Le sourire part du cœur. Il amplifie ce que dit le cœur. Il en est une excroissance, et la photographie de sa température. Le sourire ne parle pas, mais il dit tout. Il surplombe les mouvements de la vie et se donne en régulateur des instants. L'air de rien, il enveloppe la parole à la manière d'une valeur ajoutée qui accompagne et soutient le temps qui passe. Et lorsqu'il se mêle de creuser les fossettes, il fait remonter en surface un cœur qui raconte l'histoire d'une vie paisible, accommodante autant qu'il est possible pour anticiper ou contourner les accrocs. Vincent de Paul Atangana était ce sourire. Sur ses lèvres et sur son visage resté poupin, ce sourire était un trait caractéristique.
Comme un drapeau sur son mât, il flottait au gré d'une bonne humeur qu'on eût éternelle. Ce sourire accueillait l'étranger de passage ; il disait son bonheur de retrouver une connaissance que les méandres de l'existence avait un peu éloigné ; il applaudissait les hasards heureux. Et s'il n'y avait rien à fêter, ce sourire se refusait à se morfondre dans l'attente d'une occasion de rayonner. Toujours présent. En permanence à l'affût. Jamais à court d'opportunité. Imagine-t-on, en ce funeste 12 avril, que Vincent de Paul a, à l'heure ultime, réussi à se départir de ce sourire que nous aimions tant ? A-t-il pu, face à la mort, accrocher à son visage la gravité des moments dont on ne revient pas ? A vrai dire, ces questions transportent comme une once d'indécence tant on n'aurait jamais voulu se les poser. Vincent de Paul était sourire, et le sourire jamais né s'éteint.
Alain Belibi