Opinions of Saturday, 25 March 2017

Auteur: Hiondi Nkam IV

Biya l'autocrate se moque des démocrates

Le président  présente désormais sa longévité au pouvoir comme un gage pour les investisseurs Le président présente désormais sa longévité au pouvoir comme un gage pour les investisseurs

On le voyait dans ses petits souliers pour l’une de ses rares sorties officielles en Occident depuis plusieurs années. On croyait Paul Biya, 35 ans à la tête du Cameroun, finalement gagné par la pudeur que commande l’indécence de son pouvoir perpétuel. On se disait que le président devait se la jouer modeste en évitant de mettre en exergue son règne interminable à la tête de l’Etat camerounais. C’était mal connaitre cet homme espiègle qui senourrit de contre-pieds politiques.

Mercredi dernier, alors que rien ne l’y obligeait, le président a malicieusement évoqué la stabilité de son pays garantie, selon lui, par son pouvoir sans fin. « C’est rare aujourd’hui de trouver un gouvernement qui dure 30 ans », a-t-il dit devant un panel d’investisseurs italiens. En osant cette phrase, le président savait où il mettait les pieds. Il était presque certain de susciter l’hilarité de ses interlocuteurs.

Et c’est ce qui arriva. Des rires fusèrent dans la salle. Mais l’homme avait préparé sa riposte. Sourire au coin des lèvres, visage rayonnant, il arborait cette gestuelle triomphante qui fait aussi sa marque « c’est le cas du Cameroun », ajoutait-t-il avec l’assurance des vainqueurs. L’ironie est aussi dans la subtilité. Le président parle de 30 ans alors que lui en est à 35 ans de règne. Comme pour dire qu’il a battu bien de records.

Le pouvoir c’est moi

Avec cette pique lâchée en terre transalpine, Biya se présente comme un guerrier africain qui vient défier l’Occident démocrate sur ses terres. « Voyez comment je résiste au vent du changement, que vous imposez partout », semble-t-il dire aux occidentaux. Redonnant au passage de la verve à ce panafricanisme de pacotille qui a transformé les autocrates africains en héros. 35 ans au pouvoir, voilà qui contraste sévèrement avec l’instabilité d’une démocratie italienne qui change de tête tous les ans.

Le prince n’a pas manqué sa cible. Mais où donc a-t-il pu dégoter pareille idée ? Comment peut-il présenter un pouvoir perpétuel qui crée sclérose sociale etinertie dans les affaires comme un gage pour les investisseurs. Pourquoi donc ce pays qui est si stable piétine-t-il encore dans l’indicateur doing bussiness de la banque mondiale et peine à attirer les capitaux extérieurs en dépit de conférences pompeuses organisées à coup de milliards ?

Le président a aussi évoqué la lutte contre la corruption juste pour faire diversion car, il sait bien que des pans entiers de l’économie nationale sont gangrenés par cet hydre qui n’en finit plus de grandir sous son règne. Pourquoi donc montrer ses muscles quand on sait ne pas pouvoir gagner à la régulière. Les investisseurs italiens présents au Cameroun qui commencent à s’accoutumer aux pratiques locales avaient-ils besoin de cette démonstration de force ?

Inutile de se turlupiner l’esprit avec ces questions qui semblent loin des préoccupations de l’homme du 06 novembre. Au demeurant, son agenda est ailleurs. Il veut désormais vendre son pouvoir spectral et démiurgique comme modèle de gouvernance. Il anticipe sur les possibles récriminations qui vont poindre avec les élections de 2018 pour se positionner comme un « bon risque ».

« Ne dure pas au pouvoir qui veut mais qui peut », avait-il déjà dit aux journalistes français et à leur président venus questionner son règne sur ses terres. A 84 ans, l’homme se confond désormais au pouvoir avec lequel il n’a plus aucune distance. Il en est obsédé et ne travaille plus que pour le conserver. L’image du Cameroun n’est pas son dada. Les investisseurs peuvent toujours passer voir à Yaoundé s’il y est.