Visiter « Ange Raphaël » à Douala dans la nuit pour la toute première fois. Ce n’est pas ce qui m’a le plus marqué cette nuit-là quand j’ai emprunté le taxi pour m’y rendre. Non. Mais c’est surtout ce que j’ai vécu et découvert, et dont j’étais loin de m’imaginer. Je n’ai pas l’habitude de trop parler de moi en tant que personnage principal de récit dans mes billets. Mais vous comprendrez bien que cette fois-ci, je n’avais pas vraiment le choix. Allons direct au fait.
Il est 23h13 min à peu près ce samedi, lorsque je décidai enfin de me rendre à « Ange Raphaël » un coin chaud de Douala, qui jouit d’une réputation particulière, surtout la nuit. Encore assis dans le taxi, les phares de quelques rares véhicules, éclairaient les coins sombres. Le décor se plantait. A chaque passage de ces engins aux phares percutants, se dévoilaient des rondelles de tout genre. On pouvait apercevoir çà et là des groupes de personnes confortablement installées. La liberté régnait et déliait les Hommes de la tristesse de leur existence. L’université de Douala se trouve à quelques encablures de là.
Les propriétaires des buvettes et autres snacks du coin avaient baptisé leurs commerces sous divers noms comme : «Club UV», « Facebook », « Grand Amphi», » Rectorat «. La musique distillée dans ces endroits de joie par des airs de makossa, de bikutsi et autres, ne semblait pas perturber les étudiants qui habitent autour.
J’avais fini par repérer un petit groupe d’étudiants trentenaires, insouciants et parmi lesquels je m’étais discrètement immiscé. Je passais ainsi la première partie de la nuit à écouter leurs dialogues dénués de profondeur et dont le sens s’évanouissait à mesure que les verres se remplissaient d’alcool.
Quelques minutes plus tard, je me lançai finalement à la découverte du coin. Puis, un stop devant l’auberge « Maboya » me permit de découvrir une grande exposition. C’est tout une flopée de jeunes dames rondes, grosses, minces, élancées, moyennes ,courtes, claires, noires, dépigmentées et aux cuisses effilées ou non, de tout teint et de tout genre, qui s’exposent .C’est du spectacle pour un jeune comme moi, en quête de nouvelles sensations. Il est bien clair : le plus vieux métier du monde, le commerce du sexe s’exerce ici.
Les marchandes avec leurs marchandises intégrées à leur corps cherchent des clients. Elles ont tout pour séduire le passant.
Leur accoutrement n’est rien d’autre que des friperies les plus sexys aux couleurs attrayantes et aux tissus moulants. Un ensemble de tee-shirt et de décolletés sans manche, de skirts extra mini, des mini-jupes aux fentes longues et exubérantes, des espèces de « DVD » et de « VCD ». Le tout aux bordures personnalisées, dévoile de gros ou de petits seins, frais, durs ou ratatinés, debout, ou tombants. Il y’en avait donc de toutes les couleurs qui vous laissaient pantois et bête.
Un vieil homme était installé juste à l’entrée de l’auberge « Maboya ». Il proposait des tas d’aphrodisiaques. Les putes et leurs clients se revigorent avec ces potions pour renouveler leur énergie. Ce qui fait beaucoup d’argent pour ces dernières mais, à la sueur de leurs…fesses.
Foxy, de son pseudo de prostituée, une des belles de nuit, traversa la route. Je l’observais très attentivement. Son visage était si angélique. Je le trouvais différent à chaque seconde qu’elle s’avançait vers moi.
