Opinions of Wednesday, 9 March 2016

Auteur: Dr Modestine Carole Tchatchouang Yonzou

8 mars : Adresse d'une femme indignée à ses consœurs

Chères mamans, femmes et filles du Cameroun, mes chères compatriotes.
08 mars 2016, nous y sommes! Comme chaque année, nous avons une nouvelle édition de la journée internationale de la femme. Cette 31ème édition a été placée sous le thème fort évocateur : «Égalité de sexes et autonomisation des femmes : gagner le pari, surmonter les obstacles».

Seulement, depuis sa création en 1986, les autorités de notre pays ont imposé à cette journée une connotation qui n’honore pas la femme camerounaise. D’années en années, les clichés se suivent et se ressemblent. Les pouvoirs publics ont transformé cette importante journée en une fête du port du pagne à travers l’organisation de défilés géants avec des messages partisans qui n’ont rien à voir ni avec la quête de l’égalité par les femmes, ni avec la recherche de la dignité et de la reconnaissance de celles-ci. Ce folklore mal inspiré a pour seul objectif l’infantilisation de la femme camerounaise.

Or cette journée est tout sauf une fête. C’est une journée instituée pour que collectivement, toute les femmes du monde s’arrêtent et fassent le bilan de leur combat pour légalité et fixer les nouveaux objectifs. C’est pour cette raison que j’ai fait une vidéo il y a de cela deux jours vous appelant au boycott de cette journée. Sans naïveté aucune, j’avais parfaitement conscience que je ne serais pas suivie compte tenu de l’enracinement du système, mais ma motivation première était de relancer le débat autour de cette journée. Précisément, sa transformation et sa connotation négative au Cameroun. La femme seulement belle n’est pas l’image que j’ai de la femme camerounaise que je suis. En plus d’être belle, elle est intelligente, forte, ambitieuse, dynamique, courageuse et travailleuse.

C’est pourquoi, cette journée doit être pour nous l’occasion de penser à la situation de notre pays et à nos difficultés quotidiennes. La réalité profonde de notre société dont nous sommes le socle est dans une situation des plus tragiques. Accordons-nous un tout petit instant pour regarder cette réalité en face.

Le chômage des jeunes, nos enfants demeure chroniques. Ils sont des milliers à traverser la méditerrané a la quête d’une vie meilleure, voyage périlleux au cours de laquelle des milliers d’entre eux perdent leurs vies.  Les crimes rituels se multiplient sous nos yeux. Comment ne pas évoquer la petite Eva, cette enfant tuée à la fleur de l’âge à Douala, qui est devenue le symbole de la lutte contre les crimes rituels auxquels le gouvernement ne s'attaque pas?  Elle n’avait que 3 ans et n’avait même pas encore conscience du monde dans lequel est vivait. Pourtant, elle a été brutalement arrachée à la vie dans les conditions les plus tragiques susceptible d’émouvoir le diable en personne. Avons-nous oublié les assassinats de jeune-filles de Mimboman-Yaoundé? Comment oublier ces jeunes filles éventrées et dépecées dont on retrouve les corps éparpillés dans nos grandes villes?

Comment oublier cette jeune fille du quartier Kotto à Douala, brillante jeune élève qui s’est vue enlevée à la vie de manière atroce par son petit ami ? Ces image symbole de la tragédie qui se déroule sous nos yeux nous ais devenu tellement familier qu’on peine à s’indigner. Ces tragédies se multiplient et trouvent une certaine normalisation dans l’inconscient collectif des camerounais. Devons-nous continuer à rester silencieux et donner ainsi caution moral à la tragédie humaine, notre tragédie? Car ce sont nos enfants, et qui plus qu’une femme (qui connait la douleur de l’enfantement) peut mieux en être peinée? Notre silence fait de nous des complices d’où la nécessité absolu de prendre notre distance et de crier notre douleur.

La femme camerounaise au quotidien est humiliée et torturée.  Au cours de son existence, elle expérimentera toute forme de torture (viole, agression physique et psychologique…) allant jusqu’au meurtre. Elles continuent de subir des violences conjugales inqualifiables. Combien sont-elles qui sont chassées de leur foyer conjugal selon les humeurs des leurs époux ?  

L’état qui a pour mission régalienne de protéger ses citoyens indépendamment de leurs sexes s’en est fait le complice direct et indirect. Nous avons ainsi suivi de manière impuissante le débat et l’adoption des lois sur le port des mini-jupes au Cameroun. Autrement dit, l’état affirme que c’est la faute aux jeunes-filles si elles se font violer. Ainsi, par un  mécanisme dont eux seul détiennent le secret, ils arrivent à faire de la victime, l’ennemie de la société et d’elle-même. Nous nous serions attendue à ce que notre gouvernement nous protège des prédateurs sexuels, des pédophiles et de toutes les violences dont sont victimes la femme camerounaise au quotidien en créant des lois qui punissent sévèrement tout acte d’agression envers la femme… mais comment pourront-ils s’ils sont les premiers acteurs de la marchandisation et de la chosification de la femme?

