. Des voix softs, du Dance hall, mais un dance hall trop classique dans lequel on ne retrouve pas vraiment une identité. Il n’en ressort pas avec une réelle démarcation. Peut-être en clip vidéo, ça ferai mieux de l’effet.
« Sans déconner » feat Nabila : Mélange musical d’AfroBeat, et de slow makossa, la musique rappelle le titre « She go say » du chanteur nigérian Fela Kuti. Chanson d’amour dans laquelle deux tourtereaux se réaffirment leur ndolo. En termes d’écriture, on peut dire qu’il y’a un accent fort sur les paroles. On a un Locko à la « Sawa romance » et une Nabila à voix de zouk. Quand à la symbiose entre les deux, il y’a une sorte de divergence perçue. Et en termes de profondeur, c’est plus des émotions de surface qui sont ressenties.
« Ashouka » feat LCM: C’est comme un titre de trop dans le disque, comme une collabo faite par formalité. L’implication de LCM ici passe presque pour rien . Le morceau porte un message qui n’atteint pas, difficile en termes d’accès. Ca manque de fluidité. On a plus de concentration sur les chants que sur les paroles qui ne sont pas bien conjugué à l’émotion des chants. Ce qui vraiment intéressant sur le titre c’est le beat Makoune et les refrains.
« Gimme more » feat Magasco : On retrouve le Locko du titre « Dans mon ré », on peut même croire que c’est du réchauffé. Du zouk et et du dance hall. Le morceau est charnel et semble avoir plus de valeur en images qu’en audio, car l’histoire ne captive pas vraiment en paroles. Quant à Magasco, il est resté égal à lui-même dans le titre. On peut quand même questionner l’identité et l’originalité, car à vrai dire c’est comme pas mal de morceaux déjà fait. Locko feat Magasco, quelle a été la valeur ajoutée?
« Supporter » feat Mr Leo : C’est la meilleure collaboration de l’album, réussie. On y ressent une vraie rencontre entre deux artistes qui ont donné chacun du sien.
« The Risk » feat Roche Ndombou : C’était une promesse, et ça s’est fait. Roche Dombou est la vainqueure du #LockoJeSeraiLàChallenge à qui ce dernier avait promis une collabo. La symbiose est assez bonne, le morceau transmet de l’émotion tant en voix qu’en musique. On a ce coté Rn’b Old qui ramène l’écoute dans les années 2000. Quand à la symbiose entre les deux chanteurs, c’est assuré.
« My Love » feat Kris M : Cadence Makoune, une fois de plus. Le morceau est assez chaud. Le thème n’est pas plus exceptionnel que les autres. On a une Kris M qui de son mieux, essaie de suivre Locko. Ce qu’on peut vraiment apprécier c’est la rencontre des voix, sur ce point c’est valorisé.
« Donne ma part sur ça » feat One 237 : C’est clair que ce n’est pas du Locko. Du moins, pas celui qu’on a l’habitude d’écouter de lui. Trop trash, enfantin, bien que fun, c’est pas l’image qu’on a de lui. On va dire que le titre c’est plus pour faire découvrir le groupe One 237.
« Baca » feat KO-C & DIP : C’est une piste assez moyenne, Baca rejoint la thématique de départ de l’album dans le titre « Toppo ». Ça parle de combat et de jalousie. Avec un coté égotrip. Le couplet de KO-C est assez percutant. Quand à celui du rappeur sénégalais DIP, on ne ressent pas vraiment une appropriation, du moins dans la chaleur.
Les subtilités de Locko
Il faut dire que Locko s’est inventé une façon d’écrire. Assez subtile et très mixte dans le verbal. Une navigation entre plusieurs langages, le Mboko, le Duala, le français, l’anglais. Et aussi il possède une manie subtile de glisser souvent des petits messages liés parfois au sexe et au trash et à l’allusion.
Extrait « Booboo »
« Si elle aime les billets, si elle aime le njèrè….alors elle aura ndjèrè »
Ndjèrè = sexe
« Chaque jour on prendra les taxis de 400 do… »
Référence à l’histoire de Brenda Biya qui avait emprunté un taxi à 400 dollars aux USA
« Aller bringuer chez Emma Nguele sur eh ya mado »
Emmanuel Nguele, proprio de l’OG club à Yaoundé. Ya Mado est un tube du Congolais Fabregas. Locko leur fait un clin d’oeil
Extrait « Je serai là »
I say give me conditions for you body
The Bridge en gros
Pertinence & Cohérence thématique 05/10
Qualité des musiques (production) 07/10
Originalité (La prédilection de Locko) 06/10
Chanson/ Voix de Locko/ Techniques 07,5/10
Apport des collaborations 05/10
Capacité commerciale (Les tubes) 07/10
Ecriture 05/10
Innovation/ Créativité 06/10
NOTE ÉCOUTE MOYENNE 06,06
Conclusion
« The Bridge » est finalement un disque qui n’a pas touché son aboutissement. Car on peut bien constater un non achèvement, mais surtout une précipitation. Celle d’aller vite vers le futur, vers l’autre coté du pont. 18 titres ne sont t’ils pas trop? au regard du contenu qui n’est pas assez dosé face à l’attente. Décidément il s’est beaucoup éparpillé et amusé en traversant ce « PONT ».
Comme s’il a perdu son objectif de départ. La réussite du disque s’appuie sur seulement 60% de son ensembles. Les thématiques qui se réchauffent sans réelle valeur ajoutées. Le classement des pistes qui tend à troubler l’appréhension. Les chansons semblent être plus indépendantes que liées par un lien thématique, comme si on les a pris de part et d’autre pour les assembler. L’imagination et le story telling sont peu consistants.
Ce qui est sur, si ceci est un pont, c’est que Locko peut faire mieux. Oui, il peut. Et cet aura se sent dans des titres tels que « DAM », « Toppo », « Booboo », , »Thank you lord », « Supporter », « Je serai là » , « The risk » qui sont pour moi le noyau de ce disque. Car ils montrent bien l’évolution du chanteur, mais aussi de l’homme Locko. Celui qu’on espère voir grandir et devenir, pas seulement le rookie, mais l’émérite artiste musicien.
Ce n’est que le 1er album de Locko . Attendons la suite. Quant à moi, je reste sur ma faim…
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