Opinions of Monday, 8 February 2016

Auteur: Bazou Batoula

2018 au Cameroun : Appels contre Appels

Le début d’année 2016 est décidément marqué par une nouvelle dynamique dans la sphère sociopolitique du Cameroun. Des appels à l’investiture du Président historique fusent de partout. Et ceux qui n’ont pas encore envoyé leurs motions sont sûrement en concertation dans ce sens. En face, naît un mouvement de contre-appel pour contrecarrer celui des premiers. Comment comprendre les agissements des uns et des autres ? Quelques pistes me viennent à l’esprit.

Ceux qui initient les appels le font à mon avis en cohérence avec une stratégie interne. Le pouvoir est bon, Il est même jouissif. Pourquoi donc le quitter ? Dans le processus pour garder la main sur ce pouvoir au Cameroun, l’écosystème RDPC a encore agi en grand maître. Ce parti a ainsi démontré qu’il anticipe bien. Du moins qu’il le prétend. Il bénéficie pour cela des forces de l’Etat.

Il s’agit premièrement de l’appareil administratif, judiciaire et sécuritaire. Il a pu et su inféoder ces outils de la Nation à la botte du parti. C’est de bonne guerre. Cela lui permet par exemple de contrôler en patron la fameuse « Tolérance Administrative » qui sévit au Cameroun comme cadre pseudo-légal et dont le foyer créateur n’est autre que le parti. Cela lui permet aussi de dire quel rassemblement est sujet à trouble à l’ordre public ou pas. Tout se joue donc sur de fines lignes. Convenons ensemble qu’une belle part est donnée là à la subjectivité et à l’arbitraire. Quelle imagination !

Deuxièmement, le système RDPC a fait la paix des braves avec les investisseurs étrangers. En effet, la Chine, l’Inde ou la Turquie par exemple n’ont que faire des valses politiques au Cameroun. Ils ont du cash qu’il faut rapidement investir pour assurer leur part du gâteau. Face à leur offensive, les partenaires paternalistes Occidentaux, autrefois regardant sur les questions d’alternance ont dû s’adapter à leur cœur défendant. Les questions de démocratie sont ainsi reléguées au second plan. «  On fait les affaires avec ceux qui sont en poste, et c’est mieux pour la stabilité ».

Troisièmement, le contexte sécuritaire que vit le Cameroun est une aubaine en démonstration pour le régime de Yaoundé. Ils ont indiqué eux-mêmes que cette guerre au Nord menée contre les fous durera plusieurs années. Le fait d’être aux commandes de cette lutte pour le compte de tous les Camerounais constitue une position avantageuse, y compris dans la diplomatie interne. Cela sera bien entendu à mettre à l’actif de la machine Rdpciste. Quelle chance !

Si l’on ajoute à cela les autres feuilletons de diversion (Fecafoot, Droit d’auteur CMC, Coller la Petite, Double Nationalité, etc.…) qui comblent la vie des Camerounais, on est en droit de se demander si la mise sous tapis des vrais problèmes qui minent la société n’est pas un choix délibéré. Partant de ce postulat, pourquoi se lancer dans un contre-appel me semble t il ambigüe ?

D’abord parce que ce serait peine perdue. Avec une Opposition divisée et qui semble orgueilleuse, une Société Civile appauvrie, et une classe populaire objectivement préoccupée par ses problèmes d’ordre digestif, on ne voit pas comment faire le poids. Comment vont-ils faire pour dissuader les sénateurs, les élites de chaque région, et bientôt les élites religieuses et les corps de métier de suivre la dance des appels ?

Ensuite parce que cela participe de l’entretien des épiphénomènes au Cameroun. Il nous semble important que la Nation garde le peu d’énergie qu’elle possède pour construire un programme alternatif riche, pragmatique et innovant d’une part. Et surtout, qu’elle soit en veille quant à sa sécurité d’autre part. Car même si le Chef de l’Etat décidait lundi prochain de laisser le pouvoir, pensons nous vraiment que grand-chose changera au quotidien actuel des gens à court et à moyen terme ? Je dirais non. Car il faudrait déjà travailler la structure même de notre modèle de développement. Or, le fait que les Camerounais soient si excités à toute diversion montre bien qu’eux mêmes n’ont jamais projeté leurs vies dans un écosystème différent de celui actuel.

Enfin, soyons quand même au courant qu’il y a encore un Peuple au Cameroun. Aujourd’hui, il semble parfois complice, admiratif, contemplatif, voire passif. Si ce Peuple veut, ces appels auront un sens et une portée. Mais si ce Peuple ne veut pas, ceux qui l’initient risquent manquer du temps pour faire leurs valises, tellement sentiront ils la roue tournée. Pour l’instant au Cameroun, ce dernier rempart est, comment dire,  « un genre ». D’ici à 2018, laissons le « Demos » user de son « Kratos » !