Opinions of Tuesday, 15 March 2016

Auteur: Pauline Poinsier Manyinga

Cameroun : Hôpitaux d’État en piteux état

Depuis quand un morguier chargé de veiller sur le bien­être des cadavres peut­il émettre un diagnostic de vie ou de mort d’un foetus tant et si bien qu’une jeune femme désespérée se croit acculée à se constituer matrone traditionnelle en éventrant à vif et à la lame de rasoir, le cadavre d’une mère enceinte pour en extraire des jumeaux ! Morts (nés) eux aussi, malheureusement.

Cela nous ramène à la question de savoir quand commence la notion du droit, ou celle du devoir ?

Il y a quelques semaines à l’hôpital général de Douala, de petites infirmières, obéissant à la consigne immuable de l’argent avant tout, ont sans sourciller, froidement laissée périr, faute de soins, une femme médecin de moins de 40 ans ! Une doctoresse assassinée froidement pour du fric, sans souci aucun de la solidarité de corps! Pour autant, avons­nous le droit de nous substituer au médecin, au pompier ou au policier parce qu’ils ont refusé de faire bien leur job ? Quand doit­on enfreindre la loi ? Trop de questions auxquelles se confronteront bientôt nous l’espérons, des éléments de réponses.

Les personnes directement mêlées à l’affaire doivent s’expliquer et les responsabilités de chacun, définies. La démission du ministre de la santé ou de l’administrateur de l’hôpital qu’exigent certains après le décès, puis, cette mutilation atroce de Monique Koumaté, 31 ans, le samedi 13 mars 2016, m’apparaissent personnellement, comme une fuite en avant. Le vrai problème, me semble­t­il, est ailleurs.

La défectuosité des institutions morales dans notre pays entraînent la perversité de toutes sortes de malaises. Malaise à l’intérieur même du corps médical. Touché rudement jadis et 02 fois plutôt qu’une par un plan d’ajustement structurel fouettard qui avait procédé sans états d’âme à une baisse des salaires drastique et ignominieuse chez les fonctionnaires, le corps médical, certainement l’un des plus touchés par les impacts de cette crise, a cru devoir jouer lui aussi, le sauve qui peut.

On y procède désormais, et de manière absolument ouverte, à des pratiques qui feraient trépigner de dépit dans sa vieille tombe, le noble Hippocrate… On a tronqué le serment, préférant de loin déployer le meilleur du talent au service d’une clientèle privée plus à même de donner des honoraires un peu plus rebondis. Le service offert dans la fonction publique fonctionne à régime réduit.

L’enseignement, la police etc., sont tous concernés. Dans les hôpitaux, c’est le malade qui morfle. Le patient financièrement démuni est ignoré, exactement comme ce pompier à qui on crie : « au feu ! » nous rétorquerait qu’il n’ya pas d’eau dans les citernes, ou que ce flic rigolard s’étonnerait de ce qu’on osât l’appeler à la rescousse au bandit, alors que son Estafette manque si cruellement de carburant, le Cameroun est en marche vers l’émergence.

Une réalité qui a fini par mettre au monde, une nébuleuse plus nauséabonde et plus néfaste encore que Boko Haram : la Corruption. La corruption mine les consciences et le sens de l’éthique, du devoir, même dans un secteur aussi crucial que la santé publique, presqu’aussi sensible que l’armée ! On nous rétorquera que les salaires de l’armée eux, n’ont pas été touchés. Mieux : qu’ils ont même un peu augmenté ! Cà, c’est une autre histoire…

Le vrai crime à mon humble avis, c’est l’hypocrisie. Le dernier a eu lieu 05 jours seulement après le 08 mars ! Une rupture évidente qui devrait définitivement déchirer le pagne et tous ses slogans creux ! Au lieu de soulever, il est peut­être grand temps de se lever, de l’enlever, de se soulever et de dire: plus jamais çà !