Les drapeaux vert, jaune et rouge fleurissent partout sur la ville en ce jour historique. La commémoration de l’indépendance doit avoir lieu sur une place près de l’hôtel de ville qui sera renommée sous peu « place de l’indépendance ».
La foule est dense et d’humeur festive. Les autorités, elles, sont sous tension. La cérémonie, qui doit marquer l’acte fondateur du pays, se déroule alors qu’une partie de la population ? sous l’égide de l’Union des populations du Cameroun (UPC) ?, mène une guérilla contre cette forme d’indépendance qu’elle rejette. Pour Félix Moumié, le dirigeant de l’UPC, cette indépendance est ambiguë et contrôlée par la France.
Sous haute surveillance, une importante délégation internationale arrive à la tribune officielle : des représentants des puissances occidentales – britanniques, américains, français et soviétiques – , des représentants africains tel que Modibo Keïta et Léopold Sédar Senghor ou encore le secrétaire général de l’ONU, le Suédois Dag Hammarskjöld.
« Camerounais, Camerounaises, le Cameroun est libre »
Puis des troupes de la jeune armée camerounaise, des personnalités de la société civile et des écoliers défilent sous les applaudissements soutenus de la foule. Fait surprenant : un groupe de jeunes filles, qui concourent pour le titre de miss Cameroun, défile également.
Après l’intervention de Dag Hammarskjöld qui met officiellement fin à la tutelle de l’ONU – votée en mars 1959 – le Premier ministre Ahmadou Ahidjo s’avance au pupitre. Il débute son discours – qui acte officiellement l’indépendance du Cameroun occidental – par cette phrase : « Camerounais, Camerounaises, le Cameroun est libre. »
Le Cameroun devient ainsi le 1er janvier 1960 – à l’exception de la Guinée de Sékou Touré en 1958 – le premier pays d’Afrique subsaharienne et francophone qui accède à l’indépendance de manière encadrée par Paris. Les festivités de l’indépendance vont se dérouler jusqu’au 3 janvier.
De colonie allemande à l’indépendance avec la France
Devenue une colonie allemande suite à la conférence de Berlin en 1884-1885, la SDN partage en deux le pays à la fin de la Première guerre mondiale. La France obtient la quasi-totalité du territoire, tandis que la Grande-Bretagne obtient une large bande frontalière avec le Nigéria que Londres gouverne. En 1945, le pays est placé sous tutelle de la jeune Organisation des nations unies (ONU), mais devient un territoire associé à l’Union française.
C’est au milieu des années 1950 que la marche vers l’indépendance commence, notamment par l’UPC de Ruben Um Nyobé, assassiné en 1958. L’Union étant interdite par le gouvernement français, une terrible répression s’abat sur les indépendantistes de l’UPC – jugés trop extrémistes par Paris -. Ils prennent alors le chemin du maquis.
À partir de 1958, l’Assemblée législative locale du Cameroun est dirigé par Ahmadou Ahidjo, qui mène des négociations et trouve un accord avec la France en vue de l’indépendance. Un consensus est trouvé pour l’indépendance, mais la lutte armée des upécistes continue de faire rage. Après Ruben Um Nyobé en 1958, Félix Moumié (en 1960), Osendé Afana (1966) et Ernest Ouandié (1971) seront exécutés, soit par les forces camerounaises soit par l’armée française.
Après l’indépendance, un référendum est organisé, entraînant le rattachement de la partie Nord (alors sous tutelle anglaise) et créant ainsi une république fédérale. Ahmadou Ahidjo est élu en mai 1960 président de la République du Cameroun, qui devient en octobre 1961 une République fédérale suite au référendum qui rattache la partie méridionale du Cameroun anglais au pays.
Ahidjo préside le Cameroun d’une main de fer jusqu’à sa démission pour raison de santé le 02 novembre 1982, ou il est remplacé par son successeur constitutionnel Paul Biya, toujours en poste en 2016.
Aujourd’hui, les tensions sont vives entre la population anglophone du nord-ouest et le gouvernement francophone, en témoigne les différents épisodes de violences qui ont émaillés ces derniers mois.