1. La tournée africaine du président français, Emmanuel Macron, semble s’être soldé par un fiasco. Côté africain comme côté français, on peut se demander à quoi aura servi ce déplacement. Les codes et usages diplomatiques ont été bousculés. On dira peut-être que la donne a changé. Tant mieux ! Mais, c’est important de noter que c’est l’une des rares fois qu’un Chef d’État français ne se fait pas accueillir à l’aéroport par ses homologues africains : Une relation entre la France et l’Afrique devenue symétrique ? Pas sûr. Il faut pousser l’analyse plus loin !
2. Les réseaux françafricains diminuent considérablement en France. Tant mieux encore ! Le Président Macron et les parlementaires qui l’accompagnaient n’avaient pas la pleine maîtrise des codes. Au Cameroun, on observe que les folklores et autres youyous françafricains étaient bien en place mais, le président français s’est comporté comme s’il était venu animer un séminaire. Malheureusement, il a dû interrompre son séjour. On a vu qu’il n’a pas voulu passer une seule nuit de plus. Il est reparti en courant à bord d’un jet. Probablement, le premier avion disponible. Et c’est ce qui peut justifier la qualité très relâchée du protocole à son arrivée au Bénin. Pourquoi vouloir absolument partir du Cameroun ? Comme on le dit, « Paul Biya l’aurait traité » c’est-à-dire que le « vieux » l’aurait invité à repartir et/ou lui aurait refusé ce qu’il voulait. Quoi alors ?
3. En faisant l’analyse sommaire des discours prononcés et des conférences tenues, on comprend que le Président français était venu « dealer » le rejet de la Russie comme il l’avait déjà fait au Tchad lors de la succession filiale de Déby dans un contexte où la Centrafrique voisine et le Mali constituent des terreaux fertiles pour l’expansion de l’influence russe. La France est en perte d’influence en Afrique et joue sa survie. Si un nouveau front antifrançais prospère au Cameroun, ce serait plus virulent en raison du « contentieux historique ». Malheureusement pour lui, Paul Biya a réaffirmé la neutralité du pays. Pire, les informations/rumeurs sur l’accueil imminent d’une délégation russe ont été diffusées, ce qui constitue normalement un affront diplomatique pouvant justifier l’interruption du séjour de Macron.
4. Laboratoire de référence des fakes news : Macron n’a pas été convenablement brieffé sur le pays où il se rendait. Avant la création des « fakes news », Paul Biya avait déjà créé son système de gouvernement par rumeurs (par désinformation). Macron en a fait les frais. On dira au Cameroun qu’il s’est fait prendre comme un enfant.
5. Et la transition/dévolution filiale du pouvoir alors ? La France sera un partenaire comme tous les autres. Même la nomination d’un Général des armées à un poste diplomatique à Yaoundé ne changera rien. Aucun autre partenaire ne sera dupe !
6. Effet pervers : Le choix de Macron de marcher avec les célébrités l’a conduit en brousse : De nature, ces gens ne comprennent rien à la politique ! L’action de la société civile se limite au plaidoyer qui semble avoir été immédiatement rejeté par le pouvoir politique.
7. Le langage de la vérité n’est ni politique ni diplomatique. Macron est venu obtenir le soutien de Biya en lui disant la vérité en face : Étonnant ! Par exemple, il a dit que son parcours en France n’était pas possible au Cameroun. D’accord mais, il était ainsi en train d’insulter son homologue camerounais qu’il venait de rencontrer et qui avait montré des signes de vieillesse (surdité acquise). Macron avait oublié pendant son séminaire qu’il était un Président de la République en séjour à l’étranger et donc, régi par des usages diplomatiques. Les autorités camerounaises ont donc dû le laisser finir son « séminaire » et après, elles l’ont raccompagné à l’aéroport.
8. Le Cameroun n’est pas la France : Il est souvent facile de l’extérieur de dire que le SDF n’avait pas obtenu le pouvoir en 32 ans. L’erreur reste de sous-estimer l’adversaire politique qui est en face. Paul Biya est incompétent en tout sauf en conservation du pouvoir. Pour affronter ce monsieur, il ne faut pas se comporter comme un « gamin surexcité ». Politics na sense ! Il faut penser sa stratégie. Et le SDF qui fait sa mue semble encore être le seul parti à l’avoir compris.
9. Du point de vue de la communication politique, Macron a dû comprendre qu’il avait, malgré lui, légitimé par son arrivée au Cameroun le pouvoir de Paul Biya. Ses amis les célébrités l’ont poussé à obtenir l’effet pervers du séminaire de démocratie qu’il a animé au « Village Noah ». Après « avoir dérapé » avec deux activistes camerounais en France, la communication officielle de Paul Biya dit qu’il est venu aplanir la relation entre Paris et Yaoundé. En d’autres termes, Macron serait donc venu s’excuser.
10. Des points de vue politique et économique, Macron n’a rien obtenu de Yaoundé : Il y a eu zéro engagement du Cameroun contre la Russie. D’ailleurs, comme par insulte (dans le langage diplomatique), l’axe russe a été parallèlement brandi pendant son séjour. Il y a aussi eu zéro nouveau contrat (économique ou commercial) signé. Il y a simplement eu des « séminaires ». C’est le résultat des milliards dépensés sur la société civile. C’est la première fois qu’un Président français rentre aussi bredouille. Tant mieux pour nous !
11. Côté africain, on peut se demander vraiment quelles sont les lignes que nos amis qui accompagnent Macron depuis Montpellier ont fait bouger. Rien du tout. On a l’impression au Cameroun que le président Hollande était même allé plus loin en 2015. Les Camerounais attendent les excuses officielles de la France et non la mise sur pied d’une commission gombotique des historiens et des artistes. On dirait qu’Achille Mbembe a su négocier son nouveau gombo. Il y a 7 ans, le Président Hollande avait failli exprimer les regrets de la France. On s’attendait à ce que Macron y arrive cette fois-ci pour tourner la page de ce « contentieux historique » et céder la place à des relations diplomatiques plus sereines. Mais que non ! On a plutôt obtenu des promesses d’études comme si nous ne connaissions pas déjà l’histoire ! Pire, en mettant en avant la responsabilité des Camerounais de l’époque, Macron a accentué la défiance !
Bref : L’étau se resserre progressivement autour de la Françafrique. Les mécanismes de fonctionnement de ce système peinent à se renouveler. C’est une bonne nouvelle pour les amis de la liberté qui savent désormais que les obstacles s’amenuisent devant eux sur le chemin de la libération du pays/continent. Au cours de ce séjour camerounais, l’opinion publique a pu voir quels étaient ses vrais leaders de la libération : ceux qui comptent encore sur le soutien de la France pour arriver au pouvoir se sont affichés négativement alors que ceux qui croient à une solution camerouno-camerounaise ont zappé et se sont faits représenter.