Comme prévu, l'audience de ce mercredi était consacrée aux observations des avocats de la partie civile. Prenant la parole, Me Atangana Ayissi a annoncé que l'Etat du Cameroun se constituait partie civile. Il a précisé que cette constitution est conforme à la loi puisqu'elle se fait avant la clôture des débats, qui se constate au moment de la dernière prise de parole des accusés pour leur mot de fin. Ensuite il a passé la parole à sa consœur Me Kangue Xaverie.
Prenant la parole, Me Kangue a rappelé que le ministère public, représentant la société, avait requis de déclarer tous les accusés coupables. Que la partie civile, représentant les intérêts de l'Etat, s'associe aux réquisitions du ministère public et va se taire sur celles-ci.
Elle s'est par la suite lancée dans un développement sur la fortune publique et les conséquences de s'y attaquer. Elle a rappelé que la création du Tribunal Criminel Spécial en 2011 est l'illustration d'une volonté publique de lutter contre le détournement des deniers publics et les infractions connexes, dont la corruption et le blanchiment des capitaux. Que 10 ans plus tard, les détournements sont de plus en plus en vue à travers les marchés publics et autres actes répréhensibles. Elle a poursuivi que depuis 27 mois cette procédure est connue devant ce tribunal et que deux discours vont s'affronter mais que le tribunal sache que la vérité n'a pas de conscience et que la fortune a été pillée.
Reprenant la parole, Me Atangana Ayissi a dit qu'à l'orée de ce procès, les Conseils des accusés ont soulevé des exceptions d'incompétence, de nullité... Qu'au cours de son réquisitoire, le ministère public a avec pertinence démontré et construit qu'il n'y avait qu'une seule voie qui est le rejet de ces exceptions. Que la partie civile s'aligne fidèlement sur ces rejets.
Pour ce qui est du fond, d'après Me Atangana Ayissi, il n'y a rien à dire de plus sur ce que le ministère public a eu à asseoir, convaincu et convaincant sur les moyens de faits et de fond, à ne retenir qu'une seule chose : la culpabilité de tous ces accusés.
Pour résumer ce procès, d'après Me Atangana Ayissi citant Ciceron "les faits parlent d'eux-mêmes" . Il a dit au tribunal qu'il pourra tout oublier, sauf le patrimoine des accusés qui ne convient en rien à leurs revenus de simple fonctionnaire. Il a renchérit que ce procès pourrait s'appeler le procès des Biens Mal acquis . Qu'en dehors des procès verbaux d'enquête, d'auditions, il y a les résultats de la Commission Rogatoire Internationale. Qu'en plus, en dehors des faits, les accusés eux-mêmes parlent. Il en est ainsi de la demande d’entraide judiciaire produit par le Colonel Mboutou. Morceaux choisis ci-dessous :
_le 22 mai 2014, un témoin révélait des faits d’abus de biens sociaux et de corruption d’agents publics étrangers en liaison avec l’activité de la société Magforce International. L’enquête confirmerait l’existence d’éléments caractéristiques d’un système d’obtention des marchés publics africains fondé sur diverses formes de corruption dissimulées, notamment le versement par Magforce de retrocommissions en espèces, l’attribution de divers cadeaux et le règlement de frais personnels de responsables publics africains. Les auditions de Robert Franchetti, Élisabeth Charlon, Roger Levy, Catherine Lemiere, Apollinaire Tafe, Soumeylou Boubeye Maiga (ancien ministre de la défense du Mali), confirmaient des remises d’espèces à des responsables publics africains, ainsi que la rémunération systématique d’intermédiaires locaux en tant qu’apporteurs d’affaires coût inclus dans la surfacturation des produits. Roger Levy Et Élisabeth Charlon reconnaissent avoir personnellement remis des enveloppes d’argent.
_Robert Franchetti admettait verser une commission de 3 à 15% incluse dans la facture globale et versée à des intermédiaires, apporteurs d’affaires ou lobbyistes proches du pouvoir, dont le rôle était de faire désigner Magforce comme fournisseur. Les écoutes téléphoniques confirment concernant le Cameroun, l’existence de remises d’espèces à des responsables africains en France par Roger Levy et notamment le 04 septembre 2014 à Maxime Mbangue.
_ le Colonel Mboutou apparaissait, d'après une interception téléphonique, avoir reçu 704.000 euros le 23 septembre 2014.
La conclusion de la partie française dit :
_Procéder à l’audition en qualités de suspects de Edgar Alain Mebe Ngo’o et de Maxime MBANGUE sur les faits objet de la présente information judiciaire.
Me Atangana Ayissi conclut cette lecture du document d'entraide judiciaire que c'est la justice française qui donne au Tribunal Criminel Spécial d'agir.
Il poursuit : "Mme la Présidente de la collégialité, Honorables membres de la collégialité, ces gens ne sont pas des enfants de chœur. Mr Mebe Ngo’o a cherché des experts : Mbangue depuis la DGSN qu'il a emmené au Mindef. Après Mboutou, Mme Mebe et l'expert financier. C'est une équipe d'experts pour détourner. S'agissant de Polytechnologies, il y a eu beaucoup d'ingéniosité. Le Président de la République a fait confiance pour 196 milliards pour l'achat de 6 hélicoptères et 4 patrouilleurs. Dès que les 196 milliards ont été mis à sa disposition, Mr Mebe Ngo’o s'est mis à les dispatcher à sa guise. Il vous dira que c'est une convention d'Etat à Etat, où sont les signataires de l'Etat chinois. Interrogé devant ce tribunal, le Colonel Mboutou a dit que lors de la signature du Mou, il n'y avait que le représentant de Polytechnologies, un Général à la retraite. Le contrat n'a pas de visa, ni les annexes. Donc le Président de la République ne sait même pas ce qui a été acheté. Il voulait 6 hélicoptères et 4 patrouilleurs, mais il a eu 4 hélicoptères et 2 patrouilleurs. Après coup, on a fait intervenir le Minepat et le Minfi pour commencer à envoyer de l'argent à Polytechnologies... "Nous pensons que les accusés sont arrivés au bout de la course. Il faudrait que les biens mal acquis soient récupérés. Et si le tribunal accède aux demandes à venir de la défense, vous aurez effectivement blanchi ces biens mal acquis"
Sur ce Me Atangana Ayissi a dit avoir fini avec l'intervention de la partie civile.
La Présidente de la collégialité a renvoyé la cause les 3, 4, 5, 9, 10 et 11 janvier 2023 pour les plaidoiries des avocats de la défense.
P.S : - la partie civile semble nous donner enfin raison, que ce procès n'est pas celui de détournements au ministère de la défense, mais bien celui d'un homme et ses biens
- la demande d’entraide judiciaire est-elle une décision de culpabilité. A-t-elle fait lobjet d'instruction de la part du juge camerounais à qui elle etait adressée ?
Franck Essomba