Culture of Friday, 3 June 2016

Source: La Metéo

Sortie littéraire : Le coup double de Mouelle Kombi

Mouelle Kombi Mouelle Kombi

Avec ‘’L’étrange Détresse’’ et ‘’Carrefour des Mendiants’’, le ministre des Arts et de la Culture renoue de fort belle manière avec l’écriture. L’un comme l’autre livre, bien écrits d’ailleurs, conscientisent la société en donnant à voir les turpitudes des hommes.

Un écrivain multidimensionnel. Auteur d’essais, de poèmes, Narcisse Mouelle Kombi (entré au gouvernement le 02 octobre 2015, au poste de ministre des Arts et de la Culture) vient d’ajouter un genre littéraire à sa bibliographie, déjà plurielle, la nouvelle. Dans le jargon littéraire, la nouvelle désigne un récit généralement bref, de construction dramatique, et présentant des personnages peu nombreux. ‘’L’étrange Détresse’’ et ‘’Carrefour des Mendiants’’ rentrent dans ce registre.

Fait rare pour être noté et souligné : l’édition des deux nouvelles a été confiée à un éditeur local, en l’occurrence les Editions Afric Avenir. Un choix courageux et chargé de symboles dans un contexte marqué par la préférence, reposant pour l’essentiel sur du snobisme pur et simple, de certaines plumes camerounaises pour les maisons d’édition étrangères. Le ministre des Arts et de la Culture n’aura pas à regretter sa préférence locale tellement ses ‘’jumeaux’’ sont de bonne facture, avec des pages aérées, lisibles. Ce qui dénote d’un travail de professionnel.

Premier jet de ce coup double, ‘’L’étrange Détresse’’ stigmatise la prédation effrénée, le libertinage, l’avidité et comprend quatre nouvelles (L’étrange détresse, de dépit et d’amertume, adieu, veuve joyeuse, vivre de la mort). La première de couverture montre une terre aride, craquelée et un arbuste desséché par la chaleur. Le titre de l’ouvrage est en jaune. Un jaune de désolation. Cependant l’opuscule est une niche de moralité. Un exemple, Dans Veuve joyeuse, Ndomé cherche à faire mourir son mari afin de garder ses biens. Pour ne pas éveiller les soupçons qu’une mort soudaine pourrait déclencher, elle s’attache les services d’un marabout réputé : Abdoulaye.

Celui-ci lui impose, sans doute pour la décourager, une série de conditions aussi insolites comme aller dans un cimentière, au cœur de la nuit, et en ramener un peu de terre. Avec sa cupidité comme alliée, Ndomé parvient à accomplir l’inimaginable. Le sort de Mbanda, son richissime mari, est ainsi scellé par le marabout qui ne lui donne plus que quinze jours à vivre.

Dieu veillant, l’époux de Ndomé sort miraculeusement indemne d’un étrange accident de la circulation qui transforme son véhicule en pâté de ferraille. Panique chez Ndomé qui redoute l’effet boomerang. Après quinze jours, son mari étant toujours en vie, elle tombe mystérieusement folle. Une démence qui tire sa source de ses pratiques occultes pour hériter du statut de veuve joyeuse. Moralité de l’histoire : une mauvaise action peut se retourner contre son auteur. A méditer

Des mots pour soigner les maux

Dans ‘’Carrefour des Mendiants’’, Narcisse Mouelle Kombi raconte, sur une cinquantaine de pages, les scènes de tous les jours. Du humble citoyen au plus grand, chacun s’y reconnait. La première de couverture est d’un noir ténébreux que trouent deux mains d’homme, tendues comme pour quémander quelques piécettes. Le titre de l’œuvre est orange. Couleur de l’espoir ? Ou de la joie éphémère ? A la page 50, l’auteur écrit justement : « Hélas ! Elle (Vivi, personnage central de l’histoire) avait eu son temps d’illusions et de rêves, elle avait connu la gloire, les raffinements du luxe, les délices de la vie des gens sans problèmes. Maintenant tout lui semblait un mirage… »

‘’Carrefour des Mendiants’’, à travers ses cinq nouvelles bien racontées, fait le procès de l’insensibilité, de la violence, de l’égocentrisme, de la tricherie… tous ces maux qui font de la terre une jungle où les plus faibles sont des proies pour les puissants. « J’écris pour que les choses changent », martelait de son vivant Jean Paul Sartre. Narcisse Mouelle Kombi semble s’inscrire dans cette logique.

Que ce soit sur la première de couverture de ‘’L’étrange Détresse’’ ou de ‘’Carrefour des Mendiants’’, le nom de l’auteur (Narcisse Mouelle Kombi) n’est accompagné d’aucune enflure, d’aucun titre, d’aucun grade. Un bel exemple d’humilité pour cet agrégé de Droit public et de Sciences politiques, tour à tour directeur de l’Institut des relations internationales du Cameroun (Iric) conseiller spécial du président de la République. Actuellement ministre des Arts et de la Culture.