Elle avait une demarche chaloupée, qui la grandissait à chaque pas ; ses mains écartaient l’air sur son passage, sa poitrine naviguait au rythme de son déhanchement. Elle me retrouva de l’autre côté de la route et finit par régler mon compte en me lançant sans avoir eu froid aux yeux:« Tu es venu ici nous regarder ? Si tu ne veux pas baiser va-t-en d’ici ! Té journaliste ou quoi ? Après on va nous voir dans vos télés là ! »
Je finis par comprendre que dans le fond de cette auberge « Maboya », Doualaennes, Yaoundéennes, Bueaennes, Baffousamenes…bref, les filles originaires de toutes les régions du pays tout entier, « travaillaient » ardemment là, pour le plaisir des gens de la rue, et même des personnalités d’une certaine envergure. Je me sentais curieusement attiré par Foxy. Sa chevelure trop longue, touchait presque ses fesses cambrées.
Elle était vêtue d’une mini-jupe velours noire avec fente de côté qui laissait entrevoir de sublimes cuisses lisses, fraiches et audacieuses et même une partie de son slip et de ses fesses voluptueuses et rebondies. Elle portait un décolleté blanc, complètement ouvert au niveau de la poitrine, sans soutien-gorge et qui permettait de voir des seins très ronds et dodus, aux mamelons pointus et encore fermes et qui transperçaient son habit.
Je l’invitai à prendre un pot. Elle commanda une bière blonde. C’était comme un rituel quand Foxy devait boire sa bière. Fascinée, elle se mettait à la caresser avec indécence, suivant de ses longs doigts tremblants les courbes devenues masculines de la petite bouteille, et le tout en fumant des cigarettes.
De l’index, elle essuyait avec tendresse les perles de condensation de la bouteille, tandis que le pouce massait la base large crissant sous sa pression. La bouteille vidée, elle la reposait avec précaution sur la table, se passait la main sur ses lèvres qu’elle nettoyait d’un coup de langue discret. En vérité, je ne prêtais que bien peu d’attention à ce qu’elle me disait, bien plus attiré par les promesses de son décolleté ouvert. Mes yeux s’y perdaient beaucoup surtout que j’y avais remarqué les signes d’un tatouage bizarre sur les grosses boules mamelonées. »Si tu veux me revoir, tu sais où me trouver ! On ne drague pas les putes. On est là pour le travail. Le temps c’est de l’argent », me lança-t-elle, en se levant.
Quelques instants plus tard, je m’approchai d’un jeune conducteur de ben-skin (mototaxi) qui sortait de l’auberge. L’air ignorant et insouciant, je décidai de jouer à un nouveau-né pour qu’il puisse m’éclairer sur le mode opératoire après le choix d‘une princesse de joie. »Fais ton choix grand et elle t’emmène que dans la chambre. A l’intérieur tu discutes le prix avec elle. Mais attention ! Même si tu paies que combien et tu éjacules que même après 20s, c’est fini! Je viens que de payer 3000fcfa ; je n’ai même pas fait 5 mn et mon argent est parti. »
Je restai muet, épris de pitié à son égard. Pour le job qu’il fait, il faudrait verser 3000 FCFA à la fin de la journée au propriétaire de son engin. Les conducteurs les plus dynamiques sortent à 6h du matin pour rentrer à 22h. Celui que j’avais en face de moi vient ainsi de dépenser pour 5mn de plaisir avec une prostituée, le fruit de près de 22h de travail. Et en plus, c’est un étudiant.
Les touristes sexuels défilaient, mais semblaient attendre celles en activité à l’intérieur. Quelques minutes après, les premiers passants commencent par sortir. Derrière eux, une file de prostituées. Ces filles de joie qui au départ étaient fraîches, ne ressemblaient maintenant plus qu’à des femmes battues, maltraitées et torturées. Je reconnus alors Foxy. Je me résolus de faire un tour à l’intérieur de l’auberge avec elle. Eh oui, je suis client !
Foxy me prit par la main et nous pénétrâmes dans l’auberge. Elle m’entraina dans un couloir obscur…jusqu’à dans le logis. Une chambre de 3m2 divisée en deux par un rideau, accueille deux putes. Derrière le rideau, un monsieur semble heureux, mais sa compagne occasionnelle, d’une voix rauque et menaçante, lui crie dessus, lui demandant de jouir rapidement et de ne pas perdre tout son temps pour 1500f CFA.
