Le fondateur du quotidien camerounais "Le Messager" était mort, le 12 juillet 2010, des suites d'un accident de la route survenu en Virginie aux États-Unis. Selon des sources policières, le véhicule du journaliste tombé en panne, ce jour-là, avait été percuté par un camion sur une autoroute non loin de Norfolk. Deux autres personnes grièvement blessées avaient été transportées d'urgence à l'hôpital général de Sentana alors que le chauffeur était dans le coma. D'après une source proche de la famille, P. Njawe se rendait chez sa famille qui résidait à Virginia Beach près de Washington.
Pius Njawe, 53 ans, avait fondé le quotidien "Le Messager" en 1979 à l'âge de 22 ans et était Directeur de la publication du Groupe de presse indépendant "Free media group", lequel édite le 1er quotidien indépendant du Cameroun, journal qui avait adopté un ton iconoclaste à l'endroit du système gouvernant en place. Ce jeune promoteur de média, sous l'ère monolithique et autoritariste, employait 46 personnes dont une vingtaine de journalistes très critiques à l'égard du régime biyaïste. Les employés de presse dudit quotidien étaient alors à l'image de ce vaillant combattant de la liberté. Comme qui dirait tel père tel fils.
Njawe était connu pour être l'un des fervents défenseurs de la liberté de la presse et des droits de l'Homme dans son pays et, par extension, dans le continent africain. Se prévalant, ex-cathedra, de cette posture, le créateur du quotidien "Le Messager" savait-il, en réalité, où l'entraînera cette aventure ? Que nenni! Arrêté 126 fois, emprisonné dix mois entre décembre 1997 et octobre 1998, le journaliste intransigeant avait été aussi victime de trois tentatives d'assassinat. L'agent causal de son emprisonnement de 1997 à 1998 était lié à "la propagation de fausses nouvelles" à la suite d'un article faisant état d'un "malaise du Président de la République, Paul Biya, lors d'une édition de la finale de la coupe du Cameroun".
Trente ans de combat, trente années durant lesquelles il n'avait jamais renoncé à sa liberté de parole. Militant dans l'âme, P. Njawe devient une référence dans le monde entier et, singulièrement, en Afrique. Reconnu et récompensé à l'étranger, l'avocat des droits humains avait reçu, entre autres, la plume d'or de la liberté de l'Association mondiale des journaux en 1993. Les ambitions de ce promoteur de média ne se limitaient pas à la fondation d'un seul organe de presse. Aussi avait-il décidé de créer une radio dénommée"Liberté Fm", qui avait été fermée par les autorités administratives de la capitale économique camerounaise la veille de son ouverture en 2003. Il reste dans son pays un homme combattu, contraint à l'exil un moment après l'élection de Paul Biya à la présidentielle de 1992. De son passage en prison, Njawe ressort avec une œuvre intitulée "Le bloc-notes du bagnard et une conviction: On peut être derrière les barreaux sans se sentir prisonnier". Ce sous-titre interpellatif et attractif était, pour ainsi dire, l'argument central de cette fleur livresque. Argument clamé tel une maxime. Jules Koum Koum, ancien Directeur de la publication du journal "Le jeune observateur", qui était, lui aussi, arraché à la vie dans un accident de la circulation à la sortie de la ville de Yaoundé sis au quartier Ahala, et qui avait travaillé trois ans avec lui, avait comparé Njawe à une flèche sur un arc, qui ne s'était jamais écarté de son objectif. Le défenseur des droits humains combattait toute forme de répression à l'égard des journalistes. Ainsi avait-il écrit, en 2007, une lettre ouverte au président nigérien, Mamadou Tanja, pour réclamer la libération de Moussa Kaka.
En 2002, sa première épouse, Jane Njawe, était morte au Cameroun des suites d'un accident de la circulation. Après cette tragédie, P. Njawe avait créé une association pour lutter, à travers des actions de sensibilisation, d'information et d'éducation, contre les accidents de la route dans son pays. Le vaillant soldat de la plume n'aurait jamais imaginé qu'il passerait, lui aussi, de vie à trépas à la suite d'un accident de la route. Situation fatale dont son épouse en avait fait les frais huit ans avant la survenue de l'accident de la route ayant, malheureusement et malencontreusement, emporté son époux, alors quinquagénaire. P. Njawe s'était, en effet, rendu aux États-Unis le 10 juillet 2010. Histoire de participer à un forum de la diaspora camerounaise visant, notamment, à obtenir l'alternance politique au Cameroun au cours de l'élection présidentielle de 2011. Malheureusement, le fondateur du quotidien "Le Messager" ne reviendra plus au bercail. Treize ans après, les causes de la mort tragique de celui que les inconditionnels appelaient "Grand camarade" ne sont toujours pas élucidées. Et pourquoi ? La question reste en veilleuse. Triste destin mortifère du couple Pius et Jane Njawe! L'épouse avait, c'est un rappel, rendu l'âme en 2002 des suites d'un accident de la route ici alors que le mari avait cassé sa plume ailleurs lui aussi des suites d'un accident de la route. Le combat pour la sensibilisation des employeurs et des usagers du secteur routier est toujours d'actualité en 2023.
Paix à l'âme du journaliste engagé et combattant de la liberté Pius Njawe et à celle de son épouse, Jane Njawe, appelée, très tôt, dans l'au-delà ! Vive l'âme des défunts