Opinions of Thursday, 5 May 2022

Auteur: Serge Aimé Bikoi

Cameroun / Crise anglophones: l'horreur et la terreur vécues par des journalistes emprisonnés

Prisonniers politiques Camerounais arrêté dans le cadre de la crise anglophone Prisonniers politiques Camerounais arrêté dans le cadre de la crise anglophone

Des journalistes domiciliés dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest avaient été interpellés, torturés, jugés et condamnés ces dernières années par une instance judiciaire militaire. Conrad Tsi et Mancho Bibixy avaient été, tous les deux, condamnés à 15 ans de prison ferme par le Tribunal militaire de Yaoundé le 25 mai 2019. Les motifs de condamnation de l'animateur M. Bibixy sont: "actes de terrorisme, hostilité contre la patrie, sécession, révolution et insurrection". Le tort imputé à Bibixy est d'avoir, en fin 2016, voulu exercer, de manière pacifique, son droit à la liberté d'opinion, à la liberté d'expression et à la liberté de manifestation dans son aire culturelle.

Âgé de 35 ans, Conrad Tsi avait été aussi condamné pour les mêmes motifs le 25 mai 2019 à 15 ans de prison ferme pour "avoir informé des premières manifestations de mécontentement des populations anglophones en octobre 2016 et leur répression". Dans le cadre de son travail de journaliste, C. Tsi avait filmé et photographié les premières manifestations pacifiques dénonçant la marginalisation dont les populations faisaient l'objet de la part de l'État central en octobre 2016 à Bamenda. Ses images avaient permis de rendre compte de la factualité des répressions qui s'en sont suivies: usage de la force létale ; arrestations massives; usage de la torture; humiliation et intimidation. Le 8 décembre 2016, alors qu'il filmait une nouvelle manifestation au cours de laquelle des policiers avaient tiré à balles réelles, des militaires avaient arrêté C. Tsi. Son appareil photo avait été détruit et il avait été conduit dans un poste de police de Bamenda. Quelques jours après, ce journaliste avait été transféré dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire (Dst). Le 23 décembre 2016, après deux semaines de détention, Tsi avait été transféré à la prison centrale de Yaoundé.

Thomas Awah Junior, ancien journaliste ayant offert ses services à Équinoxe radio et Tv, avait été condamné à 10 ans de prison ferme dans la même affaire à laquelle étaient mêlés Bibixy et Tsi. Kingsley Fomunyuy Njoka, ancien journaliste à Magic Fm, avait été interpellé en mai 2020 par des hommes armés devant son domicile à Douala. Après son arrestation, K. Njoka avait été transféré à Yaoundé dans les locaux du Secrétariat d'État à la défense (Sed). L'ordonnance motivant le placement en détention provisoire signée par le juge d'instruction du Tribunal militaire de Yaoundé stipule que ce journaliste est inculpé de "sécession et complicité de terrorisme". Il est toujours détenu à la prison centrale de Yaoundé attendant son jugement.

De manière globale, en dehors de ces employés de presse domiciliés dans les zones anglophones, il n'est pas possible de faire tabula rasa des cas d'arrestation dont d'autres confrères ont été victimes ces dernières années. Mimi Mefo, Michel Biem Tong, Paul Chouta, etc.

Bien d'entités de défense des droits et intérêts des journalistes(Reporters sans frontières -Rsf- Acat, Jade, Snjc, etc) et bon nombre d'organisations de défense des droits humains, telles que le Réseau des défenseurs des droits humains en Afrique centrale(Redhac), Nouveaux droits de l'homme (Ndh), Mandela Center, Un monde avenir, etc ont déjà dénoncé la condamnation arbitraire et le maintien illégal de ces journalistes en détention. Selon le Pacte international relatif aux Droits civils et politiques, l'article 9 postule : "Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté si ce n'est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi". De manière manifeste et flagrante, cet article est violé au Cameroun.