Opinions of Sunday, 2 October 2016

Auteur: parismatch.com

Boko Haram inquiète l'Afrique francophone

Des djihadistes de Boko Haram Des djihadistes de Boko Haram

Affaiblie, mais toujours dangereuse, la secte Boko Haram continue de causer de lourds dégâts matériels et humains au Nigeria, mais aussi au Tchad, au Niger et au Cameroun

La guerre contre Boko Haram et ses conséquences sur 9 millions de personnes affamées, soit la moitié des populations vivant dans le bassin du Lac Tchad, était au centre des préoccupations, lors de la 71ème session de l'Assemblée Générale des Nations Unies à New York. Idriss Deby Itno, le président du Tchad et de l'Union Africaine (UA) n'a pas mâché ses mots à la tribune. Pour lui, "dans ce monde d'incertitude, l'Afrique est le continent le plus vulnérable et le plus exposé... attaqué de plein fouet par le terrorisme, la menace du siècle".

L'armée tchadienne se bat sur 2 fronts : au Nord du Mali contre Al Quaïda pour le Maghreb Islamique (AQMI) et plus au Sud contre Boko Haram sur les rives du Lac, devenu l'un de ses sanctuaires. Deby a appelé les Etats membres de l'Onu à apporter leur contribution au Fonds africain de lutte contre le terrorisme et à la Force mixte déployée par les 4 Etats riverains du Lac Tchad pour combattre Boko Haram. Même demande du Président nigérien Mahamadou Issoufou qui a souligné "l'urgence d'appuyer la force mixte multinationale qui opère dans le bassin du lac Tchad contre Boko Haram".Le président camerounais Paul Biya a été tout aussi pugnace.

Outre la question sécuritaire, celle des réfugiés inquiète aussi l'Afrique francophone. "Au Niger, où la secte Boko Haram mène des incursions régulières, a déclaré le Président Mahamadou Issoufou, nous comptons plus de 167.000 déplacés internes et une centaine de milliers de réfugiés, exposés à des risques de famine et d'épidémies ainsi que plus de 18.000 enfants privés d'école." Le Cameroun accueille aussi des centaines de milliers de déplacés. Dans l'Extrême Nord, 180.000 errent sur les pistes et dans le camp de Minawao, qui accueillent déjà 80.000 réfugiés nigérians, de nouveaux arrivent tous les jours. Au sommet des Dirigeants sur les Réfugiés, le Président Paul Biya a tiré la sonnette d'alarme et a averti, au sujet des zones touchées par le terrorisme, que "leur reconstruction nécessitera la mise en ...uvre de moyens considérables".

Coté stratégique, le Cameroun a noué d'étroites relations avec les Etats-Unis, qu'il a autorisés à déployer 300 spécialistes de l'Air Force et des services de renseignements sur la base de Garoua, la capitale du Nord. C'est de là que décollent les drones qui filment les mouvements de Boko Haram. Conscient que ces terroristes qui parlent le Kanouri ou le Haoussa des 2 côtés de la frontière, s'infiltrent dans la région, des hélicoptères et des drones portatifs équipent les Bataillons d'Intervention Rapide (BIR) camerounais formés par des israéliens.Ils sont soutenus par des canons de 155 millimètres, capables de tirer des obus à 25 kilomètres dans le cadre de la coalition africaine, grâce aux images des drones, sur des regroupements de djihadistes au Nigéria.

Des instructeurs américains dispensent désormais aux BIR des cours pratiques pour recueillir du renseignement de terrain grâce aux prélèvements ADN sur les corps des kamikazes ou les suspects. Photos et renseignements sont rentrés dans une banque de données qui permet de savoir si le suspect est déjà fiché ou a déjà été condamné. Une technologie appliquée en Afghanistan ou le gouvernement possède désormais dans ses ordinateurs le nom de centaines de milliers de personnes.

A New York,Linda Thomas-Greenfield, sous-secrétaire d'Etat pour les Affaires africaines a rendu visite au président camerounais, succédant à l'Ambassadrice des Etats-Unis aux Nations-UniesSamantha Powerqui, en avril dernier, était déjà venue voirPaul Biyaà Yaoundé. A chaque fois, l'ordre du jour des rencontres est identique: coopération bilatérale sur la sécurité et guerre contre Boko Haram, comme l'ont précisé les 2 hautes responsables américaines. Elles ont salué "l'engagement sans faille du Cameroun dans la lutte contre Boko Haram qui a permis d'affaiblir considérablement ce groupe terroriste même s'il continue de violer les droits de l'homme en commettant des exactions sur les populations". Elles ont aussi réitéré le soutien des Etats-Unis au Cameroun dans la lutte contre le terrorisme.

La coopération américaine contre le terrorisme se renforce avec le Cameroun et aussi avec le Niger. L'armée américaine a annoncé vendredi 30 septembre 2016 la constructiond'une nouvelle base aérienne pour les drones dans la région d'Agadez au Niger. Montant de l'investissement: 100 millions de dollars.

Pour Washington, l'Afrique est en effet devenue un champs de bataille majeur contre les groupes islamistes, de la Somalie jusqu'aux rives de la Méditerranée. Sans les missiles, les aéronefs et les renseignements des navires de l'Us Navy qui croisent au large de la Libye, les milices de Misrata n'auraient pu refermer l'entonnoir sur les islamistes reclus à Syrte -sans du moins accuser de très lourdes pertes-.

Certains éléments de Daech se sont dispersés dans le désert, mais ne semblent plus en mesure, pour le moment, de rester en contact avec Boko Haram qui leur avait prêté allégeance début 2015. Depuis, rien ne va plus.Le chef de Daesh, le calife Al Baghdadi a écarté en août dernier Abubakar Shekau et nommé à la tête de Boko Haram, Abou Moussab al-Barnawi le fils du fondateur tué par les forces nigérianes. Les 2 factions se font désormais la guerre, poussant encore davantage de civils à fuir les zones de combat, en se réfugiant au Tchad, au Niger et au Cameroun, sans parler des millions de déplacés au Nigéria.

Les conséquences de cette guerre provoquent en effet autant le chaos que la guerre elle-même. Une situation propice à la constitution d'un terreau du fanatisme propagé par les islamistes de Boko Haram, qui ont désormais changé de tactique. Affaiblis par les offensives des armées de la coalition et des troupes du Nigéria, qui sont enfin sorties de leur léthargie depuis l'élection du président Buhari, les djihadistes n'occupent plus de villes et ont abandonné leurs grandes offensives de jadis.

Leurs opérations se limitent désormais à des coups de main, qui rendent cependant toujours très dangereux les déplacements sur les rives du Lac Tchad et dans leur fief historique du Borno, qui longe la frontière du Cameroun. Mais leurs actions les plus fréquentes restent les attentats suicides: 84 en 2015 dans l'Etat du Borno, soit un environ tous les 4 jours, avec un bilan de 3048 morts et des milliers de blessés, quasiment tous des civils. Cette année, le nombre devrait être en augmentation, tout comme au Nord Cameroun voisin que Boko Haram a inclus dans son califat et qui, lui aussi, n'est pas épargné par les kamikazes.