Plus rien ne va pour le député camerounais Cabral Libii. Après ses explications controversées sur le contrat d’exploitation des mines de Kribi qui lui ont valu d’humiliantes critiques, le député du PCRN se fait encore remonter les bretelles dans l’affaire Dikolo. Eyock Pierre lui a adressé une lettre pour lui expliquer comment « mobiliser les investissements étrangers ».
Bonjour Monsieur le Député et distingué Cadet.
J’avais pris l’engagement solennel de ne plus parler de la scandaleuse affaire illégale de «Dikollo», parce que mon feu Père m’avait toujours dit je cite : « On ne peut pas vouloir le bonheur de quelqu’un contre son gré ». Fin de citation. Mais Votre déclaration entendue hier mercredi 01er juin 2022, vers vingt heures sur les antennes de MO RADIO FM 87.7, m'y ramène à mon corps défendant.
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M’étant connecté sur cette radio vers la fin de deux heures d’entretien débuté à 18 heures aux dires du journaliste, je ne sais si c’était un « direct » ou une rediffusion.
Honorable, je vous ai entendu dire je cite :
«C’est vrai que certains émettent des réserves sur le caractère dit d’utilité publique de la Construction d’un Hotel Marriot sur le site de Dikollo. Mais si on prend l’Hôtel Hilton de Yaoundé, par le simple fait qu’il embellit la ville de Yaoundé, moi je pense que par ce seul fait, il est d’utilité publique. De plus, ces grandes chaines hôtelières quand elles installent dans un Pays, attirent des investisseurs, et à ce titre leurs hôtels exercent des missions d’utilité publique ».
En Français facile toutes les belles villas de Yaoundé sont réputées « d’utilité publique » selon vous…. Honorable, je me demande si ces propos ont été tenus aux populations de Dikollo lorsque vous leur rendiez visite avec force publicité il y a quelques mois. Mais comme on dit chez nous au village, « c’est votre manioc » à vous avec ces pauvres gens, victimes d’un Etat criminel qui piétine ses propres lois, y compris les plus récentes comme celle relative à la décentralisation et au Développement Local ainsi que je vais le montrer, à l’effet de démontrer pourquoi est-ce que La chaine Hôtelière « Marriot » n’investira JAMAIS UN SEUL DOLLAR pour la construction d’un Hôtel sur le site de Dikollo.
En effet Honorable, ce ne sont pas les Hôtels qui attirent les investisseurs étrangers, mais plutôt les projets, et plus précisément la bancabilite desdits projets. Pour en savoir davantage sur ce sujet, je vous propose la Lecture du Livre « La Puce et l’Olivier… Comprendre la Mondialisation », écrit il y a plus de 20 ans par Thomas Friedman, Journaliste comme vous, qui fut pendant plus de 35 ans le Chroniqueur étranger du prestigieux quotidien « New York Times ».
Compte tenu de l’importance de ce sujet pour le développement de notre Pays, et surtout de la profondeur de sa méconnaissance aussi bien par ceux qui nous gouvernent, dans la très haute Fonction Publique (je peux en parler longuement), et manifestement au sein du Parlement, je vais devoir peut-être un jour faire une publication plus longue et à caractère pédagogique sur ce sujet éminemment important.
Dans le contexte de cette lettre ouverte, je vais me limiter à la présentation rapide du concept de Bancabilité, laquelle présentation rapide est suffisante pour démontrer que le Projet de Construction d’un Hôtel Marriot sur ce site de Dikollo est réputé non bancable… Même le plus incompétent des avocats inscrits au Barreau du Cameroun devrait déjà l’avoir compris.
Rappelons qu’on parle de « bancabilité » parce que tous les grands projets sont entièrement (ou presque) finances par les banques via la technique bancaire appelée « project finance » (incorrectement traduite en « Financement sur Projet »). Aucune entreprise ni individu ne met jamais ses fonds propres dans le financement d’un projet, à l’exception notable des coûts dits de développement dudit projet, engagés par le développeur du projet, qui est dans le cas qui nous concerne, Sieur Olivier Chi Nouako. Dans le contexte américain et canadien, le cout du développement du projet est valorisé entre 10% et 15% du coût total du Projet qui sera mobilisée auprès des Banques.
Pour illustrer en termes simples, supposons que pour la construction de l’Hôtel Marriot de Douala, Cent milliards de Francs CFA soit levés sur le marché bancaire et/ou financier américain, avant même que le premier engin de terrassement n’arrive sur le site de Dikollo, Olivier Chi Nouakeu, développeur dudit projet recevra dans son compte bancaire, une somme comprise entre 10 et 15 milliards de FCFA. Mais si par contre ce projet est considéré comme NON BANCABLE (et malheureusement je crois que ce sera le cas) par les avocats et experts des Banques et/ou de La chaine Hotelière Marriot, Olivier Chi Nouako perdra la totalité de son investissement dans le développement de ce Projet.
