Opinions of Thursday, 19 November 2015

Auteur: Mohaman Gabdo Yahya

Boko Haram : Réactivons notre défense civile

Le lamido de Banyo parle également de l’intérêt d’équiper les comités de vigilance.

La vie en communauté est jalonnée de conflits et agressions en tout genre. L’exemple d’agression de proximité la plus courante, c’est celle qui oppose parfois la langue et les dents qui ont pourtant vocation à cohabiter.

Le monde est ainsi fait. L’homme est un loup pour l’homme, tant l’instinct de possession et de domination prend souvent le dessus. Depuis plus de deux ans maintenant, Boko Haram attaque notre pays de manière lâche, obstinée et sans raisons avouées.

Cette guerre cause du tort à la nation tant sur le plan humain, qu’économique. L’Extrême-Nord du Cameroun est certes l’épicentre de ces attaques terroristes, mais comme le corps humain, quand une partie souffre, c’est tout l’organisme qui le ressent.

D’une confrontation hybride parce qu’à la fois classique et asymétrique, nous assistons à une mutation des modes opératoires de Boko Haram. Cette organisation criminelle honteusement rebaptisée Etat islamique en Afrique de l’Ouest, utilise désormais des simplets drogués et robotisés pour propager la terreur, semer l’effroi et désolation partout où elle frappe.

L’objectif de cette méprisable stratégie qui montre bien l’impuissance et l’incapacité de Boko Haram à mener une guerre conventionnelle est de désagréger notre communauté nationale.

Ces monstrueux assassins qui profanent l’Islam, frappent indistinctement notre peuple, tuant musulmans, chrétiens, animistes, etc… Leur dessein ultime est de nous dresser les uns contre les autres, de nous diviser, de faire diversion en nous amenant à désigner ou à imaginer de faux ennemis.

Cette basse manœuvre a d’ailleurs été soulignée par le chef de l’Etat le 16 novembre dernier dans le discours qu’il a délivré à Paris, lors de la séance plénière d’ouverture de la 38ème conférence générale de l’Organisation des Nations unies pour la science et la culture (Unesco) en ces termes : « cette nébuleuse, par son intolérance, distille des germes de division à partir de considérations ethnico-religieuses. Elle s’attaque ainsi aux fondements même de notre pays : son unité ».

Malheureusement, comme on peut sans peine l’observer, certains de nos compatriotes sont pris dans la chausse-trape et jouent le jeu de cet ennemi immonde, en insinuant que certains d’entre nous seraient des complices de Boko Haram sans les désigner.

Assurément, les criminels de Boko Haram pourraient avoir des soutiens de quelques brebis galeuses, mais de là à esquisser l’idée que ces complicités éventuelles seraient l’apanage de ressortissants du septentrion, est tout à fait absurde. Tant il est vrai, que le vice est consubstantiel à l’Homme.

Ces insinuations sont du reste dangereuses pour la nécessaire cohésion nationale que le chef de l’Etat appelle de tous ses vœux dans le cadre de la guerre contre ces hordes terroristes.

De plus, d’aucuns arguent – et on se demande bien sur quoi s’appuie leur théorie ésotérique – que Boko Haram serait en réalité une entreprise déguisée de déstabilisation des institutions de la République.

En clair, selon cette logique obscure, des fils et filles du septentrion seraient en intelligence avec des bandits pour prendre le pouvoir au Cameroun. Soyons sérieux ! Les Camerounais ne sont pas naïfs, pas plus qu’ils ne sont dupes. Ils savent bien qu’il n’en ait rien.

Ils ont conscience fort heureusement, pour l’immense majorité, que l’unique ennemi du Cameroun en ce moment se nomme Boko Haram et ses complices véritables sont la pauvreté, le chômage des jeunes et l’injustice sociale que les pouvoirs publics s’emploient à combattre sans répis.

Les attentats de Paris du 13 novembre dernier, nous ont permis de voir comment un pays meurtri sait mettre – le temps du recueillement et de la réflexion – en sourdine ses divergences pour se mobiliser contre son ennemi véritable. Nous devons y prendre de la graine, si nous voulons gagner cette guerre de longue haleine.

Des pays amis nous apportent leur soutien multiforme et les Camerounais consentent de manière enthousiaste et citoyenne, à soutenir l’effort de guerre contre Boko Haram.

Cette solidarité nationale devrait se poursuivre sans relâche, d’autant que pour les populations meurtries de la région de l’Extrême-Nord, elle sonne comme une preuve concrète de leur appartenance à la communauté nationale.

Nous devons dans le même temps, associer les populations civiles à la défense de notre territoire. Car, notre conviction aujourd’hui est qu’avec les attentats kamikazes, les forces de défense et de sécurité ne sauraient être les seuls remparts de la protection collective.

La clef de voûte de la lutte contre le terrorisme c’est le renseignement. Le succès de la mission des services compétents en la matière, dépend fortement des populations qui doivent être à la fois leurs yeux et leurs oreilles.

C’est pourquoi, il est impératif de travailler à la restauration de la confiance entre ces populations et nos forces de défense et de sécurité, si nous voulons accroitre substantiellement l’efficacité de notre système de renseignement.

Une des pistes pour y parvenir serait d’intensifier davantage la lutte contre la « petite » corruption à l’effet notamment de protéger nos populations contre les exactions de certains éléments de nos forces de sécurité.

Ces exactions répétées surtout dans l’arrière pays et les zones frontalières, ont pour conséquence d’éloigner les populations de ces forces de l’ordre qui sont censées les protéger.

L’autre chantier c’est celui de l’organisation et de l’équipement des comités de vigilance, surtout dans des zones où la présence de nos forces de sécurité n’est pas assez importante.

L’expérience de la lutte contre le phénomène des coupeurs de route nous enseigne que ces comités de vigilance sont de redoutables adversaires pour les criminels qui troublent la paix sociale ou qui dépouillent les voyageurs.

Il ne s’agit pas de fournir des fusils d’assaut à ces escouades civiles de veille, mais des moyens et équipements fussent-ils rudimentaires pour se défendre avec l’avantage d’une connaissance parfaite du terrain.

Ceux qui connaissent les réalités des zones frontalières en question, savent bien qu’il est difficile pour nos forces de sécurité de surveiller les multiples pistes et sentiers qui relient le Cameroun à notre voisin nigérian.

Sur un plan spirituel, nous pensons enfin, qu’il faille aller au-delà des prières œcuméniques et recourir aux recettes de nos ancêtres. En effet, pour conjurer toutes sortes de calamités naturelles ou humaines (intempéries, épidémies, invasions de criquets ou de pachydermes, guerres, etc..) ces derniers faisaient appel aux exégètes pour déterminer la nature des prières à pratiquer.

Souvent, on jeûnait un certain nombre de jours indiqués par les oracles, avant de consacrer des prières canoniques et d’intercession dans un état de sacralisation, un esprit d’humilité et pénitence. Il nous faut en dépit de ce qu’en pensent certains, revenir à nos valeurs.

Il nous faut donc combiner la défense opérationnelle et à celle civile, parce que pour paraphraser le chef de l’Etat, face à cette menace globale nous devons opposer une riposte globale.