Le voile est désormais levé sur les intentions de l’Etat du Cameroun à propos de l’enquête pour « mort suspecte » de Mgr Jean-Marie Benoît Bala. Avec le communiqué du 04 juillet 2017, faisant de la noyade « la cause la plus probable de décès » de l’évêque de Bafia, on peut dire que le gouvernement de Yaoundé a définitivement choisi de brouiller les pistes.
La volonté observée, au matin du 30 mai, d’entraîner l’opinion sur la piste du suicide, est confirmée dans le communiqué de Jean-Fils Kléber Ntamack. Attestée par le prétexte bidon, « L’absence de toute trace de violence sur le corps du défunt », qui amène le Procureur de la République près la Cour d’Appel du Centre à conclure à la noyade.
La confirmation de la position des évêques ouvre donc une autre phase dans ce qu’il convient désormais d’appeler le « balagate ». La CENC, en possession des éléments de l’autopsie du 02 juin (confirmés selon nos sources par celle du 22 juin), affirmait le 14 juin que « Mgr Jean-Marie Benoit Bala a été brutalement assassiné ».
Pour ceux qui ont vu Mgr Samuel Kleda au point de presse de samedi dernier à Mvolyé, c’est la révolte et la colère qui gronde dans Eglise. A la question de savoir si l’épiscopat avait réceptionné ou pas la dépouille de l’évêque, l’archevêque de Douala et président de la CENC a sèchement répondu : « un corps ne se perd pas ».
Cette colère et cette révolte sont très largement partagées par l’ensemble des chrétiens catholiques. L’indignation se généralise d’ailleurs à l’opinion publique nationale toute entière. Les mots ne sont pas assez forts pour dire la colère des camerounais. « Comment peut-on tenter maquiller un tel crime en noyade ? » « Qu’est-ce qui peut bien avoir conduit à l’assassinat d’un homme aussi discret, affable que Mgr Bala ? » « Pourquoi avoir tissé un tel drame, une telle horreur ? »
Les questions foisonnent. Les réponses aussi ! Et toujours des questions : « En sommes-nous donc arrivé là ? » « D’aller enlever un évêque dans son évêché, le torturer, l’assassiner, organiser une recherche en mondovision, jeter son corps dans l’eau et venir, un jour agréer publiquement la thèse de la noyade? ». Il est impossible, en tant que chrétien, d’être insensible à l’assassinat de Mgr Jean-Marie Benoit Bala. Il ne suffit même pas d’être sensible. Il faut considérer que c’est un grand moment d’épreuve et de foi.
Une foi militante et agissante qui doit nous amener à nous interroger sur la qualité de notre être chrétien, le sens de notre engagement baptismal. Car, parmi les commanditaires, les exécutants, les tortionnaires et les assassins de Mgr Bala, il y avait sans doute des chrétiens.
Parmi les enquêteurs, les officiers de police judiciaire et les employés du bureau du Procureur, il y a sans doute aussi des chrétiens. Comment un chrétien peut-il avoir signé le communiqué qu’a signé Jean-Fils Kléber Ntamack, sur l’assassinat grotesque et grossier d’un évêque sans frémir ?
Comment un chrétien peut-il avoir participé à l’enlèvement d’un évêque, à sa torture, à son assassinat ? Comment des chrétiens peuvent-ils avoir participé et continuent à participer au maquillage macabre de ce meurtre crapuleux en suicide ?
Un prêtre, un évêque, un religieux, une religieuse peuve-t-il dormir tranquille alors même que son sommeil validerait la possibilité qu’il soit lui-même enlevé, torturé et assassiné à n’importe quel moment, par n’importe qui et pour n’importe quel motif ? Un chrétien peut avoir la paix alors que, par son silence, il se rend complice de tous les meurtres à venir ? Une fois qu’il sera convenu que l’on peut assassiner un évêque et le maquiller en suicide sans que personne ne lève le petit doigt.
Un citoyen peut-il être indifférent à l’activité infâme qui se déploie depuis un mois autour de la dépouille de Mgr Jean-Marie Benoit Bala ? Un ces matins, on assassinera un Imam, après l’avoir torturé. On prendra la vie d’un pasteur, après des sévices et mutilations. On enlèvera votre enfant, votre père, votre mère, votre épouse, votre époux, et on vous dira qu’il a disparu. Après tout ne l’a-t-on pas fait avant Bala ? Ne le fait-on pas avec lui ? Pourquoi ne le ferait-on pas après ?
Personne n’aura plus le droit de se plaindre si ce n’est maintenant. Car c’est l’escalade ! Les évêques ont donné le ton, eux qui sont si souvent retissant à le hausser, accusés de collusion avec le système. L’agneau a été livré, le sacrifice est offert, le sang versé, à nous d’en tirer toutes les conséquences, chacun en ce qui le concerne.
Car, dans la vie des hommes et des peuples, Dieu dispose les événements, mais c’est à chacun d’en faire des péripéties ou des prophéties. Et les grands peuples, comme les grands hommes, sont ceux qui ont su voir une prophétie, là où d’autres se lamenteraient sur des péripéties.