Voila « l’origine de la richesse des nations » occidentales depuis le 15e siècle : le développement des projets bancables, par des individus qui prennent le risque de perdre dix années (voire plus) de leur vie dans la phase d’amorçage d’un projet.
Parce que sans développeur de projet, il n’y a pas de projet bancable, sans projet bancable il n’y a pas de banque, sans banque il n’y a pas d’économie, et…
Sans économie il n’y a que de la pauvreté. Comme au Cameroun.
Honorable,
J’ai entendu dire qu’Olivier Chi Nouako est Avocat. Du fait qu’il ne soit pas résident permanent au Cameroun, Je puis lui concéder la méconnaissance de la Loi qui fera écrouler son brillant et mafieux montage juridique et financier. Un crime n’est jamais parfait. Mais il m’est difficile d’admettre le fait que cette même Loi, pourtant récente ait échappée à la perspicacité du juriste et parlementaire que vous êtes.
Et c’est bien de cette Loi que vous auriez dû parler aux populations de Dikollo quand vous leur rendiez votre visite avec force publicité il y a quelques mois. Nous ne serions plus en train de parler de cette dramatique affaire, et des gosses ne seraient pas en train de passer l’examen de baccalauréat en repassant leurs leçons le soir, sous la pluie.
Mais revenons au concept de bancabilité d’un projet.
La Bancabilité d’un projet est fondée sur les trois piliers suivants, par ordre d’importance
DECROISSANTE.
1. La Bancabilité JURIDIQUE :
Il s’agit d’une évaluation MINUTIEUSE, effectuée par les juristes et Avocats des Banques qui sont sollicitées pour financer le projet, à l’Effet de s’assurer que la mise en œuvre dudit projet est juridiquement inattaquable, pendant toute la période requise pour d’une part la construction de l’ouvrage à financer, et d’autre part le remboursement total de la dette-projet, qui doit provenir exclusivement de la seule exploitation dudit ouvrage.
Si le Projet est jugé non viable à cette Phase juridique d’analyse de bancabilité, on arrête tout. Les banquiers et investisseurs passent à l’examen d’autres projets et, le grand perdant est le développeur du Projet qui a fait une mauvaise structuration juridique de son projet. Les banquiers d’investissement ont une peur bleue du risque juridique.
Mais si le projet est jugé juridiquement viable, les banquiers et investisseurs passent à l’analyse de la bancabilité financière du projet. Compte tenu de l’importance de leur travail, les Avocats qui travaillent à la réalisation de ce type d’analyse SONT PAYES TRES CHERS.
3. La Bancabilité financière
L’outil principal d’examen de la bancabilité financière d’un projet est la modélisation financière dudit projet, préparée et proposée par l’équipe du Développeur de projet. Le Terme est malheureusement galvaudé, techniquement un modèle est une représentation simplifiée d’une réalité complexe, au moyen des techniques de l’informatique. La modélisation financière d’un projet consiste concrètement en l’élaboration d’un logiciel complexe qui permettra de simuler le fonctionnement commercial de l’ouvrage à financer, et sa capacité de générer un cash-flow suffisant pour garantir sa pérennité et sa capacité à générer les ressources requises pour assurer le remboursement total de la Dette-Projet.
Contrairement à la phase juridique précédente qui consacre la primauté de « la loi du tout ou rien », à ce stade d’analyse de bancabilité financière du projet, des arbitrages peuvent être négociés. Il serait fastidieux d’en dire plus. Au terme de ces arbitrages, et dans le cas où les parties se mises d’accord, on passe à la phase d’analyse de Bancabilité technique dudit Projet, qui dans la réalité aura déjà commencé pendant la présente phase d’analyse de bancabilité financière.
4. La Bancabilité TECHNIQUE
La bancabilité Technique d’un projet est la phase la plus brève. Elle consiste en l’évaluation par les banquiers, des capacités techniques des trois acteurs majeurs que sont :
(i) L’entreprise choisie par le développeur du projet pour construire l’ouvrage, obligatoirement dans le cadre d’un Contrat de Conception-Construction clés en mains (« Turnkey Design-Build Agreement »)
(ii) La Compagnie d’assurance choisie par le développeur du projet pour assurer l’ouvrage pendant toutes les phases de conception et d’exploitation, jusqu’au total remboursement de la dette-projet.
