Opinions of Sunday, 26 July 2015

Auteur: Alain Noah Awana

Attentats dans l’extrême nord : l’incroyable complaisance de Paul Biya

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Le chef de l’Etat préfère « rassurer » les populations à travers des communiqués signés du Secrétaire général de la présidence de la République.

C’est à travers un communiqué laconique publié dans les médias à capitaux publics que la présidence de la République a annoncé le double attentat-suicide de mercredi dernier à Maroua, dans l’Extrême nord du pays. Perpétré à première vue par les extrémistes de Boko Haram, les deux attentats ont causé 13 morts, selon les sources officielles, et une trentaine de blessés.

Dans le communiqué signé du secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, Paul Biya « présente ses condoléances les plus attristés aux familles des victimes et ses souhaits de prompt rétablissement aux blessés ».

Le président de la République en profite pour réitérer aux populations ses consignes de vigilance et de collaboration étroite avec les forces de sécurité. Mais, surtout il les « assure de ce que les mesures énergiques qu’il a prescrites et qui sont déjà en cours aboutiront inéluctablement à la mise hors d’état de nuire de ces criminels sanguinaires ». Stop et fin.

Cette sortie que l’on présente comme celle du président Paul Biya est tout simplement « inadmissible » pour plus d’un observateur. L’on se serait en effet attendu que le locataire d’Etoudi ait la décence de s’adresser de manière directe à son peuple, dans un discours personnel, s’il ne peut être spontané, comme cela se fait dans d’autres pays touchés par des phénomènes du même genre.

Ce type d’intervention présente un double avantage. Primo, elles permettent de rassurer les populations qui constatent que le chef de l’Etat est à leurs côtés et se préoccupe au quotidien de leur sécurité. Secundo, elles leur montrent que tout est fait pour que les populations ne subissent plus d’autres violences.

Mais, que non ! Le président de la République a préféré utiliser un ton impersonnel pour « rassurer » les Camerounais au moment où ceux-ci sont dans la douleur et sont de plus en plus gagnés par la psychose.

Distance innommable avec le peuple

S’agit-il d’une défaillance de communication ? En tout cas, un communiqué lu à la radio, publié dans la presse et sur Internet est si froid et impersonnel que l’on a du mal à croire que les « stratèges » de la communication présidentielle s’en tiennent simplement à cela. Et de fait, il faudrait prendre de la graine auprès des pays comme le Tchad.

Egalement impliqué dans la lutte contre Boko Haram, Ndjamena est aussi un novice en ce qui concerne les attentats-suicides. Pourtant, le président Idriss Déby n’avait pas manqué de réagir de manière énergique à sa sortie de l’avion qui le ramenait de l’Afrique du sud où il avait écourté sa participation au 25e sommet de l’Union africaine, promettant que « les auteurs répondront de leurs actes ». A son contraire, Paul Biya quant à lui « rassure ».

L’on est donc tenté de pencher beaucoup plus vers une autre théorie : celle de l’indifférence du président de la République envers son peuple, une innommable distance entre lui et ceux qui l’ont porté à la magistrature suprême. Une indifférence qui, même si elle est choquante, ne devrait pas étonner puisqu’en réalité, l’homme fort d’Etoudi, n’en est pas à sa première.

Après les premiers attentats-suicides jamais perpétrés en territoire camerounais, le 12 juillet dernier, toujours dans l’Extrême nord (plus précisément à Fotokol), le chef de l’Etat avait fait publier pratiquement le même communiqué.

Les seules lignes qui changent entre le premier et le second étant le lieu, la date, l’heure et le nombre de morts et de blessés. Paul Biya attend-il un autre attentat pour enfin montrer qu’il n’est pas si distant de son peuple ? C’est une perspective qu’il ne vaudrait pas mieux souhaiter…