RDPC, le parti au pouvoir offre des spectacles inouis aux Cameroun depuis le lancement du processus de renouvellement des organes de base du parti. Dans différentes contrées, les leaders du parti s'adonnent à des bagarres sans vergogne devant les militaires. Autant de spectables'nauséeux' qui a amené Roland Tsapi à se poser la question de savoir si le parti de Biya tend vers sa fin d'ailleurs inévitable.
Le RDPC se dépièce-t-il ? C’est la principale interrogation suscitée au sein de la classe politique et les milieux universitaires avec le renouvellement des organes de base, ponctué par des batailles féroces, avec des atteintes graves à l’intégrité physique de certains militants et la destruction des édifices et bien publics. Un phénomène qui n’est d’ailleurs pas nouveau.
Dans un éditorial titré « la guerre des gangs » paru dans le quotidien le jour du mois de mars 2020, le directeur de publication Haman Mana disait à propos du renouvellement des organes de base au sein de ce parti : « Les affrontements observés lors de ces ” élections ” nous montrent d’abord que le ” parti au pouvoir “, loin d’être un ensemble de personnes ayant en commun une vue sur les lendemains de notre pays, est un conglomérat d’intérêts disparates, avec pour but, la captation et le contrôle des ressources au profit d’une minorité.
Dans le Chicago de Al Capone, les jeux étaient concédés à tel petit truand, le contrôle des bordels à tel autre caïd, le racket à la triade d’en face…À la moindre anicroche, survenait la plus sanglante guerre des gangs…”
pour que le RDPC ne survive pas à Paul Biya, il faudrait donc réunir certaines conditions dont la plus simple est le changement de dénomination de la part du successeur au Président Paul Biya pour marquer une forme de rupture. Il faudrait que les élites s’auto-sabordent dans une nuit de longs couteaux. Elles auraient trop à perdre à ce jeu.
Batailles pour la survie
À côté du pronostic tranché des politiques de l’opposition dont le souhait, au demeurant légitime, est que ce parti se disloque pour leur laisser la place, les universitaires abordent la question avec une démarche plus scientifique, pour démontrer que le parti peut aussi avoir des capacités pour rebondir. Le professeur Alphonse Bernard Amougou Mbarga de l’université de Douala, dans une analyse en 12 points publiée sur sa page Facebook, intitulé « RDPC : flammes, envolées et renouvellement. Les élections d’après et/ou d’avant ? », explique de prime abord, que la politique est un jeu de passions. Ces passions sont construites sur la base des ressources que les acteurs mobilisent (ressources financières, ressources symboliques, ressources stratégiques comme les positions dans les appareils institutionnels, capacité de mobilisation politique des soutiens électoraux ou tout simplement humains). Cette mobilisation en fonction des enjeux du moment peut prendre des formes diverses et parfois violentes (insurrection, casse des ambassades, incendies ou marches).
En outre, dit-il, la succession politique à Paul Biya au sommet de l’État, puisque c’est ce qui intéresse aussi les acteurs politiques, va se jouer au sein du RDPC. Par conséquent celui qui tiendra l’État aura la mainmise sur l’appareil politique RDPC. De plus, pour continuer à bénéficier des ressources liées au jeu politique et participer à la capture des trophées politiques, les élites actuelles du RDPC n’auront d’autre choix que de se soumettre au détenteur du pouvoir institutionnel à savoir le président de la République. Le président Ahidjo en a fait les frais quand il a voulu mettre le parti au-dessus de l’État.
Il en vient à ce que « le RDPC a tout à donner et tout à offrir. Sa mainmise sur l’appareil d’État justifie amplement ses batailles pour le contrôle et la capture des trophées politiques. Ainsi, pour que le RDPC ne survive pas à Paul Biya, il faudrait donc réunir certaines conditions dont la plus simple est le changement de dénomination de la part du successeur au Président Paul Biya pour marquer une forme de rupture. Il faudrait que les élites s’auto-sabordent dans une nuit de longs couteaux. Elles auraient trop à perdre à ce jeu. De même, précise le professeur Amougou, « le RDPC peut se retrouver dans l’opposition. Peut-être en plusieurs morceaux mais on ne peut se prononcer de manière péremptoire sur la disparition d’un parti politique ».
La conclusion de cette analyse est que « les batailles politiques actuelles avec les passions, parfois violentes, qu’elles déchaînent sont la preuve d’un positionnement stratégique des acteurs pour mieux asseoir leur mainmise sur la capture des trophées politiques. Et ce n’est pas surprenant qu’elles soient plus âpres dans les “bastions naturels” du RDPC car c’est à ce niveau que les acteurs devront faire preuve d’un attachement et d’une grande allégeance au président de la République. Le président de la République a le contrôle sur l’État et chaque acteur du moment veut être dans le bon wagon quand le train sera en marche. »
“Ceux qui sont pour le changement véritable, comme moi, doivent appeler l’opposition à mieux s’organiser et à mener des actions qui vont influencer l’opinion. Notre attentisme et notre absence de stratégie risquent d’être un boulevard pour le RDPC, permettant ainsi à ce parti de gagner les élections futures. Ne nous concentrons pas sur ce qui fait sensation, c’est un leurre. “
L’effet d’endormissement
De son côté, Dr Achille Ebana du département de communication à l’Université de Douala, se demande si « le RDPC est- il entrain de descendre vers les abîmes ? » Il rappelle déjà que « tous les camerounais pensaient, à son époque, que l’UNC ne survivrait pas au président Ahidjo. Mais ce parti est devenu le RDPC, il est vrai en perdant en chemin les hauts dignitaires tels que Bello Bouba et autres. Mais l’essentiel était sauf, d’ailleurs ces personnes ont aidé le régime RDPC à survivre dans les années 90 voire à garder le pouvoir. Elles sont ses plus grands alliés. Je pense que le moment venu et face à la peur de tout perdre, les tenants du pouvoir actuel vont se résoudre à préserver l’essentiel. Je crains que les annonceurs de mauvaises nouvelles soient allés vite en besogne. Seul l’avenir nous dira.
Ces renouvellements des organes de base ne démontrent-ils pas plutôt un certain dynamisme de ce parti et une chance pour sa survie future ? » Achille Ebana dit avoir pensé à tout face au déroulement de ces élections à la base du parti au pouvoir, et « À la fin, j’ai eu des pensées qui me disaient que le RDPC se projette déjà vers 2025 tandis que d’autres sont sur Facebook et les plateaux de télévision. Ces gens sont sur le terrain, ils ratissent large, attirent l’attention. Ils consolident leur position et attirent de nouvelles personnes qui croient aux idéaux de la démocratie. J’ai peur que le RDPC soit, une fois de plus, en train de nous damer le pion en se présentant comme celui qui prêche la démocratie par l’exemple.
Ceux qui sont pour le changement véritable, comme moi, doivent appeler l’opposition à mieux s’organiser et à mener des actions qui vont influencer l’opinion. Notre attentisme et notre absence de stratégie risquent d’être un boulevard pour le RDPC, permettant ainsi à ce parti de gagner les élections futures. Ne nous concentrons pas sur ce qui fait sensation, c’est un leurre. » Comme quoi, même si le parti des flammes s’enflamme, il n’est pas exclu qu’il renaisse de ses cendres.