Comment le communiqué final de la mission d’écoute des populations de la région du Nord-Ouest s’est-il retrouvé en consultation libre dans la presse classique et les réseaux sociaux ? La Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme, qui a un rôle consultatif, a-t-il délibérément fait le choix d’un communiqué au lieu d’un rapport adressé à qui de droit ?
A-t-il pris le parti d’actionner les deux leviers ? Pourquoi la mission du même genre effectuée par la Commission Musonge dans le Sud-Ouest en avril 2018 n’a-t-elle pas été sanctionnée par un communiqué final rendu public ? Cette commission s’est-elle résolue à prendre le peuple à témoin, au vu de l’enlisement du malaise ? Ces questions et bien d’autres taraudent les esprits dans le sérail depuis la semaine dernière.
Si l’opinion publique voit du pain béni en ce communiqué, qui concentre les principales aspirations des populations des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, et espère un déclic dans la résolution de la crise qui empoisonne ces régions depuis bientôt deux ans, d’aucuns, dans les cercles du pouvoir, y voient plutôt une pression, une de trop, sur le chef de l’Etat, qui fait déjà face à des manoeuvres diplomatiques sur le même dossier.
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Dans le fond, hormis quelques revendications somme toute maximalistes, telle l’abrogation de la loi anti-terroriste, au lieu de sa relecture, et des aspirations réchauffées, les autres attentes portées à la Commission Musonge consacrent une certaine extension de la crise à l’ensemble de la communauté nationale. Le chômage des jeunes diplômés, l’absence d’égalité des chances dans l’accès aux emplois publics, la corruption, le tribalisme, le népotisme, le rapatriement de la dépouille d’Ahmadou Ahidjo… constituent autant de marqueurs de la volonté de la communauté anglophone de rallier la communauté francophone à sa cause.
En l’état actuel de la situation, rien n’indique que le chef de l’Etat acceptera de mettre en place un dialogue dans les contours attendus par une bonne frange du peuple et la communauté internationale. Rien n’autorise à penser que Paul Biya, jacobin pur jus, est dans les dispositions d’initier un conclave où l’on remettra crânement en question la forme de l’Etat, non négociable de son point de vue, et au cours duquel l’on débattra des modalités de son départ du pouvoir.
Perçue sous ce prisme, la solution à la crise dite anglophone restera suspendue aux décisions prises à doses homéopathiques par le président de la République, sur la base des différents rapports qui lui parviennent, dont ceux sur les missions de la Commission Musonge dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.
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Au surplus, comme pour les cas du maquis à l’orée de l’indépendance du Cameroun, des coupeurs de route dans le grand Nord et dans une certaine mesure des terroristes de Boko Haram dans l’Extrême-Nord, le pouvoir compte sur la puissance de feu de l’armée pour venir, à l’usure, au bout des groupuscules criminels qui sèment encore la terreur dans les deux régions anglophones. Même s’il faudra nécessairement intégrer, dans cette optique, la configuration de temps à autre asymétrique du rapport de forces.
Le communiqué de la commission Musonge n’aura donc pas l’effet d’un tsunami. Il viendra s’ajouter à la pile de recommandations faites au chef de l’Etat sur une crise qui n’est pas à sa dernière complication.