Opinions of Wednesday, 11 November 2015

Auteur: Georges Alain Boyomo

An 33 : Le bal des DG-courtisans de Paul Biya

Chacun y est allé de son inspiration et de son génie dans les éditions du vendredi 6 novembre et du lundi 9 novembre 2015, sur une demie, une ou deux pages de publicité dans le quotidien à capitaux publics, Cameroon tribune. « Bon anniversaire Monsieur le président (…).

Nous saisissons (…) cette occasion pour vous renouveler avec déférence nos vœux de santé, de bonheur et de prospérité, ainsi qu’à votre chère épouse Chantal Biya », Emmanuel Etoundi Oyono, directeur général du Port autonome de Douala, que des sources annoncent en évacuation sanitaire en Europe. « Se fondant sur votre très haute vision d’un développement rapide du secteur des énergies, l’Arsel vous renouvelle son engagement à rendre l’énergie électrique efficace, accessible et disponible sur l’ensemble du territoire camerounais ».

Jean Pierre Kedi, directeur général de l’Arsel (Agence de régulation du secteur de l’électricité). « Le Crédit foncier vous renouvelle son indéfectible attachement à votre illustre personne, vous assure de son soutien dans la lutte contre Boko Haram et s’engage résolument à concrétiser votre politique sociale par la facilitation de l’accès au financement du logement », Jean Paul Marie Missi, directeur général du Crédit foncier.

Dans ce florilège de dévotion à Paul Biya, il faut ajouter la fresque du Dg de l’Anor (Agence des normes et de la qualité), Charles Booto à Ngon, qui s’entoure de son Pca et de l’ensemble du personnel afin d’exprimer sa gratitude au chef de l’Etat « pour les actions menées sous [son] autorité en faveur de la préservation de la paix, de la sauvegarde de l’intégrité territoriale et la consolidation de l’unité nationale ». La Société nationale d’investissement (Sni) n’est pas en reste, qui dit soutenir, « sous l’impulsion de Paul Biya » l’émergence à travers l’investissement.

Pour sa part, le directeur général du Fonds national de l’emploi, Camille Mouté à Bidias lève les bras vers le ciel, dans sa lettre de circonstance à Son Excellence Paul Biya : « Puisse Dieu Tout puissant continuer à vous procurer santé et clairvoyance pour le maintien de la prospérité et de la paix dans notre cher et beau pays ».

Le directeur général du Chantier naval et industriel du Cameroun (Cnic), Alfred Forgwei Mbeng, lui aussi, se retourne vers Dieu, en ce 6 novembre 2015. « Puissent la grâce et la sagesse divines vous inspirer dans toutes vos entreprises afin que les projets que vous formulez pour l’humanité en général et pour le Cameroun en particulier se concrétisent dans la justice, la concorde et la paix », écrit-il.

Le Dg de la Cameroon radio television, Amadou Vamoulké (ainsi que le Pca et le personnel de la Crtv) remercie Paul Biya « pour l’ambitieux chantier de la réhabilitation de la Crtv et réitère le soutien de l’office au vaste programme de grandes réalisations ». Le Dg de la Sopecam, le Pca et l’ensemble du personnel de cette société d’Etat prient le chef de l’Etat « d’accepter leurs déférentes félicitations et [lui] adressent leur vœux de pleine réussite dans le vaste projet de grandes réalisations ».

Ce n’est pas la première fois qu’on enregistre un flot de « motions de soutien » à l’occasion de l’anniversaire de l’accession de Paul Biya à la magistrature suprême. Mais le fait que des directeurs généraux ont principalement sacrifié à ce rituel cette fois-ci ne doit manifestement rien au hasard. En effet, des oracles du sérail annoncent dans les tout prochains jours un « remaniement » à la tête des sociétés d’Etat du Cameroun. Ce turn-over est dicté par au moins trois raisons.

Premièrement l’impératif de mettre fin aux cumuls causés par le réaménagement gouvernemental du 2 octobre dernier. Les postes de directeurs généraux de la Caisse de stabilisation des prix des hydrocarbures (Csph) et de Dg des Douanes sont à pourvoir. La seconde raison découle de l’opération Epervier. Nombre de directeurs généraux doivent être déchargés de leurs fonctions pour répondre (si ce n’est pas déjà le cas) de leurs actes devant le Tribunal criminel spécial (Tcs).

Le troisième motif de la rotation jugée imminente est relatif à la longévité de certains Dg en poste, souvent en violation flagrante de l’article 47 de loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic, qui dispose que les directeurs généraux et leurs adjoints sont nommés « pour une durée de trois ans renouvelable deux fois ». Soit neuf ans au maximum.

Au moment d’apposer sa signature au bas des décrets attendus, Paul Biya, qui est certainement au courant de cette littérature signée de ses « créatures », si lui-même de l’a pas lue, y sera-t-il sensible ? Là réside toute la question.