« La piste des cavaliers ». Ce tableau de la série « Made in USA » proposée par Jean Marie Ahanda, artiste-peintre, est un arrêt noir et blanc, pourtant riche en perspectives. Une surface grise couleur cendre, présentant des traces de sabots, signes d’un passage de chevaux. Combien étaient-ils et pourquoi sont-ils passés par ce chemin ? Le mystère reste entier, mais l’image rappelle tout de suite les grands espaces de certaines régions américaines, où les ranchs, territoires de mustangs et autres belles montures sont légion.
Car c’est bien des Etats-Unis, sa terre d’accueil, que Jean Marie Ahanda revient pour un break, le temps d’une exposition. Sa vision du pays de l’Oncle Sam, le peintre la déroule dans une trentaine de toiles différentes dans leur conception et leur format, mais toujours sobres de couleurs intenses. « J’essaye d’attraper la lumière, mais ces dernières années n’étaient pas très illuminées », dit-il pour justifier ce côté sombre ambiant à la plupart de ses tableaux.
La sensibilité artistique de Jean Marie Ahanda est transposée aussi dans de nombreuses œuvres exposées actuellement à l’Hôtel Les Boukarous à Yaoundé. « Trompette lunaire », « La partition bleue » et « Musicalement volant » s’imposent en témoins du passé, une vie antérieure du peintre dans la musique avec « Les têtes brûlées ». La connotation y est directe : des notes de musique traversant à l’horizontal la toile, pour afficher son idée du dépassement des frontières. Un homme pluridisciplinaire dans l’âme se dévoile. Après la musique, Jean Marie Ahanda capture un instant privilégié entre deux ou plusieurs danseurs, aux gestes à la fois figés et vivifiés par la mélancolie du noir et blanc.
L’artiste habite peut-être à des milliers de kilomètres du Cameroun, il n’oublie pas pour autant ce penchant à la tradition. Un tableau représentant le rite du « So » (qu’il a souvent illustré), cette initiation chez les peuples de la forêt, est là pour le devoir de mémoire. Peut-être que cela n’a aucun lien direct, l’alignement de ces jeunes hommes à moitié vêtus, évoque la piste d’une déportation, de traite négrière. On parle bien des Etats-Unis dans cette expo… Jean Marie Ahanda dit soumettre les couleurs à son imagination, tout en essayant de produire une peinture décomplexée. « C’est un jet pour exister et présenter quelque chose de contemporain », lance-t-il. « Made in USA » est la cargaison de souvenirs d’un artiste espiègle, loin du conformisme.