Opinions of Sunday, 26 July 2015

Auteur: Joseph Olinga

André Sohaing : l’homme qui souhaitait 100 ans de plus à Paul Biya

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La dernière apparition grand public du maire de Bayangam, reste sans doute celle du 6 novembre 2014.

Ceux des militants et autres observateurs présents lors de la cérémonie de commémoration des 32 ans d’existence du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) se souviendront certainement de ce «vœu» adressé au président national de cette formation politique par André Sohaing.

«Que Dieu accorde cent ans de plus au président Biya» avait lancé le maire de Bayangam. Opérateur économique à la notoriété établie et militant politique du parti proche du pouvoir, André Sohaing avait certainement des raisons de vouer un culte au chef de file du Rdpc. Lui dont les proches racontent encore qu’il fût sorti de l’ornière par son camarade de date lors des évènements marquant les soubresauts de la dévaluation en 1994.

Maire de Bayangam depuis 1997, il savait donner un sens au couleur de sa chapelle. Il avait aussi assimilé le fait que dans le système politique en «vigueur» au Cameroun, la pratique politique et politicienne est réduite à l’acceptation du régime patrimonial politique qui confère et sécurise avoirs économiques et prestiges.

Entrepreneur économique et politique, Sohaing André est né le 21 janvier 1933 à Bayangam. Après des études primaires, il quitte son village natal à l’âge de 10 ans pour Douala. Commence alors une longue collaboration avec les commerçants grecs qui tiennent l’essentiel des commerces de la ville. Plutôt doué, comme le révèlent des sources historiques, il se lance dans le commerce puis l’importation dans le domaine de l’agroalimentaire.

Il intègre le secteur de l’hôtellerie en 1977. Année où il acquiert l’hôtel Akwa Palace à Douala. Les succès s’accumulent et, c’est sans grande surprise qu’il accède au classement fermé des entrepreneurs économiques les plus fortunés du Cameroun. Embouteillage des vins, biscuiterie, immobilier, rien n’échappe à l’ogre Sohaing qui trône alors à la tête de la compagnie Soudanaise.

Dans un ouvrage publié par Pierre Flambeau Ngayap, l’Homme est présenté comme «faisant partie des hommes d’affaires ayant atteint le seuil de crédibilité politique». C’est que, outre la période de prospérité de l’entrepreneur que des sources économiques situent entre 1955 et 1986, André Sohaing connaît une notoriété mondiale dans le milieu des affaires. Il est alors le représentant exclusif des vins et spiritueux de marques françaises au Cameroun et dans de nombreux pays africains.

Jeu politique

A la différence de quelques-uns de ses pairs qui ne font pas, à priori, une entrée visible et remarquable dans le jeu politique, André Sohaing est déjà militant engagé de l’Union nationale camerounaise (Unc). Membre du comité central en 1975, il est maintenu par le nouveau chef de file Paul Biya qui fonde le Rdpc en 1985 lors du congrès de Bamenda.

Ce n’est qu’à cette époque que de nombreux autres hommes d’affaires intègrent la donne. C’est tout naturellement qu’il est élu député suppléant du Wouri en 1992. Auteur d’une thèse de Master en sciences politique intitulée : «Elites urbaines et politiques locales du Cameroun. Le cas Bayangam.», Paul Nuembissi Kom présente André Sohaing comme «Le politicien investisseur, par la mobilisation de ses ressources et par la réalisation d’actes concrets qui cherche à produire le pouvoir.» Une assertion que ne partage pas fondamentalement le sujet qui met en exergue son souci de rechercher le bien-être de la collectivité.

Si la sous-préfecture et la mairie de Bayangam connaissent d’autres cadres aujourd’hui (en attendant l’inauguration du nouvel hôtel de ville, Ndlr), il reste que, à travers les ressources mobilisées par l’homme, la concession du disparu abritait, jusqu’à une date récente les deux entités. C’est à ce titre que la célébration de certaines fêtes d’importance nationale se déroulait chez celui que certains de ses convillageois appellent «le père».

André Sohaing ne s’en plaignait d’ailleurs pas. Lui le «sémiologue» aux tournures idiomatiques dont il avait seul le secret ne disait-il pas : «Je suis fier d’être le maire des intellectuels.» Tout comme l’homme ne cachait pas sa posture vis-à-vis des manifestations des années de braise. Dans la sphère politique locale, tous ou presque se remémorent cette position que l’homme a assumé jusqu’au bout : «En 1990 certains demandaient la conférence nationale, moi j’ai demandé un district pour Bayangam.»