(iii) L’entreprise choisie par le Développeur du Projet pour assurer l’exploitation de l’ouvrage jusqu’au remboursement total de la dette.
Dans le cas où les Banques jugent que l’une de ces entreprises n’offre pas les garanties techniques suffisantes pour assumer pleinement ses missions dans le cadre de la réalisation dudit projet, elles proposent une autre entreprise qui a leur préférence. Les Banques ont le dernier mot car, elles assument l’entièreté du risque de financement du projet.
Pourquoi est-ce que le projet d’hôtel « Marriott » sur le site de Dikollo est reputé « non-bancable » ?
Honorable,
A la suite de la Déclaration d’utilité publique prononcée par Décret du Premier Ministre en 2020, et la suite des Expropriations pour cause d’utilité publique, Le site de Dikollo, a été réintroduit dans le Patrimoine foncier privé de l’Etat du Cameroun.
Puis une Convention de Concession de ladite parcelle, a été signée entre d’une part le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières, et d’autre part le développeur du Projet, Sieur Olivier Chi Nouako. ET c’est bien pour cette raison que, Malheureusement pour Sieur Nouako, et Heureusement pour les populations de Dikollo, ladite Convention de Concession est frappée du sceau de l’illégalité. Pourquoi ?
Sur le fondement des articles 46e , 47e , et 50e de la Loi N°2019/024 du 24 décembre 2019 portant Code Général des Collectivités Locales Décentralisées, les compétence en matière de concession ont été transférées aux regions. Il résulte de ce qui précède que l’autorité concédante dans le cas du site de Dikollo devrait être le président du conseil régional du littoral, et non le ministre des domaines, du cadastre et des affaires foncières.
Tout au plus, en vertu des articles 29e ,30e et 97e de la même Loi, le Ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires Foncières aurait pu être cosignataire de ladite Convention de Concession aux côtés du Président du Conseil Régional du Littoral, Autorité Concédante, mais ce Ministre n’aurait en aucun cas dû être l’Autorité Concédante, car cette compétence a été transférée par la Loi, au Président du Conseil régional du Littoral. A ce stade de l’analyse il y a lieu de se poser la question de savoir à quel titre le Maire de la Ville de Douala intervient dans cette Affaire ?
Honorable,
La même disposition légale pourrait s’appliquer d’ailleurs à la convention Minière pour laquelle vous avez eu le mérite d’attirer l’attention de l’opinion publique nationale (avec légère maladresse somme toute excusable). En effet, la Convention Minière a été délivrée à une entité privée pour exploiter un gisement minier contenu dans une parcelle du Domaine de l’Etat située dans la région du Sud. Or la dite parcelle doit être préalablement ou simultanément concédée a la même entité privée par le président du conseil régional du sud. Or le Président du Conseil régional du Sud n’a été ni cosignataire de La convention minière, ni signataire d’une convention de concession domaniale avec l’entité privé bénéficiaire de la Concession minière (pas encore).
J’avais volontairement omis d’évoquer cet aspect dans ma publication sur le sujet, parce que je n’étais pas content des gens du Sud. Dans l’affaire foncière de la Vallée du Ntem, je leur étais venu en aide, et il m’avaient juste dit « Merci ». Alors que la valeur de mon assistance méritait qu’ils me donnèrent au moins deux femmes !!! (hahaha !!)
Pour conclure, lorsque les Avocats des banquiers de la Chaine hôtelière « Marriot » demanderont à leurs associés camerounais de se prononcer sur la fiabilité juridique de ladite opération, le plus jeune des Avocats stagiaires de l’un de ces Cabinets Camerounais va émettre des réserves légale de compétence, car le Ministre chargé des Domaines a signé ladite Convention de Concession en lieu et place du Président du Conseil Régional du Littoral. Et l’opération va s’arrêter net.
Olivier chi Nouako a manifestement « tchoko » tout le monde (y compris les députés), sauf la bonne personne : le président du conseil régional du littoral.
Une ultime chance peut-être pour les pauvres gosses de dikollo, qui passent l’examen du baccalauréat, en dormant sous une bâche en pleine saison de pluie.
Pour terminer, j’espère monsieur le député que vous en savez désormais un peu plus sur le seul mode opératoire existant pour mobiliser les investissements étrangers, et qu’à l’avenir vous vous garderez d’énoncer des déclarations aussi maladroites que celle qui a motivé l’écriture de ce texte.
Surtout au moment où des enfants à qui vous avez rendu visite, pour le « buzz », quelques mois plus tôt, dorment sous la pluie et les moustiques.
La décence est une simple affaire de bonne volonté et de bonne foi.