Monsieur le Premier ministre,C’est un plaisir et un immense honneur de nous adresser à vous pour exercer un devoir de vigilance citoyenne. La semaine dernière, les réseaux sociaux nous ont annoncé la tournée de responsables de l’entreprise Française LCS International SAS représentant la marque Le Coq sportif dans les cabinets de plusieurs hauts responsables de la république. Après recoupement, nous pouvons affirmer avec certitude qu’ils ont été reçus au ministère des Sports et de l’Education physique et par Monsieur le Ministre Directeur du cabinet civil à la présidence de la République, Samuel Mvondo Ayolo. Nulle intention pour nous de faire la police des cabinets de la République. Il ne nous appartient pas de décider de qui mérite d’y accéder ou non. Cependant, le devoir d’exemplarité qui devrait guider les hauts commis de l’Etat commande de tenir à distance des lieux de pouvoir les personnes qui ne sont mues que par des intérêts égoïstes et peu honorables. L’Etat étant le garant de l’intérêt général, cela nous semble relever d’une dérive critiquable. Nous souhaitons attirer votre attention sur une pratique qui tend à se généraliser. Les bureaux de l’Etat ne sauraient ouvrir leurs portes à toutes sortes de personnes aux motivations douteuses.En vous priant de pardonner notre impertinence, nous nous permettons de souligner qu’il est inconcevable que les mandataires de LCS International représentant la marque Le Coq Sportif aient pu avoir l’occasion de délivrer leur argumentaire fallacieux alors que, dans le même temps, ils mènent une intense campagne de communication hostile susceptible de déstabiliser la Fecafoot à quelques semaines de la Coupe du monde. Monsieur le Premier ministre, permettez-nous d’exprimer notre perplexité.Voici les faits :En 2020, Monsieur Noah Yannick a introduit auprès de la Fecafoot une filiale dénommée LCS International SAS de l’équipementier français Le Coq Sportif. Cette filiale, immatriculée en 2000 au registre de Commerce de Strasbourg en France, a pour actionnaire unique monsieur Marc-Henri Beausire, avec capital de 18 000 euros, soit 10 millions de Fcfa ! Elle déclare comme domaine d’activité le « Commerce de gros ». Ce qui nous pousse à supputer qu’elle n’est qu’un maillon intermédiaire dans d’une chaine dont nous ignorons les contours. Pour votre parfaite information, nous tenons à votre disposition des documents issus du greffe du tribunal de commerce de Strasbourg. Et nous signalons en passant que la société n’a pas publié ses résultats pour les deux derniers exercices. Nous signalons aussi que l’entreprise-mère, Le Coq Sportif Holding, au capital de laquelle monsieur Noah Yannick est actionnaire, est une entreprise en difficulté, qui a enregistré d’importantes pertes lors de ses deux derniers exercices. Son chiffre d’affaires ne s’élevant qu’à hauteur d’environ un million d’euros, on se demande comment elle-même aurait pu honorer les engagements de sa filiale auprès de la Fecafoot sans elle-même mettre la clé sous le paillasson. Rappelons que le Coq Sportif historique a fait faillite avant d’être ressuscitée par un fonds d’investissement suisse. Mais ça ne marche pas.Il n’empêche, sa filiale LCS International SAS a signé le 10 janvier 2020 un contrat d’équipementier pour une période de 3 (trois) ans. Sauf que, comme on pouvait s’y attendre, LCS International SAS n’a pas honoré ses obligations contractuelles, notamment le versement de la contrepartie financière et la fourniture d’équipements de qualité en quantité suffisante. Tirant les conséquences de ces multiples manquements à ses obligations, la Fecafoot a résilié le contrat après consultation du Comité exécutif dont nous rappelons qu’il est une instance élue au cours de l’Assemblée générale du 11 décembre 2021.Les dirigeants de LCS International SAS ont contesté cette résiliation et ont fini par assigner la fédération devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris. Nous nous préparions à faire valoir nos arguments devant la barre quand nous apprenions que, dans le même temps, les mêmes mandataires sociaux étaient venus au Cameroun plaider leur cause non pas devant le juge camerounais - qu’ils ont ignoré et méprisé - mais auprès des décideurs politiques. Moralité : la justice, la vraie, est France. Au Cameroun, il vaut mieux user de ses réseaux pour obtenir des passe-droit.Mais alors, pourquoi une entreprise française, sûre de son bon droit, ayant saisi la justice réputée indépendante de son propre pays, viendrait-elle au Cameroun exercer des pressions politiques ? Pourquoi solliciter les politiques pour demander un fait du prince quand le droit peut trancher le litige ? N’est-il pas plus raisonnable d’attendre le 26 septembre prochain, date de l’audience devant le juge des référés de Paris saisi par les mêmes personnes ? Monsieur le Premier ministre,Quelle image notre pays renvoie-t-il lorsque ses plus hautes autorités déroulent le tapis rouge à des personnes qui, n’ayant aucun égard pour la démocratie associative, tentent d’imposer les mauvaises pratiques qui nous valent une réputation de « République bananière » à l’international ? Faut-il rappeler que les instances fédérales qui ont décidé de résilier ce contrat sont élues, donc légitimes et souveraines ? Et comment comprendre que des personnes ayant un passé de sportif de haut niveau ignorent que la Fifa n’admet aucune ingérence gouvernementale dans les affaires d’une fédération nationale ?Nous le disons haut et fort : le Cameroun mérite mieux. C’est pourquoi la fédération a choisi un équipementier sérieux et entend travailler avec lui pour relancer notre football. Seul l’intérêt des footballeurs compte pour nous. Nous exhortons les Camerounais à soutenir le projet que nous portons et dont les premiers acquis sont d’ores et déjà visibles à travers l’amélioration du niveau de vie des footballeurs. Les chemins de la réforme sont escarpés. Avec le soutien du gouvernement, nous conduirons ce chantier jusqu’à son terme.Veuillez agréer, monsieur le Premier ministre, Chef du Gouvernement, l’expression de ma considération distinguée.
Par le professeur NKOU MVONDO