Opinions of Friday, 19 June 2015

Auteur: Jean-Bruno Tagne

Ce que Hollande vient faire au Cameroun

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L’information n’est pas encore officielle, mais elle le sera certainement dans les prochains jours : le président français, François Hollande effectuera une visite au Cameroun le mois prochain.

La date du 3 juillet est celle qui revient le plus dans les couloirs de la communication de l’ambassade de France au Cameroun. « Sauf changement de dernière minute », assure- t-on.

Des réunions se multiplient au plus haut sommet de l’Etat pour cette visite, sous la coordination du secrétaire général adjoint de la présidence de la République, Séraphin Fouda.

La visite de François Hollande est la première d’un chef d’Etat français au Cameroun depuis 16 ans. Le dernier dirigeant hexagonal à s’être rendu au Cameroun est Jacques Chirac.

C’était en juillet 1999. Une visite qui avait d’ailleurs été écourtée du fait du décès du roi Hassan II du Maroc. Depuis lors, Paul Biya s’est contenté de quelques seconds couteaux de la République française alors même que Sarkozy et Hollande ont plusieurs fois survolé le ciel camerounais pour se rendre au Gabon, au Tchad, en Rca, etc.

Rien ces dernières années ne laissait espérer une visite d’un chef d’Etat français au Cameroun. Surtout pas François Hollande. Lorsqu’il est porté à la présidence de la République en mai 2012, il annonce qu’il mettra fin à la « Françafrique ». En d’autres termes, qu’il améliorera la politique africaine de la France pour en finir avec le secret, le flou.

Certains dirigeants africains sont dans la ligne de mire. Paul Biya, pour ne citer que son exemple a au moins un handicap, vu de Paris : ses 33 ans passés au pouvoir.

Il est d’ailleurs présenté dans la presse française sous le titre peu flatteur de « doyen de la Françafrique ». Dès lors, il ne fait pas bon pour un président français, surtout de gauche, de s’afficher aux côtés d’un tel dirigeant. On se souvient de la réception glaciale de Paul Biya en janvier 2013 à l’Elysée.

Hollande avait accordé à son invité une molle poignée de main, n’acceptant que furtivement la traditionnelle photo sur le perron de la présidence française. Au moment de le raccompagner, le président français avait à peine mis le nez dehors, livrant Paul Biya au feu nourri de la presse française qui l’attendait dans la cour de l’Elysée.

Real politik et business

Que s’est-il donc passé entre janvier 2013 et juillet 2015 pour que le président français consente finalement à rendre visite à son homologue camerounais ? La visite d’Hollande intervient dans un contexte où la France semble avoir perdu pied au Cameroun.

Face aux oukases et aux humeurs françaises contre lui, Paul Biya, de manière tactique, depuis l’époque de Sarkozy, avait opéré une diversification des partenaires économiques de son pays. C’est ainsi qu’il a embrassé la Turquie, l’Inde, le Brésil et surtout la Chine.

Très peu regardant sur les questions de droits de l’homme ou de démocratie, l’Empire du milieu a remporté de juteux contrats au Cameroun : le port en eau profonde de Kribi, l’autoroute Yaoundé – Douala, le barrage de Memvele, etc. Des projets qui, jusqu’à une période récente, semblaient être la chasse-gardée de la France.

La realpolitik et le business ont visiblement eu raison des états d’âme des politiques français. C’est donc en VRP des entreprises de son pays que François Hollande se rend au Cameroun.

Exactement comme il l’a fait en Egypte et au Qatar pour aider l’industriel Dassault à vendre ses avions de combat de type Rafale. Le président français va certainement intercéder auprès de son homologue en faveur du groupe Bolloré pour la concession du terminal à conteneurs du port en eau profonde de Kribi.

La commission spéciale, mise en place dans les services du Premier ministre pour évaluer les offres des différentes sociétés intéressées par le port en eau profonde de Kribi a retenu deux autres sociétés en plus du groupe Bolloré. Il s’agit du Néerlandais Apm Terminals et du Philippin Ictsi. Le dossier est actuellement sur le bureau du président Paul Biya qui tranchera…

François Hollande va donc profiter de son séjour pour rattraper ce qui peut encore l’être. Mais la tâche ne s’annonce pas aisée, son prédécesseur, Nicolas Sarkozy lui ayant considérablement savonné la planche en fâchant Paul Biya.

Il sera certainement aussi question pendant cette visite du président français au Cameroun de la guerre contre Boko Haram et probablement du sentiment anti-français devenu grandissant dans l’opinion camerounaise.