Opinions of Wednesday, 30 August 2017

Auteur: camer.be

Article 66 de la constitution: la révolution manquée!

La nomination et l’élection ne sont donc intéressantes que parce qu’elles confèrent des avantages La nomination et l’élection ne sont donc intéressantes que parce qu’elles confèrent des avantages

A l’instar d’un acte de nomination à un poste de responsabilité, le procès-verbal de proclamation des résultats d’une élection produit, lui aussi, des effets juridiques au profit de l'élu, qu’il soit national ou local. Dans les actes de nomination, l'article 2 dispose, sentencieux, sur les avantages attachés à une fonction. La formule est simple: «l’intéressé(e) aura droit aux avantages de toutes natures prévus par la règlementation en vigueur». La nomination et l’élection ne sont donc intéressantes que parce qu’elles confèrent des avantages.

Ces avantages complètent le revenu brut de l'agent public du promu ou de l'élu, soit sous la forme d'éléments de gains additionnels aux revenus (indemnité de sujétion, indemnité de représentation, indemnité de fonction, etc.); soit sous la forme d'avantages extra salariaux, payés suivant la procédure de billetage en numéraire (indemnité pour travaux spéciaux, caisse d’avance pour l‘hôtel particulier, fonds de souveraineté, etc.) ; soit enfin, sous la forme de droits réels (logement de fonction ou hôtel particulier, véhicule de fonction, véhicule d'apparat, titre de transport, immunités et privilèges, etc.).

Ces avantages, droits, privilèges et immunités, quelle que soit leur périodicité, font des fonctions républicaines de véritables sources de confort matériel. Ceux qui sont nommés sont donc enviés, parce qu’enfin, ils seront pris en charge par la République. Les élus eux-aussi sont enviés, pour les mêmes raisons. Aussi, pour accéder à un poste de responsabilité et y rester le plus longtemps possible, certains sont prêts à tout. De même, pour emprunter la voie royale du suffrage universel et décrocher la légitimité du peuple, certains peuvent tout sacrifier, y compris leur propre vie. C’est qu’on a fétichisé l’acte de nomination et la fonction à laquelle il donne accès. De même, celui qui est élu devient, le temps d'un mandat, un vrai Jupiter.

Pourtant, les fonctions républicaines sont d’abord des charges et des positions de service. Bien plus, depuis le vote et la promulgation de la loi n°96/006 du 18/02/1996 portant révision de la constitution du 02/06/1972, les titulaires de ces fonctions et certains élus sont désormais soumis à l'obligation de déclarer leurs biens et avoirs. L'article 66 de la sus-référencée Constitution énumère les fonctions dont les titulaires sont assujettis à la déclaration des biens et avoirs. La loi n°2006/003 du 25 avril 2006 relative à la déclaration des biens et avoirs a donc été votée et promulguée en application de l'article 66 de la constitution.

Logiquement, on s’attendait à ce que, désormais, la formulation des actes de nomination insère clairement une formule qui indique que la personne nommée devra, dans les formes, les conditions et les délais prescrits par la loi, faire une déclaration de son patrimoine complet. Faute de texte portant organisation et fonctionnement de la commission prévue à l’article 6 de ladite loi pour recevoir les déclarations, cette révolution attendue dans le dispositif juridique des nominations d’une part, de validation des candidats aux scrutins nationaux et locaux, mais aussi de proclamation des résultats électoraux d'autre part n'a pas encore eu lieu!

En réalité, la loi porte, en ses articles 12 d’abord et 17 ensuite, les causes de sa propre désuétude, en disposant respectivement d’une part que «les personnes assujetties en fonction ou en cours de mandat disposent d'un délai de 90 jours pour faire la déclaration(…) dès le démarrage des activités de la commission», et d’autre part que «des décrets du Président de la République préciseront ,en tant que de besoin, les modalités d'application de la présente loi».

Dès lors, faute de démarrage des activités de la commission et en l'absence des décrets d’application, l’aggiornamento juridique dont l'article 66 de la constitution et de sa loi d’application sont enceints reste un mirage. Autrement dit, les actes de nomination des personnes assujetties, ceux constatant les mandats des élus assujettis et ceux portant désignation des ordonnateurs ou gestionnaires des associations privées bénéficiant de deniers publics ou de subventions n'indiqueront jamais l'obligation de déclarer les biens et avoirs.

Cette obligation restera ainsi dans le champ de l'implicite, tandis que les avantages attachés à la fonction ou au mandat eux restent dans celui de l'explicite. Le Cameroun, quant à lui, restera figé au niveau de la ligne de départ du bond qualitatif que l’article 66 aurait dû aider à faire dans sa course vers plus de transparence dans la vie publique!