Les cellules de lutte contre la corruption, les actions de la Conac ou la mise en place du système de gestion informatisée des carrières (Sigipes), sont entre autres dispositifs mis en place pour endiguer le phénomène et améliorer le service. Mais ce n’est visiblement pas encore suffisant.
«Avant, quand vous aviez un dossier concernant la gestion de votre carrière ou la prise en charge de votre solde à la Fonction publique, la seule idée de penser aux responsables en charge du traitement dudit dossier vous donnait des insomnies. Pour une même pièce, vous pouviez revenir plu- sieurs fois sans que le dossier ne soit traité. Un langage codé pour monnayer le service public ».
Dixit Jean Claude Mbila, agent de l’Etat. Dans la même veine, c’est un usager, plus précisément une enseignante de profession qui confie : « Pour le suivi de nos dossiers, il fallait s’entendre avec certains responsables pour que tout aille vite en donnant une somme d’argent. C’était le prix à payer et nous n’avions pas de choix. Parfois, il fallait plusieurs mois pour que le dossier aboutisse ». Ces témoignages donnent une idée des différents visages de la corruption au sein des administrations publiques.
Pour sensibiliser une nouvelle fois sur les ravages de ces mauvaises habitudes, le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative (Minfopra), Joseph LE, a adressé une lettre aux usagers de la Fonction publique le 22 juin dernier. C’était à l’occasion de la Journée africaine de la Fonction publique et de l’Administration. Dans cette correspondance, le Minfopra réitère que « l’usager est roi » à la Fonction publique et que ce slogan ne doit souffrir d’aucun doute.
Le service public étant gratuit. Ce qui est vrai au Minfopra l’est dans toutes les autres administrations, où les pouvoirs publics ont mis en place divers mécanismes en vue d’améliorer le service, et par ricochet, réduire à leur plus simple expression, les poches de corruption, véritable gangrène dans le service public. Ainsi, l’avènement des cellules internes de lutte contre le fléau était fait pour avoir un effet au moins dissuasif. Mais aussi au plan pratique, servir de bras séculier pour la prévention et la répression des comportements répréhensibles des agents publics dans l’exercice quotidien de leurs fonctions. De même, les investigations de la Commission nationale anti-corruption (CONAC) ont souvent servi à débusquer des agents véreux et les épingler. On connaît bien la célèbre expression « suivre un dossier », porteuse de bien des pratiques contraires à l’éthique du service public. Elle a malheureusement fait et continue de faire le lit de chantages pernicieux à l’endroit d’usagers impuissants, qui se voient obligés de mettre la main à la poche pour ce service gratuit. A prendre ou à laisser.
Dans ce combat, le Système informatique de gestion intégrée des personnels de l’Etat et de la solde (Sigipes) reste une source d’espoir pour les usagers et les pouvoirs publics. L’outil a commencé à faire ses preuves, mais nourrit encore de grandes attentes. Son grand avantage : il limite le contact entre le personnel et l’usager. Un contact qui est très souvent facteur de corruption. Mais là encore, les résistances sont coriaces. Et si aujourd’hui encore, le Sigipes n’a pas donné toute l’étendue de ses capacités, c’est bien parce que des agents véreux ont réussi à rétablir le fameux contact physique, qui met l’usager à leur merci. Un avancement, un reclassement, des effets induits ? Ce n’est pas si automatique.
A défaut d’être des champions du monde de la patience, beaucoup de fonctionnaire sont encore obligés de laisser des pourcentages de leur dû à des agents dont le seul mérite est d’avoir le « pouvoir » d’introduire les données dans l’ordinateur pour déclencher des effets financiers par exemple. C’est clair, le combat est loin d’être gagné, malgré les batailles remportées.