Le propos de cet article vise à lever la nuance sur une confusion vite faite sur le statut et la responsabilité de l’intellectuel. Pour ce faire, quelques précisions s’imposent. Non, Ateba Eyene n'est pas un héros. Non, Mongo Beti n'est pas un héros. Non, Nganang n'est pas un héros. Ils sont des intellectuels.
Tout simplement. Et c'est bien ainsi. Ils sont gouvernés par le devoir de penser utilement pour le devenir de leur pays qu'ils aiment tant.
Au Cameroun, les gens finissent rapidement par teinter la responsabilité qui incombe à l'intellectuel de penser en une forme de starmania de sa part. On a tôt fait de dire de l'intellectuel camerounais « qu'il veut se faire voir. Qu'il croit même qu'il est qui? Qu'il va voir comment on cloue le bec aux prétentieux de la pensée critique ».
On voit bien que tout est reproché à l'intellectuel camerounais. Mais ses détracteurs ne lui opposent véritablement aucune épaisseur d'arguments pour lui signifier quelques avis contraires crédibles.
Eh oui, un État monologique fabrique des habitants, non pas des citoyens. Et ces habitants sont inspirés, quand cela leur arrive d'être inspiré, par la LOGIQUE DU SILENCE. Un silence naturel. Bien entendu.
On n'emprisonne ni la pensée, ni le penseur. C'est impossible. La pensée est une coulée d'eau. Une fois versée, elle ne se ramasse plus. Nganang a tellement semé dans les esprits qui le suivent le flegme de la pensée dissidente. Et une telle entreprise ne se perd pas. Cela n'a pas commencé aujourd'hui.
Cette école de la désobéissance intellectuelle, il l'a inculquée à ses disciples. Je n'en suis pas un particulièrement. Puisque moi je me revendique disciple de Mongo Beti. Mais, ce que j'ai fini par aimer en Nganang, c'est le courage de la pensée qui l'anime et qui ressemble au mien que j'appelle la pensée critique. Il dit ce qu'il pense parce qu'il n'est pas héritier du monologisme d'État. Il croit en son pays et milite pour son devenir radieux. Ce n’est que dans ce contexte que la notion de citoyen trouvera tout son sens.
Or, cela n'est possible que par des idées. Qu'elles soient bonnes ou mauvaises, il faut des balbutiements pour faire avancer un pays. Nganang a péché pour avoir pensé. Il est surtout victime du zèle des agents de l'État. En réalité, le président de la République a-t-il tant peur pour sa vie au point de redouter les mots en l'air de Nganang ?
Non. Certainement pas. Il en faut plus pour faire peur au président. Dois-je rappeler que ce dernier est protégé des Sawa, qu'il est choyé dans le Laakam, qu'il est même Fon des Fons en zone anglophone et qu'il est Nnom Ngui en pays Bulu ? Est-ce le petit Nganang pour faire trembler l'homme lion ? Non, il en faut plus. Le président ne s'intéresse pas à Nganang. Que, par contre, ses créatures nous disent quels comptes elles veulent régler à un penseur qui a sa pensée comme arme.
Il est sain de combattre Nganang sur le terrain des idées. Ce n'est que lâcheté de se servir des menottes pour espérer fermer la bouche de l’écrivain. Cela n'a prospéré que chez les poltrons. Nganang n'en est pas un. Malheureusement !
Il est impératif, quand on est un Etat de droit, de convaincre l’opinion publique de l’effectivité d’un tel postulat en accordant aux intellectuels les égards qui leur sont dû. Evidemment, s’ils en abusent, les lois de la République sont là pour s’appliquer à leur encontre et la morale publique ne pourra que s’en félicité.
En revanche, toute tentative de musellement de la pensée restera toujours perçue, de nos jours, comme un recul ou comme un archaïsme. Que les autorités en charge de la liberté et de la dignité humaine au Cameroun s’en convainquent une fois pour toute.
Man Bene