Nous rendons hommage à deux intellectuels patriotes africains, un Camerounais, Tchoundjang Pouémi, auteur de « Monnaie servitude et liberté » et l’autre Ivoirien, Nicolas Agbohou auteur de « Le Franc Cfa et l’Euro contre l’Afrique ».
Leurs travaux ont éminemment contribué à mettre en évidence la nocivité du Franc CFA et à faire comprendre aux forces vives du Continent la nécessité de sortir de cette monnaie coloniale et néocoloniale. I -Quetionnements et Evidence
On cite souvent l’exemple du Mali qui est sorti de la zone franc et y est revenu, pour présenter cette sortie de la zone franc comme particulièrement périlleuse. Il suffit de se reporter à la liste des pays africains qui ont leur propre monnaie pour constater non seulement que plusieurs pays ont quitté la zone Franc sans connaître la faillite, mais que presque toutes les anciennes colonies britanniques ont adopté des monnaies nationales et ne s’en portent pas plus mal, bien au contraire !
Pourquoi un pays comme le Cameroun craindrait-il, cinquante après l’Indépendance, d’affronter les difficultés que le Ghana de Nkrumah, indépendant depuis 1957 seulement assuma moins de dix après en lançant sa monnaie nationale, le Cedi en 1965 ?
Comment un pays comme l’Angola d’Agostinho Neto, au sortir de la guerre de libération nationale contre le Portugal, et d’une guerre civile fomentée par les Occidentaux et le régime d’Apartheid Sud Africain, a-t-il pu lancer sa monnaie nationale, le Kwanza, alors que les pays africains de la zone Franc se réfugient encore derrière des arguments spécieux pour maintenir leurs peuples dans le plus rétrograde des systèmes d’exploitation impérialistes, le Franc CFA ?
Ne suffit-il pas de parcourir la liste des pays qui ont choisi de battre monnaie pour constater que tous ces pays l’ont fait pour affirmer leur indépendance, leur souveraineté et leur identité culturelle ?
De la Mauritanie à l’Egypte, tous les pays africains de culture islamique ont créé chacun sa monnaie nationale en se référant à cette culture dès qu’ils se sont libérés du colonialisme français ou britannique.
Aucun des pays africains qui ont créé leur monnaie nationale ne s’est fixé pour objectif d’atteindre immédiatement la convertibilité : il faut d’abord contrôler les principaux leviers de l’économie pour prétendre assurer les conditions de la convertibilité de la monnaie, au lieu de prétendre chercher la convertibilité de la monnaie en laissant le contrôle de l’économie aux mains de l’étranger.
La Chine s’est hissée au second rang de l’économie mondiale sans accorder la priorité à la convertibilité de sa monnaie : elle a même fait de l’inconvertibilité de sa monnaie un élément majeur de sa stratégie de développement.
« Certains voudraient nous faire croire que la diminution des parts de marchés de la France dans notre pays part rapport aux parts de marchés des autres pays signifierait une libération de notre pays de l’emprise économique et financière de la France. C’est faux.
Ils savent bien que le système du Franc CFA repose sur le mécanisme du « compte des opérations » qui voudrait que lorsque notre pays passe un marché avec un pays autre que la France, disons pour un milliard de dollars, par exemple, cinquante pour cent de cette somme à savoir cinq cent millions de dollars, sont automatiquement déposés au Trésor Français.
La France ne perd donc rien à ce que le Cameroun diversifie ses échanges économiques, bien au contraire. C’est la sortie du Franc CFA qui amorcerait la véritable indépendance du pays et non le faux « patriotisme économique » vanté par les trompeurs du peuple » (Philosophie de la Pétition Nationale, déclaration datée du 12 Août 2015).
C’est précisément parce que les pays africains doivent avoir en vue convertibilité de leur monnaie commune que nous ne devons pas considérer la création d’une monnaie nationale comme une panacée. Même en disposant de ressources significatives, un pays comme la Guinée Equatoriale doit d’abord rechercher un cadre économique optimal pour la création d’une monnaie commune, au lieu de se replier sur le plan national.
