Opinions of Friday, 10 July 2015

Auteur: Hubert Kamgang

Circulez, circulez… en ville camerounaise

Feature Feature

C’était un dimanche matin. Parfaitement reposé du voyage de la veille qui m’avait mené de ma planète lointaine jusqu’à Nsimalen (aéroport de Yaoundé) tout frais, guilleret, avide de découvertes, je m’aventurai en terre pour moi inconnue, flanqué de mon ange gardien, un habitué du lieu.

Dès le premier pas en bordure de rue, un bref coup de klaxon me fit sursauter tandis qu’un taxi jaune tout cabossé me frôlait, son chauffeur me fixant du regard. J’avais à peine esquissé un saut de côté, morfondu à l’idée d’avoir pu le gêner et déjà prêt à lui présenter des excuses, qu’un autre taxi me klaxonna, puis un autre et un autre encore. Compris : ici, l’avertisseur sonore n’est pas exclusivement réservé à la prévention d’un danger comme chez-moi, sous peine d’amende en cas d’usage intempestif, mais signale le passage d’un taxi tout disposé à vous embarquer. Et des taxis, il en passe des dizaines à la minute. Imaginez le concert…

- Moi : Quelle cohue ! Est-ce toujours comme ça ?

- Mon ange gardien : Non, non, on est dimanche matin, c’est très calme.
Taxi Cameroun:Camer.be

Parlons-en des taxis, puisqu’ils représentent le gros de la circulation. Tous jaunes, Toyota, incroyablement chiffonnés. Phares avant et arrière, rétroviseurs, pare-chocs, vitres, ailes et portières : cassés, fracassés. J’ai été étonné d’en voir autant avec le pare-brise enfoncé, comme s’ils avaient pris un éléphant de plein fouet.

- Moi : Il n’y a pas de contrôle technique ?

- Mon ange gardien : si, si…

Heureusement, certains affichent de sages maximes rassurantes peintes en lettres blanches sur le fond noir du pare-chocs, du genre « Dieu nous protège », « No fear », « Patience et longueur de temps… », traduisant ainsi l’état d’esprit du chauffeur, si bien qu’on sait à quel saint on se voue en embarquant.
Taxi cassé:camer.be

Et j’ai embarqué. Si. Très vite j’ai compris que le klaxon ne servait pas exclusivement à racoler le client mais aussi à se faufiler dans le flot des autos, motos, piétons (tiens, je n’ai pas vu de vélos !?). Pour ce qui est du code de la route, je crois avoir compris que c’est le premier qui klaxonne qui a priorité, mais je n’en suis pas sûr.

La traversée du marché Mokolo, je n’te dis pas ! Une fourmilière géante. Quand il y a place pour deux voitures, il y a place pour trois. Frotte frotte avec les marchands de rue transportant leurs étales sur la tête, les benskins, les autos, bus, camions…
Yaounde:camer.be

- Moi : Quel méli-mélo, quelle pagaille !

- Mon ange gardien : Oui, mais nous, ici, on avance, ce n’est pas comme vous dans les embouteillages du carrefour Léonard bien policé de Bruxelles où vous passez des heures à l’arrêt.

- Moi : … (bec cloué) ... (c’est bien vrai, ça !)

Contraste surprenant dans les beaux quartiers du côté de l’hôtel de ville : ici le trafic est fluide, le tarmac impeccable, et d’élégantes berlines côtoient de rutilants 4X4.

Contraste encore en nous rendant à un rendez-vous du côté du Parcours Vita : 400 mètre de piste en terre. Et comme il pleut parfois à verse, le chemin pentu se transforme en torrent provoquant d’impressionnantes ravines. C’en est trop pour notre auto qui y perd des morceaux, mais un mécano appelé d’urgence a eu tôt fait de nous rafistoler ça rapidement avec un tournevis et un marteau. Chapeau, car je sais qu’ici à Luxembourg, mon garagiste hyper équipé m’aurait poliment dit « elle sera prête pour demain… si on a les pièces » !

Ça, c’est mon ressenti en ce qui concerne la circulation à Yaoundé. Changement de décor et de style de conduite à Douala.
Ben Skin Douala:Camer.be

On est pris dans un océan de motos-taxis, les benskins, dont les plus cossus sont coiffés d’un parapluie aérodynamique ; toutes des machines chinoises heureusement relativement silencieuses. N’empêche, toutes mises ensemble, ça fait une sacrée symphonie. Trois, quatre, cinq personnes sur chacune, qui slaloment dans tous les sens. Affolant ! Et quand je dis dans tous les sens, c’est un euphémisme : sur les trottoirs, à contre sens, bref partout où il y a moyen de se faufiler. Bien appris, j’évite de réitérer mes remarques désobligeantes car je sais d’avance ce que mon ange gardien va rétorquer : « nous, on avance ».

Oui, on avance, malgré la cohue, les nids de poule (que dis-je, d’autruche !), les trous béants des caniveaux (que dis-je, des profonds avaloirs) à deux doigts de la bande de roulement et qui guettent sournoisement le chauffeur maladroit ou distrait ; on avance, même à cinq sur une moto, à sept dans une Starlette à la suspension fatiguée, on avance. Et, après-tout, c’est bien ça le principal, non ?