Le Dr Louis-Marie Kakdeu, fidèle à ses analyses vient à nouveau de publier une tribune dans laquelle il l'autopsie financière du Cameroun. Pour lui, le pays de Célestin Monga connaît "un gros déficit budgétaire" et par conséquent ne peut plus se passer du Fonds Monétaire International (FMI) alors que tout ce que le FMI apporte peut se faire sans lui. L'analyste économique indique par exemple que le pays risque de tomber dans la faillite. Sur "plan budgétaire, le pays ne produit pas suffisamment de richesse en interne. Il fait face à plusieurs chocs ; il est en guerre ; il a signé des APE qui supposent à court terme la baisse de ses recettes ; il a été aussi secoué par le Covid-19 et il fait face aujourd’hui aux conséquences de la guerre en Ukraine. Pire, le pays fait surtout face à la mauvaise gouvernance et à la non transparence budgétaire ; il a un problème de programmation et de planification des activités économiques et il est terrassé par la corruption".
Vous pouvez lire l'intégralité de l'analyse du Dr Louis-Marie Kadkeu ci-dessous
Le pays est devenu accro au FMI. Il ne peut plus s'en passer. On me dira qu’il n’était sous aucun programme avec le FMI entre 2009 et 2017. Oui, mais il était sous programme avec le FMI avant 2009 et il est sous perfusion du FMI depuis 2017, et ce, jusqu’en 2024 au moins. Le pays présente cette situation comme étant une « prouesse » parce que, dit-il, « il n’est pas facile d’être sous programme avec le FMI ». Est-ce donc une bonne nouvelle que d’être sous programme avec le FMI ? Ne peut-on pas vivre sans le FMI ? De quoi est-il question ?
Un gros déficit budgétaire
Le Cameroun a un gap de financement d’environ 1034 milliards de FCFA pour la période 2021-2014. Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que si le pays ne trouve pas cet argent, alors il fait faillite. La question était de savoir où prendre l’argent. Au plan budgétaire, le pays ne produit pas suffisamment de richesse en interne. Il fait face à plusieurs chocs ; il est en guerre ; il a signé des APE qui supposent à court terme la baisse de ses recettes ; il a été aussi secoué par le Covid-19 et il fait face aujourd’hui aux conséquences de la guerre en Ukraine. Pire, le pays fait surtout face à la mauvaise gouvernance et à la non transparence budgétaire ; il a un problème de programmation et de planification des activités économiques et il est terrassé par la corruption. Il dilapide son peu d'argent à travers des lignes budgétaires curieuses comme la ligne 94 qui ne favorisent pas des investissements productifs. Le pays peine à attirer des capitaux étrangers ; il lui manque la stabilité macro-économique recherchée par les investisseurs (nationaux et étrangers).
Ce qu’apporte le FMI
La première chose que le FMI apporte est la confiance; le fait d’être sous programme rassure certains investisseurs. La deuxième chose qu’apporte le FMI est la discipline budgétaire. A travers des revues régulières, le FMI impose un chronogramme aux pays sous programme. Au demeurant, le FMI apporte la stabilité économique recherchée. Il apporte un soutien financier et technique assorti des conditionnalités. Et c'est au niveau de ces conditionnalités que le problème se pose.
Quelles sont les conditionnalités du FMI ?
Sur les 1000 milliards de FCFA recherchés par le Cameroun, le FMI avait promis dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC) et du Mécanisme élargi de crédit (MEDC) de couvrir environ 37%, soit 375 milliards de FCFA au Cameroun. Toutefois, sa signature du programme avec le Cameroun devait apporter la confiance nécessaire au pays pour lever les 53% restant à travers 4 autres partenaires financiers que sont la BM, la BAD, l’UE et l’AFD. Et quels sont les mécanismes de décaissement ? Les 1000 milliards n’ont pas été donnés au Cameroun à la signature de ce programme en 2021. Le décaissement est progressif après le passage des revues du programme. A ce jour, le Cameroun a déjà pu bénéficier seulement de 160 milliards de FCFA. Il y a encore donc du chemin à faire. Si le pays ne respecte pas la discipline budgétaire et le chronogramme du FMI, alors il n’y aura plus de décaissement et le pays ne pourra donc pas se financer. C’est à ce niveau que l’on parle de la mise sous tutelle du pays par le FMI. La discipline budgétaire là suppose que le gaspillage et autres « générosités » ne seront plus validés ; certaines dépenses sociales pourraient être supprimées pour que le programme soit validé. Le gouvernement camerounais s’en défend. Mais, c’est à ce niveau que les augmentations de salaires peuvent être jugées non nécessaires. Au contraire, l’on peut plutôt procéder à la coupe des salaires si c’est nécessaire à l’équilibre budgétaire.
Pourquoi je parle d’addiction du Cameroun au FMI ?
Parce que tout ce que le FMI apporte peut se faire sans le FMI. C’est comme si nous avions besoin d’un gendarme derrière nous pour travailler. Notre gouvernement n’est donc pas responsable et autonome. Il lui faut le FMI pour lui rappeler la nécessité de faire des réformes. Il lui faut le FMI pour lui rappeler d’éviter les écarts budgétaires. Tout seul, il ne peut pas le faire. C’est regrettable que nous soyons obligés d’avoir recours au FMI pour gérer notre budget. Le Cameroun fonctionne donc comme un pays incapable d’être indépendant, même sur le plan technique. Le Cameroun a quitté le FMI en 2009 mais, il n’a pas pu tenir 10 ans sans FMI. Le pays s’est lancé dans un premier FEC avec le FMI entre 2017 et 2021. Cela n’a pas permis de le réanimer. Dès 2019, le pays réclamait déjà un deuxième FEC. Et c’est avec soulagement que c’est arrivé en 2021. Même si la première revue a été jugée satisfaisante, ce qui a permis le décaissement de 65 milliards le 23 février dernier, les Experts ne sont pas sûrs que la deuxième revue sera satisfaisante. D’où l’alerte de Dieudonné Essomba . Puisque si la deuxième revue n’est pas satisfaisante, alors la rigueur budgétaire sera renforcée par le FMI et le pays pourrait être en difficulté de financement.
Programme non propice pour la relance de la production nationale que nous défendons
Le FEC, même s’il venant à être concluant, est insuffisant pour permettre au pays de réaliser sa politique d’import-substitution. Seul un gouvernement volontariste peut y parvenir. Ce n’est pas le FMI qui viendra nous demander de faire des choses élémentaires comme la vulgarisation des semences améliorées. Le FMI ne nous empêche pas de mécaniser notre agriculture ou de promouvoir les produits locaux. Le FMI ne nous empêche pas de réformer notre code foncier ou notre code de la famille. Notre malheur reste et demeure l’absence de volonté politique. Le FMI nous rappelle simplement que notre gouvernement est indiscipliné et ce, depuis plusieurs décennies. Le problème est que sa survie dépend de la création des richesses, ce qui lui impose aujourd'hui de s'accrocher à l’assistance technique du FMI. Un cercle vicieux et un cycle sans fin.
Dieu nous bénisse !