Les quatre Etats d’Afrique Centrale, Cameroun, Tchad , Centrafrique et Guinée Equatoriale peuvent d’autant plus former un cadre idoine pour la création des Etats Unis d’Afrique Centrale dotés d’une monnaie commune qu’ils peuvent garantir la possibilité de mettre fin au pillage des richesses de la République Centrafricaine, et assurer une lutte efficace contre les menaces sécuritaires de toutes sortes et contre le terrorisme de Boko Haram. II. - Pour une approche strategique et tactique correcte :
(L’aveu de Jacques Chirac, et les Trois Thèses des Patriotes Camerounais)
Face à un problème délicat comme le Franc CFA, il ne faut pas oublier le justefondement de nos revendications ni se laisser aller à un faux radicalisme débridé. L’aveu de Jacques Chirac nous rappelle le problème de base qu’est le pillage de l’Afrique par la France. Les Trois Thèses des patriotes camerounais apportent l’éclairage tactique.
L’aveu de Jacques Chirac, ancien Président de la République Française :
« On oublie une chose : c’est qu’une grande partie de l’argent qui est dans notre porte-monnaie vient précisément de l’exploitation depuis des siècles de l’Afrique. Pas uniquement, mais beaucoup vient de l’exploitation de l’Afrique. Alors il faut avoir un petit peu de bon sens. Je ne dis pas de générosité, mais de bon sens, de justice pour rendre aux Africains ce qu’on leur a pris. D’autant que c’est nécessaire si l’on veut éviter les pires convulsions ou les difficultés avec les conséquences politiques que cela comporte dans le proche avenir ».
Les Trois Thèses des Patriotes Camerounais sur le Franc CFA:
« Nous patriotes et panafricanistes camerounais sommes pleinement conscients du fait que la phase actuelle de notre lutte s’ouvre… encore hélas, sur un énorme contentieux avec la France. C’est précisément pourquoi il nous importe beaucoup d’exprimer et d’expliquer nos thèses et d’interpeller la France et l’opinion internationale à l’occasion de la Visite d’Etat du Président français François Holla
Première Thèse :
«Chacun sait – et la France doit en convenir - que les Peuples Africains ne peuvent connaître aucun développement significatif dans le système du Franc CFA. Sortir du Franc CFA est donc pour nos pays un impératif et non une question de haine de la France. C’est une nécessité objective du développement économique et social de nos pays et du bonheur de nos peuples. »
Deuxième Thèse :
« Il est tout à fait évident - et nous admettons volontiers - que toucher au Franc CFA c’est s’attaquer aux intérêts les plus profonds de la France… (sérieuse diminution de la masse du Trésor français, des facilités pour l’équilibre de la balance des paiements et pour l’équilibre budgétaire)...etc.
Mais, bonnes gens, n’en était-il pas de même naguère du régime colonial dans son ensemble dont le Franc CFA n’est qu’une honteuse séquelle ?
Fallait-il pour autant défendre à mort le « colonialisme à papa » parce que ce système colonial profitait beaucoup aux grandes fortunes de France Cette politique réactionnaire qui triompha un temps ne prouva-t-elle pas incontestablement son caractère erroné et aberrant avec l’effondrement mondial du colonialisme malgré de ruineuses et inutiles guerres coloniales ?
Alors que faire ?
Nous disons haut et fort que nous ne sommes pas des anti-français ! Nous ne recherchons pas la ruine de la France.
Primo : Nous, patriotes camerounais, dans la ligne historique de notre combat, pensons seulement qu’une grande Nation comme la France ne saurait indéfiniment faire reposer sa prospérité sur le pillage des autres peuples. C’est un grand risque historique.
Secundo: Nous sommes convaincus que le génie créateur de la France pourra d’autant plus facilement trouver des relations économiques et financières mutuellement profitables avec les Etats Unis d’Afrique, que les dirigeants actuels de la France auront eu l’intelligence d’accompagner en douceur la disparition inéluctable du Franc CFA, sans obstruction malsaine vouée à l’échec.
Troisième Thèse :
Nous appelons enfin le peuple camerounais à la plus grande vigilance, et nous disons solennellement aux Dirigeants de la France : « Prenez Garde » ! Les opportunistes camerounais et africains qui se posent en « meilleurs amis de laFrance » en défendant cyniquement le Franc CFA ou en choisissant d’en faire un sujet tabou, ce qui revient au même, MONTRENT QU’ILS METTENT LEUR SOIF DU POUVOIR AU DESSUS DE TOUT ! C ela signifie clairement et logiquement que si par accident de l’Histoire, ce genre de politiciens sans foi ni loi accédaient au pouvoir dans nos pays -ce qu’à Dieu ne plaise- ils ne mettraient jamais le Franc CFA en cause, POUR NE
Pas perdre leur pouvoir.
