Mora ce dimanche 21 août2016. Il est 7h17. C'est jour de marché dans la capitale départementale du Mayo Sava. Les populations venues des quatre coins s’affairent à installer leurs marchandises. Nous sommes dans la rue qui traverse de part en part la ville et mène vers la frontière d'avec le Nigeria située à une vingtaine de kilomètres. Un homme se fait débarquer d'une moto. Dans la cohue personne ne s'en inquiète. Il y a des centaines comme lui qui arrivent.
Selon des premiers scénarios des enquêteurs arrivés sur les lieux, le passager s'est fait déposer devant des comptoirs de bouchers, là où il y a en permanence de l'affluence. Il aurait fait trois pas dans la foule avant de déclencher la charge explosive qu'il portait. Sur le champ il va faire quatre morts dont luimême. 31 autres personnes ont aussi été blessées et conduites à l'hôpital de la ville.
Relâchement
L'incident a arraché d'amers commentaires à un militaire engagé dans la lutte contre la secte : « Il y a eu un relâchement de notre part. Ils (Boko haram ndlr) se sont inscrits dans la durée et nous nous avons baissé de vigilance ». Pour bizarre que ce commentaire paraisse, il dénote des nombreuses mises en garde que les forces de défense n'ont de cesse de répéter depuis plusieurs semaines. « Les politiques se comportent comme si la guerre est finie. Ils ouvrent des marchés, font déplacer des personnalités et des partenaires étrangers sans la moindre escorte », s’indignait un militaire.
Mais, le plus grave selon lui, « c'est le comportement des comités de vigilance qui ont totalement échappé à notre contrôle. Ils sont encadrés par les sous-préfets qui leur assignent des missions comme l'escorte des réfugiés ou même d'assurer la police dans les villages ».
Le vide nigérian
Cependant, le vrai problème demeure au Nigeria. Là-bas, les militaires de l'opération Lafiya Dolle de l'armée nigériane semblent avoir concentrés leurs efforts sur la forêt de Sambisa, le sanctuaire inexpugnable et très médiatisé de Boko haram. Cette concentration des efforts de l’armée nigériane semble se faire au détriment d'autres zones rurales infestées par les combattants de la secte.
« Les militaires de là-bas, se sont contentés de reprendre les villes et les villages de grandes notoriété et ont laissé les intervalles c'est à dire les brousses et petits villages. 60 % de État du Borno est toujours occupé par Boko haram », affirme un observateur de premier plan. Les combattants de la secte que la propagande des armées annonçaient affaiblis semblent avoir surmonté le blocus que les militaires leur ont imposé.
Faisant preuve d'une résilience « inhumaine », les fanatiques ont tourné à leur avantage les mesures de restrictions imposées par les autorités. Enthousiastes au départ, les populations civiles montrent des signes d'épuisement pis, se défient de la capacité des militaires à anéantir l'hydre. La secte malgré les dissensions internes qu’on annonce comme autant de signes de faiblesse, parvient à maintenir en alerte des armées sur un front de près de 1000 kilomètres qui va des confins de Sambisa jusqu'au Niger. Les militaires engagés dans ces efforts dispersés se plaignent tous de la même chose : un manque criard de moyens.
Boko haram, pour sa part se réjoui de cette déshérence et semble avoir morcelé ses troupes. « Nous cherchons à savoir où ils se rassemblent pour les attaquer. Ils doivent bien se réunir quelque part pour s’organiser », confesse un militaire. Dans cette quête de renseignements, les commandos du Bir ont procédé à des bouclages dans de nombreux villages du département du Mayo Tsanaga il y a une semaine. Peut-être va t'il y avoir une autre opération d'envergure pour nettoyer d'autres nids de terroristes.