Opinions of Tuesday, 24 November 2015

Auteur: carmer.be

Boko Haram : Qui sont les femmes kamikazes ?

Le 14 avril 2014, 276 lycéennes nigérianes étaient enlevées à Chibok par le groupe djihadiste Boko Haram, déclenchant l’indignation de la communauté internationale. Un an après, malgré une riposte interrégionale lancée par le Tchad, le Niger et le Cameroun qui a affaibli les djihadistes nigérians, les adolescentes demeurent introuvables.  

Depuis le début de l’année 2014, plus de 2 000 femmes et jeunes filles ont été kidnappées par Boko Haram, selon le décompte établi par Amnesty International qui révèle dans un rapport publié mardi 14 avril que certaines d’entre elles ont été contraintes de se marier et de prendre part aux attaques armées. Une information qui pose la question de l’identité des femmes kamikazes de Boko Haram dont le premier attentat suicide au nom du groupe djihadiste remonte au 8 juin 2014, dans l’Etat de Gombe, au Nigeria. Depuis, ces attaques se sont multipliées dans le Nord du pays. Le 22 février, une fillette de 7 ans tuait sept personnes en se faisant exploser à Potiskum. Une semaine avant, une kamikaze utilisait le même procédé à la gare routière de Damaturu. Bilan : 7 morts et 32 blessés.

Y-a-t-il un lien entre ces attentats suicides et les enlèvements des étudiantes ?
Depuis sa création, Boko Haram qui signifie dans sa définition abrégée « L’éducation occidentale est interdite », privilégie comme cible les établissements scolaires où est dispensé un enseignement jugé trop occidental. Après avoir attaqué plusieurs écoles fin 2013, les djihadistes ont commencé à enlever des centaines d’étudiantes. En avril 2014, ils ont kidnappé 276 lycéennes, déclenchant les foudres de la communauté internationale. Ces enlèvements coïncident avec le début, en juin 2014, des attentats suicides perpétrés par des femmes kamikazes sur le sol nigérian. Toutefois, pour Mohamed Kyari, spécialiste de Boko Haram et professeur d’histoire à l’Université technologique Modibbo de Yola, au Nigeria, « il n’y pas forcément de liens entre ces deux actions. Pour l’instant, nous n’avons aucune preuve. A ma connaissance, seulement des membres aguerris de Boko Haram sont choisis pour commettre des attentats suicides. »

Quel est le profil des femmes kamikazes ?
Les femmes kamikazes sont souvent les épouses des combattants. « Elles sont en majorité très jeunes, issues du milieu rural et très peu instruites », observe Mohammed Kyari. D’après le spécialiste, ces femmes kamikazes se divisent en deux catégories : celles qui sont volontaires et celles qui sont contraintes. « On retrouve des Nigérianes très impliquées au sein du groupe djihadiste. Elles mutilent et tuent leurs ennemis comme leurs homologues masculins. Certaines d’entre elles ont même servi de complices lors des enlèvements des lycéennes de Chibok », souligne Mohammed Kyari.

Pourquoi commettent-elles des attentats suicides ?
Pour la plupart de ces Nigérianes, il s’agit parfois de venger un père, un frère ou un mari. « Les femmes, dont les époux ont été tués par les forces de sécurité, comptent parmi ces membres de Boko Haram capables d’aller jusqu’au suicide », note Mohammed Kyari. Mais ce constat ne peut être généralisé à toutes les femmes. « Au-delà des crises privées, les femmes, à l’instar des hommes, souhaitent prendre part à la lutte armée et accéder au rang de martyr », explique Fatima Lahnait, la Directrice des programmes de l’association Active Change Foundation.

Pourquoi Boko Haram se sert-il des femmes pour commettre des attentats suicides ?
La participation des femmes à des attentats suicides serait souvent utilisée comme arme de propagande par les organisations. « Les actions sensationnalistes [comme le recours à une fillette d’une dizaine d’années] profitent automatiquement au groupe djihadiste en lui accordant une plus grande exposition médiatique », observe Fatima Lahnait, auteure également de Femmes kamikazes ou le djihad au féminin au Centre français sur la recherche du renseignement (2014). Les femmes représenteraient aussi un intérêt stratégique dans la mesure où elles sont moins contrôlées que les hommes et passent plus facilement les barrages de sécurité.