Dans le coin de Foxy, un matelas frêle et aplati sous le coup peut-être des poids qu’elle reçoit, est étalé sur le sol ; quelques boites de crème et de vaseline sont rangées dans l’angle de la chambre ; les tenues de travail accrochées à un clou au mur ; un poster de Rihanna est aussi collé au mur pour orner le petit coin de mon fournisseur de sexe. Un seau noir par terre, contient des préservatifs déjà utilisés. « Avec capote, c’est 1500f et sans capote c’est 3000f », me dit-elle, à demi-nue, la main gauche caressant et ouvrant ma braguette. Mais je l’en empêchai froidement. J’eus juste le temps de lire sur sa pièce d’identité tombée malencontreusement au sol, et que j’avais ramassé pour lui remettre, deux informations ahurissantes: date de naissance : 25 mai 1996. Profession : étudiante. Quel gâchis !
A vrai dire, je tenais surtout à découvrir de plus près, cette auberge où travaillent autant de jeunes femmes chaque nuit et qui attirait autant d’hommes. Pour y parvenir, la seule astuce était donc de se faire passer pour un client. Je pus enfin également remarquer de façon discrète et rapide, la marque réelle du tatouage indélébile qu’elle portait sur sa boule de chair et qui représentait le dessin d’une araignée. Une vraie panthère cette go.
Quelques minutes plus tard, elle se rhabilla précipitamment et très énervée, pris son sac en main et nous sortîmes de la pièce, sans rien faire. Elle m’insulta copieusement. Je la payai tout de même car ayant réellement vu ce qui se passe à longueur de nuit dans ce sexe House.
Une fois dehors, l’endroit grouillait toujours. Les putes fatiguées, se désaltéraient avec quelques clients dans un mini bar installé non loin du « sex house », la belle auberge. Dehors, juste à côté de l’entrée, une cylindrée luxueuse de marque, attendait son propriétaire. Je ne l’avais pas laissée tout à l’heure. Il n’y a donc pas que les pauvres qui viennent « tirer des coups » là-bas hein.
Dans cet univers glauque, les prostituées restent parfois confrontées à des agressions souvent d’ordre sexuel, voire à des vols des toxicomanes qui rôdent autour d’elles. Les lampadaires balayaient de leur lumière la rue. Ils projetaient une lumière diaphane sur le trottoir. Mais juste à côté, l’alcool, la cigarette, le sexe et les étudiant(e)s, se côtoyaient. Ces jeunes filles « vendeuses de piment », fragilisées et abattues, après tant d’efforts sexuels puaient l’alcool et… l’homme. « Ange Raphaël » est la nouvelle « rue de la joie de Douala, un coin où règne, outre une insalubrité déconcertante, une insécurité frissonnante, mais aussi et surtout une pauvreté des plus scandaleuses. Hommes, femmes et enfants s’y escriment dans une vie de marginaux où les drames et les études en face, font partie du quotidien. Je m’étais alors plongé dans cet univers qui détonne. En fait, la nuit, ce quartier est la parfaite illustration d’un lieu de perversion et le jour, un temple de la morale.
Sans exagération aucune, l’on se croirait la nuit, à Soweto en plein Apartheid. Une odeur pestilentielle se dégageait des lieux. Par endroits, une petite broussaille côtoie presque chaque habitation, favorisant ainsi l’épanouissement des souris, des rats, des moustiques et autres rongeurs et reptiles. C’était l’enfer sur terre.
Il devait bientôt être 5h05 du matin. Je me décidai enfin à quitter ces lieux d’une perversité frissonnante et d’une mondanité étonnante. Mais où se situe quand même l’une des universités de renom du Mboa, le temple du savoir et donc de la morale. Quel paradoxe ! En espérant que Foxy ne soit pas une étudiante ordinaire, mais d’autre chose, de grâce.