Ce qui est à retenir du discours du 31 décembre 2023 de Paul Biya en cinq points
Il est toujours important de suivre les discours de Paul Biya. Au moins pour deux raisons. Dans un premier temps, il s’agit du chef de l’État. Ainsi de part cette fonction, il est le garant des institutions, de la stabilité et de notre sécurité. Nos vies sont dès lors entre ses mains. Secundo : Cela permet d’avoir une idée sur l’imaginaire politique au sein de l’ordre gouvernant. On peut y déceler de potentielles mesures qui interviendront dans les mois à venir ou encore des actes de démagogie. Que retenir dès lors du discours de Paul Biya:
1) Répression en vue des enseignants grévistes
C’est un aspect qui est arrivé en dernière partie du discours. Après avoir énoncé les efforts déployés par le gouvernement. À savoir : « plus de 72 milliards de francs CFA ont été débloqués en 2023 pour prendre en charge les dépenses y afférentes. Une provision complémentaire de 102 milliards de francs CFA a également été constituée dans le budget de l’État, au titre de l’exercice 2024, afin d’apurer les dépenses résiduelles », Paul Biya estime que cela est suffisant pour mettre un terme au mouvement de grève. Par la suite, les propos sont simples mais clairs : « Je voudrais être clair à cet égard. Autant je suis soucieux de voir les enseignants bénéficier des conditions appropriées pour l’exercice de leur noble métier, autant je suis intransigeant pour le respect du droit à l’éducation de notre jeunesse. Des mesures fermes vont à cet égard être prises pour veiller à ce que nos enfants ne se retrouvent pas victimes d’une éducation au rabais ». Rien à ajouter. En Français facile: Les enseignants qui persisteront dans un mouvement de grève seront réprimés sévèrement.
2- L’augmentation du prix du carburant
Ce n’est pas en soi une information nouvelle car afin de répondre aux exigences du FMI qui depuis des années réclame une levée des subventions sur les prix du Carburant, l’Etat avait déjà de manière informelle validé l’augmentation. Sauf que par crainte d’un mouvement d’humeur à l’instar de celui de 2008, rien n’était officiel. Voyant donc que cette première étape avait été franchie sans résistance, le pouvoir politique assume désormais officiellement l’augmentation. Et c’est ce que Paul Biya a fait. C’est à dire préparer les esprits. Officiellement afin de réduire le déficit de l’État.
3- La question énergétique une bombe à retardement
Paul Biya semble avoir conscience que la problématique de l’eau et de l’électricité constitue une bombe à retardement au Cameroun et peut déclencher de sérieuses tensions sociales. En y consacrant une partie non négligeable de son discours, Paul Biya reconnaît le problème. En communication politique, il est reconnu que le peuple pardonne toujours aux dirigeants qui reconnaissent leurs erreurs. Et là il faut un bilan pour montrer que les efforts sont en cours mais insuffisant et il fait des promesses : « L’usine de pied du barrage hydroélectrique de Lom Pangar sera également opérationnelle en 2024; Plusieurs autres projets d’ouvrages hydroélectriques sont également envisagés ou en train d’être lancés. Il s’agit notamment des barrages de Kikot, de Minkouma, de Grand Eweng et de Bini à Warak. À terme, la capacité installée de tous ces ouvrages va assurer à notre pays, l’autosuffisance en matière d’énergie électrique ». une vieille promesse mais elle vaut le coup en politique. Car mieux vaut promettre en politique que de ne rien promettre.
4- Crise anglophone : un Paul Biya moins va-t’en guerre
C’est important de le souligner, Paul Biya n’a pas oublié la crise anglophone. Le terme n’est pas utilisé mais les éléments y sont. Il évoque l’attaque de MAMFE. Appelle les populations à la collaboration tout en réitérant son soutien à l’armée. Une posture légitime pour tout chef d’État. Mais contrairement aux années précédentes pas de ton martial, pas de menaces, pas d’invectives.
Le chef de l’État implicitement bien qu’en réitérant sa fermeté veut un apaisement et ne souhaite pas envenimer les colères. Mais l’utilisation des mots terroristes et atrocités montrent qu’il reconnaît que la crise se poursuit mais invite cette fois ci pacifiquement les populations à déposer les armes.
5- L’ombre d’arrestations massives plane désormais
Cela peut paraître rébarbatif quand Paul Biya parle de lutte contre la corruption. Car il annonce le retour de l’opération Épervier chaque 31 décembre mais rien. Cette fois-ci il y a une différence à aller chercher dans les détails. Il dit: « La lutte contre la corruption et les détournements de deniers publics est, très clairement, un impératif pour la préservation des ressources publiques. Elle va connaître une intensification notable au cours de l’année qui s’annonce ». Paul Biya est cette fois précis et parle de 2024. À l’approche d’une année électorale, l’annonce n’est pas anodine. L’opération Épervier devra servir à donner un peu de viande à un peuple qui réclame du sang. Et Paul Biya le sait mieux que quiconque.