Opinions of Sunday, 2 October 2022

Auteur: Raoul Sumo Tayo

Amadou Ali n’est pas mort avec tous ses secrets

Raoul Sumo Tayo Raoul Sumo Tayo

De retour de Mayo Baléo, j’ai appris la triste nouvelle du départ du vice-Premier ministre Amadou Ali.

J’ai eu le privilège de rencontrer le défunt, par deux fois, grâce à Kaka Mohaman Nourou Katchalla Boukar, lui-même décédé il y a plus d’un an. Au-delà des polémiques diverses sur l’après Biya, son rôle dans la gestion de l’Affaire Bakassi, l’Opération épervier et du « rouleau compresseur » ou de Boko Haram, je retiens de ce haut commis de l’État quelque chose que peu de personnes connaissent : il a permis d’éviter une guerre sanglante entre le Cameroun et le Nigeria dans les années 1980.

En effet, beaucoup n'ont pas compris pourquoi c’est plus au sud, à Bakassi, que le Nigeria a attaqué le Cameroun alors que la situation était 100 fois plus grave dans le lac Tchad où dès la fin des années 1970, le Nigeria avait manifesté sa volonté d’occuper des îles camerounaises. Le préfet du Logone-et-Chari, Félix Gounoko Haounaye (avant sa conversion à l’islam) avait, maintes fois et en vain, attiré l’attention de sa hiérarchie sur le fait que le Nigeria soit « hanté et obsédé » par la reconquête des territoires de l’ancien royaume du Kanem.

La première occupation des îles camerounaises du Lac Tchad date de 1985. Par la suite, le Nigeria occupé :
- Les îles de Karaya, Nimeri, Kassoua Maria, Aïssakoura, Bazoka, Kinzimawadji et Naïra au Nord-Est de Hilé-Alifa, chef du district du même nom ;
- Les localités de Darak, Katekimé I, Katekimé II, Gore Tchendji, Tchika et Naga’a au Nord-Est de Hilé-Alifa.

Selon le renseignement militaire de la 3e région militaire dont dépendait alors le Lac Tchad, le 14 mai 1987, le gouverneur de Bornou State aurait donné des instructions fermes aux forces nigérianes déployées le long de la section de frontière Banki-Wulgo, de tirer en cas de rencontre avec des militaires camerounais en territoire nigérian. Les troupes nigérianes déployées sur cette zone étaient, au 2 juin 1987, estimées à 800 hommes renforcés par des blindés et des avions de chasse qui survolaient de manière journalière les localités camerounaises de Fotokol et Kerawa. Les Nigérians avaient également mis en batterie 4 pièces de canon de 81mm à Gambaru-Ngala. Les renseignements recueillis par le bureau renseignement (B2) de la 3e région militaire faisaient état de l’arrivée à Gambaru, de 2 bataillons de l’armée nigériane composée de l’artillerie sol-sol, sol-air et des Jaguars. L’on était près de la guerre.

Le Cameroun réagit à ces occupations en envoyant l’ancien inspecteur fédéral d’Administration et ancien gouverneur du Grand Nord, Ousmane Mey, en mission spéciale au Nigeria. Mais c’est Amadou Ali qui actionna ses réseaux Kanuri à Maiduguri pour que la tension baisse et qu’un no mans land soit créé entre Ndiguili et Farançia.

Si Haman Mana me propose un bon contrat, je fais un truc des archives du vice-Premier ministre.