les réactions fusent de tout part sur cette affaire entre Ayissi et la jeune Bonita. Et les réactions se multiplient mais ne se ressemblent pas. Cahcun allant de son point de vue et de ses analyses. En voilà ici, une réaction à cette affaire qui fait prendre la chose sous un autre angle.
Mme Patoue Bakalack m'a demandé ce que je pensais de l'histoire. Elle voulait probablement savoir si je suis de ceux qui soutiennent "un violeur" ou non. J'ai décidé de répondre parce que votre histoire d'amour a ému toute la toile il y a quelques semaines. Je vous fais hommage afin que cette histoire ne soit pas assimilée aux dérives du droit culturel que nous observons dans nos sociétés.
Je réponds plutôt du point de vue des politiques publiques c'est-à-dire des décisions politiques susceptibles de permettre de limiter ce genre de pratiques dans la société. Je n'adopte pas une approche judiciaire que je comprends mais, que nous autres en sciences sociales, trouvons punitive et réactive: elle table sur les dégâts. Notre société est malade et si l'on ne résoud pas le problème à la racine, alors les avocats et autres juristes devraient, pour être justes et équitables, tabler sur des millions d'autres cas.
Que ne va-t-il pas? Culturellement, la fille est admise dans notre société comme un objet à la disposition de l'homme pour l'assouvissement de ses besoins. Et rien n'est fait pour que cette image change même dans la société occidentale. Dans les faits, il s'agit d'un problème des droits de l'homme et notamment, de la chosification des femmes. En 2009 lors du premier Forum International sur les Droits Economiques, Sociaux et Culturels de la Femme à Genève (dont j'étais membre du comité d'organisation), j'avais en tant qu'intervenant tabler sur cette quesiton en montrant même qu'il y avait de nouvelles formes de violation des droits de la femme sur le plan culturel en Occident. Figurez-vous que l'on utilise la femme nue comme produit d'appel en marketing, ce qui est la perpétuation de la chosification éternelle de la femme. Je disais que l'enfant qui naît aujourd'hui continue d'envisager la femme comme un objet pour "s'amuser". Il faut s'attaquer à ce phénomène. Le saviez-vous? Aux Nations Unies, ce sont les associations de femmes (féministes) qui m'ont attaqué après ma présentation. Pourquoi? Parce que je venais de porter atteinte aux droits individuels de la femme (chèrement acquis) en Occident. Une femme a le droit de disposer de son corps, et donc, de se prostituer. Elle a le droit de signer des contrats publicitaires avec des marques pour poser nu sur les produits. Vous connaissez le type de contrat que signent les stars!
En fait, il existe un conflit entre les droits culturels de la femme et ses droits civiques et politiques. Problème: Ce sont les droits civiques qui sont contraignants. Le droit culturel (que l'on viole) n'est que symbolique (et donc, une affaire de conscience!). Vous ne pouvez rien politiquement. Voilà le frein.
La cause que je peux soutenir est celle du harcèlement. Si vous voulez parler de "justice" alors c'est éventuellement de cela qu'il faut parler. Mais, si vous voulez qualifier en "viol" un droit individuel mal négocié, alors ce serait injuste même si vous aurez raison légalement. Le droit n'est pas toujours juste, vous le savez.
Certaines femmes (mères et filles) ont intégré dans notre société qu'il faut jouer de leurs corps pour survivre. Elles en ont le droit. Pour ma part, je rejette cette philosophie de vie et je laisse le soin aux adeptes soit d'en assumer les dérives ou de se battre devant les tribunaux.
Ce que je pense, chère Madame Patoue Bakalack, c'est que vous n'êtes pas de cette école-là au regard de l'histoire que vous nous avez écrite ces derniers jours. En tant que scientifique, je ne peux pas prendre le problème d'un seul bout parce que cela permettra visiblement de régler des comptes aux adversaires (légalement bien sûr!) mais, cela ne permettra pas de résoudre durablement le problème de harcèlement sexuel (de l'homme comme de la femme) et du "viol" dans notre société.
Je vais vous donner 3 éléments culturels:
1. Au secondaire (classe de Bonita), tous ceux qui étaient "tout petits" en classe comme moi savent qu'on ne pouvait pas faire la cour à nos camarades filles qui nous simplifiaient. Elles disaient qu'elles ne pouvaient pas sortir avec nous parce qu'on dépendait de l'argent des beignets que nos parents nous donnaient et qui était trop petit (FCFA 100) pour être partagé avec elle. Par conséquent, il leur fallait des hommes qui travaillaient déjà. Chère madame, notre société est matérialiste et cette réalité que je décris existe toujours de nos jours. Les filles ont intégré que Nathalie Kouah est le modèle. L'idée de la réussite n'est plus "les bonnes notes" que nous recherchions mais, Nathalie Kouah. Il faut s'attaquer à ce problème non pas du point de vue judiciaire, mais du point de vue politique. Personnellement, entre potes, lorsqu'on repense à ces années-là et à ces belles filles qui nous faisaient rêver, on a mal parce qu'elles ne sont rien devenues pour l'essentiel. Les "vieux" qui travaillaient déjà les ont toutes sucées et abandonnées au bord de la route avec des enfants dans les bras. C'est triste comme choix de vie, non?
2. Lorsque nous allions visiter nos camarades de classe, leurs mamans nous chassaient. Elles leur demandaient ce qu'elles faisaient avec les élèves comme nous. Culturellement, il est vrai que c'est de cette façon que beaucoup de mamans éduquent leurs filles. IL faut tuer ce mal à la racine.
3. On se retrouve en Europe. On se moque des filles qui sortent avec les Africains. Il faut chercher son Blanc. En fait, j'avais été choqué en 2009 à Genève par autre chose. J'avais eu la même bourse de doctorat qu'une amie qui a très rapidement, vous savez comment ça se passe, épousé un sale jardinier pour des besoins de "papiers". J'ai été choqué. Pourquoi? Parce que j'avais eu du mal à comprendre que l'intelligentsia africaine se prostitue pour une position sociale. J'ai compris que "les Blancs" vont nous dominer à jamais si nous maintenons cette idée de la réussite. J'ai eu envie de porter plainte: mais contre qui? Je reste toujours sans voix et sans solution.
Je vous parle là des dérives de notre société, Madame. Il ne faut pas les traiter de façon supercielle en prenant simplement un bout. Il faut adopter une approche holistique et porter ce débat en politique. Il faut que l'on légisfère sur la violation du droit culturel et/ou collectif (l'image de la femme dans ce cas) afin que l'on ait la possibilité de porter plainte aux femmes et filles qui se prostituent et/ou qui dégradent la femme. Si l'on ne peut pas le faire et vous nous demandez d'assumer les conséquences, alors vous aurez raison mais, ce serait injuste.
Chère Madame, je vous réponds parce que votre histoire d'amour a ému toute la toile il y a quelques semaines. Connaissant comment fonctionne mes soeurs en Occident, j'ai été impressionné et très marqué positivement de découvrir que vous êtes restée attachée à un homme resté au pays. Bravo, madame! Je veux défendre des femmes comme vous et non celles qui se prostituent. Malheureusement, elles ne sont peut-être pas de notre société. Montrez-nous les membres de votre espèce en voie de disparition et nous allons soutenir! J'espère que vous me comprenez et que vous comprenez que même en démocratie, on ne défendra pas en l'état les travers de la société. La démocratie doit nous permettre d'améliorer la société et non le contraire! Il faut réformer! Et je travaille plutôt pour cette réforme.