Or, en vérité, ce genre d’opportunistes cyniques qui refusent de défendre les intérêts vitaux du pays et des peoples africains pour bénéficier de la caution de la France (qu’ils croient décisive) ; n’auront en réalité jamais, même avec l’illusion d’un atout tribaliste, le soutien du peuple camerounais qui a désormais les yeux ouverts, soutien indispensable au succès.
La France a-t-elle alors intérêt à apporter sa caution ou son soutien à ce genre de personnage ? Nous ne le pensons pas.Aussi disons-nous en toute sérénité,A bas le Franc CFA ! Vive le Cameroun libre et les Etats Unis d’Afrique. Jeunesse Africaine Debout !
Un système inspiré du nazisme : Le Franc CFA fut créé par un décret du général De Gaulle en 1945 (N° 45/0136) du 25 Décembre 1945 . Il signifiait alors « Franc des colonies Françaises d’Afrique ».
Il peut paraître paradoxal qu’à peine sortie de la 2ème guerre mondiale, la France de la libération ait adopté un dispositif inspiré de celui-là même que les nazis utilisèrent pour piller la France occupée et les Français. En effet, le Franc CFA, dès le départ, reposait sur les règles suivantes : - Centralisation des réserves de change en France ; - Libre convertibilité entre la monnaie française et le Franc CFA ; - Fixité de la parité ; - Libre transfert des capitaux avec la France, garantissant le transfert des bénéfices des sociétés françaises en Afrique vers la France. - Enfin, une cinquième règle non-écrite mais qui semble aller de soi dans la mentalité nazie des gouvernants français vis-à-vis de l’Afrique, à savoir que la France décide souverainement de sa politique monétaire et de ses conséquences sur le Franc CFA sans consulter les pays africains.
« Le compte des opérations », un pillage à ciel ouvert :
Grâce à la centralisation des réserves de change, avec ouverture d’un compte pour chaque pays africain utilisant de Franc CFA au Trésor Français, la France importe toutes sortes de produits de ces pays sans sortir la moindre devise : en procédant à un simple jeu d’écriture consistant à créditer le « compte des opérations » de chacun de ces pays au Trésor Français.
Certes, une situation qui obligerait la France à sortir, comme tout autre pays, des devises pour ses approvisionnements venant des pays africains utilisant le Franc CFA, serait difficile pour la France et l’empêcherait d’occuper la place qu’elle a actuellement dans le Monde.
Mais au nom de quoi faudrait-il sacrifier le développement de quatorze pays Africains et les bloquer dans la misère, en laissant la France continuer à les piller par simple prolongation arbitraire de la colonisation?
Modulations des retenues au Trésor français
Depuis la création du Franc CFA à ce jour, trois modulations sont intervenues dans les taux des retenues des réserves de change au Trésor Français pour les comptes des opérations des pays utilisant le Franc CFA : De 1945 à 1973 on est resté à 100 % de retenues ; De 1973 à 2005 on est passé à 65% de retenues ; De 2005 à ce jour on en est à 50% de retenues.
Deux remarques importantes s’imposent à ce sujet.
La première est que malgré l’accession des pays africains à l’indépendance, dans les années 1960, la France a réussi à dissocier la question de l’autonomie monétaire de nos pays de celle de leur Indépendance. Elle a signé des accords de coopération avec des Présidents acquis au néo-colonialisme français. Cependant, la question de l’Indépendance monétaire est restée pendante avec la lutte des patriotes qui continuaient à revendiquer une Indépendance véritable.
La seconde remarque est relative au coup de vol d’Etat magistral de 1973. De quoi s’agit-il ?
C’est la crise économique et financière en Europe qui a imposé la dévaluation du Franc français en 1973. Cette dévaluation avait fait perdre au franc CFA cinquante pour cent de sa valeur.
Normalement, s’il fallait maintenir le « taux d’exploitation des Africains » au même niveau qu’entre 1945 et 1973, il aurait fallu que le taux de retenue du Trésor tombe tout de suite à 5O% portant la retenue à 65% ; les responsables français aggravaient le niveau d’exploitation de la période antérieure de 15%. Preuve que l’esprit colonial et nazi continue à habiter le Franc CFA. : ce n’est qu’en 2005 qu’on en viendra au taux 50% qu’on aurait du appliquer dès 1973 dans la propre logique du système !