Nous avons par exemple le code civile qui dessert totalement la femme et est en complète déphasage avec l’évolution irréversible du monde. Nous nous battons depuis des années pour son changement afin que la femme soit reconnue comme étant un être à part entière et non une « toy » humaine pouvant faire des enfants et le ménage. Seulement, nos revendications n’ont jamais trouvé écho favorable.

Comme si ça ne suffisait pas, ils nous imposent le silence. Pour cela, nous avons un dicton très célèbre au Cameroun : « la femme vertueuse subies sa misère et sa souffrance dans le silence, car il est impropre à la femme d’élever sa voie en publique » Oh Dieu! Comment ils nous ont menti, qui mieux que la femme, mère de l’humanité a le devoir et l’obligation morale de porter haut les combats de notre société et d’exiger qu’on lui accorde une place de choix au sein d’un monde dont elle est la génitrice?

L’eau potable et l’électricité demeurent des denrées rares et hors de portée de la grande majorité des familles camerounaises. Les soins de santé de base que tout État normal à l’obligation d’assurer à sa population est un luxe dans notre pays, et la déchéance de notre système de santé n'épargne aucun Camerounais ordinaire, fût-il du corps médical. Je pense au récent décès subit à Douala de cette jeune femme médecin, faute de soins appropriés qui lui auraient permis d’accoucher dans de bonnes conditions. Pouvait-on imaginer un seul instant que plus de 50 ans après l'indépendance, des femmes mouraient encore dans notre pays de suite d’accouchements difficiles, faute de soins adéquats ? Pouvons-nous rester silencieux devant un tel drame qui met directement en cause le système de santé dans notre pays ? Non, nous avons le droit de nous indigner, et la femme camerounaise, le devoir de réfléchir à son sort.

Chères mamans, chères sœurs,

Femmes camerounaises de nos villages et des quartiers pauvres de nos villes, votre vaillance et votre ténacité ne sont plus à démontrer ; vous êtes celles-là qui, aujourd’hui, doivent soutenir toute la famille grâce à vos petites activités de débrouillardise, au moment où la plupart des hommes sont réduits au chômage et contraints à rester à la maison, faute d’opportunité. A qui, nos enfants qui ont la charge de gouverner demandent de retourner au village cultiver la terre, mais on ne sait quelles terres ni avec quels moyens. Quand le fils à qui on a donne le pouvoir de diriger ses frères devient un danger pour eux et ses parents, on lui retire ce pouvoir afin de protéger le reste de la famille. C’est pourquoi, il temps pour nous de leur demander d’aller se reposer, car même leur âge ne leur permet plus de réfléchir clairement et de comprendre les grand enjeux de notre société. (Il a été prouvé scientifiquement qu’à partir de 50 ans, les cellules nerveuses commencent à mourir, ce qui implique logiquement qu’a plus de 80 ans, on n’en plus une seule qui fonctionne normalement). C’est pourquoi, nous devons mettre un terme à ce gouvernement et qui plus qu’une femme a cette lourde responsabilité?

Face à ces souffrances des femmes, au martyr de nos filles, le régime en place est préoccupé par une seule chose : s’agripper au pouvoir par tous les moyens, y compris les plus sordides. Occupé qu’il est à orchestrer des motions de soutien puérils et des appels honteux à une candidature et à l'anticipation de l'élection présidentielle, ces compatriotes qui prétendent parler en nos noms n’ont pas le temps pour régler les problèmes de la société camerounaise, et ceux des femmes en particulier, dans un pays où celles-ci font 52% de la population totale. Même à l'occasion du 8 mars, qui est censée être un moment où chacun doit faire un effort pour nous entendre, ils nous bâillonnent, interdisent nos réunions publiques pourtant régulièrement déclarées et nous soumette à l’humiliation publique. Ils n'ont que faire de nos problèmes.

C’est pourquoi, je vous invite dans un premier temps, a massivement signer des contre pétitions pour exiger le départ de ce gouvernement. La femme camerounaise doit se lever et lutter pour sa condition. Dans l’histoire de l’humanité, même quand la femme a été mis à l’ombre, c’est elle qui inspirait son mari et gardait un œil très attentif à la bonne marche de la cité. Tournons la page a  un régime qui en 33 ans n’a pas pu nous sortir de la misère, et ne le fera jamais. Une fois de plus, ce régime est en voie de manipuler notre Constitution dans le seul souci de confiscation du pouvoir. Ne nous laissons plus berner et gardons un œil très attentif à ce qui ce passe! Tout est possible, et tout dépend de nous, car lorsque la femme s'engage aucun obstacle ne résiste.

Je ne pouvais finir ce message sans adresser un message de soutien à notre armée, car comme vous le savez, cette année, cette fête se déroule dans un contexte très particulier. En effet, notre pays traverse un moment particulièrement difficile avec la guerre que la secte « Boko Haram » impose à nos populations, en particulier celles de la Région de l'Extrême-Nord, et à laquelle nos vaillantes forces de défense et de sécurité font face avec héroïsme. Je vous exhorte à avoir une pensée profonde et de la compassion pour les orphelins, les veuves et les veufs meurtris par cette ignoble barbarie.

Que Dieu bénisse le Cameroun!
Vive la femme camerounaise, pour que vive le Cameroun!  

Bonne journée des femmes !