Opinions of Thursday, 27 January 2022

Auteur: Boris Bertolt

Côte d'Ivoire - Égypte : encore beaucoup d'espoir au Cameroun

La Côte d'Ivoire s'est inclinée mercredi La Côte d'Ivoire s'est inclinée mercredi

La Côte d'Ivoire s'est inclinée ce mercredi face à l'Égypte en 8es de finale. Les Eléphants ivoiriens ne pourront donc pas accéder aux quarts de finale. Ils sont donc éjectés de la compétition.

L'ambiance était au summum du côté camerounais après la qualification des Égyptiens. Les vidéos en disent long.

Le journaliste politologue Boris Bertolt n'a pas manqué de commenter l'événement.

La rédaction de Camerounweb vous propose l'intégralité de son analyse


Loin des émotions ou des leçons à deux balles, il est important de marquer un temps d’arrêt et de comprendre ce qui s’est passé pour qu’on en vienne à une levée de bouclier des camerounais contre les ivoiriens.

1) Pour cela, il faut d’abord rentrer dans le passé. Ces deux peuples, anciennes colonies françaises ont toujours été des rivales. Une rivalité entretenue par la France. S’il existe certainement beaucoup de ressemblances. Il y a toujours eu une compétition latente entre les deux pays. D’ailleurs les Etats n’ont pas d’amis mais des intérêts.

Souvenez que c’est en partie cette rivalité Houphouet- Boigny et Ahmadou Ahidjo qui amène le président camerounais à créer notre propre compagnie aérienne nationale : Cameroon Airlines. Car Ahidjo n’a pas accepté que les ivoiriens avec Houphouet Boigny contrôlent Air Afrique. En revanche c’est cet amour qui a amené les Camerounais à soutenir Laurent Gbagbo contre la France au point où le problème ivoirien était devenu un problème camerounais.

Il n’y a donc rien de nouveau dans ce qui s’est passé autour du match Côte d’Ivoire - Égypte. La relation Cameroun - Côte d’Ivoire s’est toujours résumée autour de l’expression : « je t’aime moi non plus ».

2) Il se passe simplement que le peuple camerounais, peuple réputé grand amateur de football a subit toutes les humiliations depuis trois ans. Des humiliations liées à l’irresponsabilité de ses gouvernants. Mais le comportement des gouvernants impacte sur leur image.

Ils ont vu la CAN leur être retirée en 2019. C’était une grosse humiliation. Ils étaient la risée du continent. Puis ils ont vu le pays s’endetter massivement à près 3000 milliards fcfa avec les conséquences que l’on connaît sur le plan social et économique. Ils ont vu la FIFA et les clubs européens se battre pour leur retirer cette CAN. Eux des passionnés de football. Ils vivent cela très mal psychologiquement.

3) Puis il y a l’affaire des tests. Dès le premier match contre le Burkina Faso, les lions indomptables l’un des derniers symboles de leur fierté et de leur unité sont accusés d’être des tricheurs. Or les tests Covid sont effectués par le Cabinet UNILAB sélectionné par la CAF et non par le gouvernement camerounais. L’absence de communication de la CAF et l’incompétence stratégique du comité local d’organisation ( COCAN) qui aurait dû anticiper ses accusations, leur fait encaisser une nouvelle humiliation. Ils ont le sentiment que malgré le fait qu’ils soient champions olympiques et cinq fois champions d’Afrique ils ne sont plus respectées. Et là la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

4) Côté d’Ivoire - Algérie, 30 000 camerounais au stade pour porter les ivoiriens en huitième de finale. Ils se disent se sont « nos frères ». Cameroun - Comores, 5 joueurs Comoriens atteint de COVID. Ce n’est pas la faute des camerounais, mais ils sont de nouveau accusés d’être des tricheurs. Plus un carton rouge mérité vu la faute. Le Cameroun remporte mais les camerounais vivent mal cette victoire d’autant plus qu’il y a des décès enregistrés liés à une bousculade.

Les nerfs sont gonflés. C’est alors qu’ils découvrent que ceux qui portent les estocades les plus brutales et sauvages contre eux se sont les ivoiriens à travers leur leaders d’opinion. Ces ivoiriens qu’ils ont soutenus quelques jours auparavant . C’est l’humiliation de trop.

C’est la goute d’eau qui déborde le vase. C’est un processus mental qui s’active et il est réactionnaire. En réalité dès cet instant pour eux quelqu’un doit payer pour tout ce qu’ils subissent depuis des années autour de cette CAN. Ils ne digèrent pas en plus que ce soit ceux qu’ils ont toujours soutenus dans des domaines au delà du sport qui lancent des fatwa contre leur pays.

Point positif : cet épisode montre comment ce peuple que l’on dit passif est à même de transcender ses clivages ethniques, politiques, religieux et idéologiques vers un objectif commun. Cela veut dire que le seuil de possibilités n’a pas encore été atteint. Il y a encore de l’espoir au Cameroun.

Boris Bertolt