Opinions of Monday, 3 July 2017

Auteur: journalducameroun.com

Alerte: la justice camerounaise au service d’une épuration politique

La justice camerounaise au service d’une épuration politique La justice camerounaise au service d’une épuration politique

Le Comité de Libération des Prisonniers Politiques (CL2P) sera inlassablement là pour rappeler au dictateur Camerounais Paul Biya (84 ans,34 de règne) au premier devoir d’un «démocrate»: laisser autant libre ses opposants comme ses concurrents dans leurs choix; prendre le risque de les affronter dans des élections libres et transparentes. Nul besoin de les éliminer en instrumentalisant la justice.

Par Arrêt des 17 et 18 mai 2016, après une audience qui aura duré toute une nuit, la Section Spécialisée de la Cour Suprême a condamné l’ancien Secrétaire Général à la Présidence du Cameroun et ministre d’État de l’Administration territoriale Marafa Hamidou Yaya à 20 ans d’emprisonnement ferme et a conclu en ces termes: « Ainsi jugé et prononcé par la Section Spécialisée de la Cour Suprême en son audience publique ordinaire du trois Mai deux mille seize en la salle des audiences de la Cour ».

La lecture de cet Arrêt (qui n’a été disponible qu’en février 2017), outre de grossières dénaturations des faits, ne laisse aucun doute que la condamnation de Marafa Hamidou Yaya est intervenue le 03 mai 2016, soit deux (2) semaines avant l’audience des 17 et 18 mai 2016 au cours de laquelle ont eu lieu la lecture du rapport par le conseiller – rapporteur, les plaidoiries des Conseils des accusés et le délibéré.

Cet arrêt est l’illustration des contorsions auxquelles se livrent certains juges pour donner suite aux pressions exercées sur eux. En effet: Par jugement des 21 et 22 septembre 2012, en violation flagrante des normes au procès équitable et dans une salle d’audience fortement militarisée, le Tribunal de Grande Instance du Mfoundi a condamné Marafa Hamidou Yaya à 25 ans d’emprisonnement ferme pour « complicité intellectuelle » de détournement de deniers publics. Pour ce faire, le Tribunal a eu recours à des textes de loi abrogés et à une jurisprudence étrangère à la cause.

La condamnation de Marafa Hamidou Yaya par le Tribunal de grande instance du Mfoundi a été décriée par tous les observateurs, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du Cameroun.

Le jour de l’ouverture du procès de Marafa Hamidou Yaya le 16 juillet 2012, le Gouvernement a promulgué une loi de procédure opportuniste et volontairement attentatoire aux droits de l’accusé et aux règles du procès équitable. En particulier, cette loi le prive du bénéfice d’un deuxième degré de juridiction. Se conformant néanmoins aux dispositions de cette nouvelle loi, Marafa Hamidou Yaya a formé un pourvoi contre ce jugement. Alors que cette loi dispose que l’instruction et le jugement du pourvoi en cassation par la Section Spécialisée de la Cour Suprême se font dans un délai de six (6) mois, ce n’est que le 22 mars 2016, soit 42 mois (trois ans et demi) après le jugement, que l’examen du pourvoi de Marafa Hamidou Yaya a débuté.

Après deux renvois utiles, la Cour s’est apprêtée à ouvrir les débats à l’audience du 03 mai 2016. Mais, ce jour là, Marafa Hamidou Yaya s’est retrouvé dans la salle d’audience en présence de son successeur au Secrétariat Général de la Présidence de la République, Jean Marie Atangana Mebara. Ce dernier avait formé un pourvoi auprès de la Section Spécialisée de la Cour Suprême dans le cadre d’une autre affaire le concernant, dont l’examen a été curieusement programmé le même jour que celui du pourvoi formé par Marafa Hamidou Yaya. Or, la même Section Spécialisée de la Cour Suprême, composée de manière rigoureusement identique, avait rendu un arrêt le 6 janvier 2016, c’est-à-dire seulement quatre (4) mois plus tôt, entérinant la condamnation de Jean Marie Atagana Mebara pour tentative de détournement des mêmes sommes que Marafa Hamidou Yaya est accusé d’avoir prétendument détourné deux (2) années auparavant.

Dès lors, devant la présence concomitante dans la salle d’audience de Jean Marie Atangana Mebara et de Marafa Hamidou Yaya, cette Cour pouvait-elle condamner ce dernier après avoir entériné la condamnation du premier pour les mêmes faits? Ou osera-t-elle casser et annuler le jugement du Tribunal de grande instance du Mfoundi ayant condamné Marafa Hamidou Yaya et prononcer son acquittement?

Face à cette situation, après avoir ouvert en premier l’audience relative au pourvoi formé par Marafa Hamidou Yaya, le président de la Cour, visiblement embarrassé, a passé la parole à l’avocat général qui, contre toute attente, alors que nous sommes rendus à la troisième audience, demande le renvoi de la cause pour une prétendue « mise en état du dossier de procédure« ! C’est ainsi qu’à la demande du ministère Public, l’audience est suspendue et renvoyée au 17 mai 2016.

À l’audience du 17 mai 2016, le Conseiller-Rapporteur donnera lecture d’un rapport dénaturant grossièrement les faits. Les conseils des accusés ont sollicité un renvoi pour préparer une réponse utile à ce long rapport. La Cour a refusé d’y donner une suite favorable. Après toute une nuit consacrée aux plaidoiries et au délibéré, la Cour a rendu le 18 mai 2016 au petit matin, un arrêt cassant et annulant le jugement des 21 et 22 septembre 2012 du Tribunal de Grande Instance du Mfoundi, pour violation de la loi, donnant ainsi raison à ceux que ce jugement avait indignés. Évoquant et statuant à nouveau, la Cour a condamné Marafa Hamidou Yaya à 20 ans d’emprisonnement ferme. À la lecture de cet Arrêt qui n’a été disponible que le 23 février 2017, soit neuf (9) mois plus tard, il est stipulé ce qui suit : « Ainsi jugé et prononcé par la Section spécialisée de la Cour suprême en son audience publique ordinaire du trois Mai deux mille seize en la salle des audiences de la Cour »

Or, le 03 mai 2016 l’audience n’a pas eu lieu en raison de la présence dans la salle de Marafa Hamidou Yaya et de Jean Marie Atangana Mebara, comme décrit ci-dessus.

Il en découle que la Cour a prononcé, le 18 mai 2016, la sentence rédigée avant l’évocation, qu’elle avait déjà arrêté et prévu de prononcer le 03 mai 2016. Ainsi, l’audience publique des 17 et 18 mai 2016 n’aura été qu’une grotesque mise en scène et un simulacre de procès.

La Section Spécialisée de la Cour Suprême a donc condamné Marafa Hamidou Yaya le 03 mai 2016 avant de l’avoir jugé les 17 et 18 mai 2016! La Cour Suprême confirme ainsi l’Avis adopté par le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire à sa 75ème session tenue à New York du 18 au 27 avril 2016 et selon lequel la détention de Marafa Hamidou Yaya « est arbitraire et que le Gouvernement a l’obligation d’y mettre fin et d’accorder à la victime une réparation appropriée ».

Le Comité de libération des prisonniers politiques (CL2P)