IV.- Necessite de la rupture avec le Franc CFA
(1). Les populations africaines sont aujourd’hui largement favorables à la sortie du Franc CFA (des Colonies Françaises d’Afrique) pour la création d’une monnaie africaine. La théorie spécieuse selon laquelle le Franc CFA est « notre monnaie » ne tient pas la route : comment peut-on nous piller sauvagement avec « notre propre monnaie ». Même les intellectuels africains sont quasi-unanimes à ce sujet; y compris dans les cercles gouvernementaux.
(2). Certes il ne faut pas se fermer les yeux et négliger l’obstacle politique majeur que constitue le fait que la plupart des Chefs d’Etat des quatorze pays africains de la zone franc sont des hommes politiques placés au pouvoir pour défendre les intérêts français et qui protègent, sans oser le proclamer, le Franc CFA. Mais, il faut avoir confiance : tous ces chefs d’Etat sont de plus en plus conscients de la puissante vague de fond de la protestation populaire contre l’arnaque du Franc CFA.
(3). Depuis la dévaluation de 1994 les principaux prêteurs des économies des pays africains de la zone franc sont les Institutions de Bretton Woods (Fonds Monétaire International – FM,I et Banque Mondiale ) et la République Populaire de Chine. Il résulte de cette situation que le rôle de « protecteur » ou de « garant » dont se prévalait la France, notamment pour imposer les « comptes des opérations », n’a plus aucune raison d’être…
(4). Le Franc CFA est désormais arrimé à l’Euro, et non au Franc Français qui n’existe plus. Il n’y a donc plus aucune raison valable pour centraliser les réserves de change en France. L’arnaque des « comptes d’opérations » se fait à ciel ouvert, et la tolérance des Chefs d’Etat africains vis-à-vis de la France face à cette situation apparaît comme une complicité avec les pilleurs de nos peuples. Une trahison.
(5). Même l’arrimage du Franc CFA pose problème. Il est apparu comme un acte de domination coloniale, et non un choix des peuples africains. La France ayant opté pour la monnaie commune européenne, après les accords de Maastricht, par Référendum, ce choix a été automatiquement imposé aux Africains qui n’avaient rien à dire, en vertu de la règle n°5 du Franc CFA, non écrite, signalée plus haut.
(6).Enfin, quelle que soient les rapports d’amitié qui puissent exister entre eux et la France, les pays africains ne doivent laisser dans les mains ce pays ou de toute autre puissance, le contrôle de leur destin via la monnaie ou leurs devises. Or, avec le système du compte des opérations, il suffirait qu’un pays africain de la zone Franc soit en désaccord sérieux avec la France pour que cette dernière puisse bloquer ses devises et même bloquer les banques dans ce pays.
Nous déduisons de toutes les considérations ci-dessus que les pays africains qui dépendent du Franc CFA disposent aujourd’hui de tous les arguments et de toutes les possibilités en droit pour se libérer du Franc CFA. Ils n’ont besoin que d’un minimum de courage et de volonté politique de servir leurs peuples, pour le faire avec succès.
V. ?L’union africaine pourra-t-elle « blanchir » le Franc CFA
En d’autres termes peut-on fonder quelque espoir sur la promesse de l’Union Africaine de créer une banque centrale africaine et une monnaie unique africaine ? A notre avis, non…Tout ce qu’on peut attendre des discours des technocrates de l’Union Africaine c’est une nouvelle jonglerie avec les sigles et une « nouvelle monnaie africaine » n’ayant d’Africain que le nom et trainant les mêmes tares que le CFA.
La traditionnelle jonglerie des sigles :
Comme nous l’avons signalé plus haut, le Franc CFA signifiait au départ « Franc des colonies Françaises d’Afrique ». En 1958, pour accompagner la tentative gaulliste de créer une Communauté Franco Africaine, on le baptisa aussitôt franc de la «Communauté Française d’Afrique » (CFA). Avec les indépendances, les Africains commencèrent à critiquer la dépendance monétaire.
En 1962 le Mali quitte la zone franc, mais ce pays a des difficultés à maitriser cette rupture et fait volte face en 1984. 1978 Madagascar quitte aussi la zone Franc et maintient le cap. En1985 et 1997, la Guinée Equatoriale et la Guinée Bissau