Dans son ouvrage « Hollande l’Africain », Christophe Boisbouvier montre que le changement de politique africaine de la France annoncé par François Hollande n’a pas eu lieu.
Qu’est-ce qu’il a d’Africain, l’Hollande ? serait-on tenté de se demander au regard du titre du livre de Christophe Boisbouvier intitulé « Hollande l’Africain » paru en octobre 2015 à La Découverte. C’est que le journaliste, connu pour ses percutantes interviews matinales sur Rfi a simplement voulu au travers de cet ouvrage de 335 pages questionner la politique africaine du président français. Le point de départ étant les tonitruantes déclarations de l’alors candidat à la présidentielle :
« Je romprai avec la Françafrique », « La France répudiera sans regret les miasmes de ce qu’on appelle la Françafrique, qui n’est que l’autre nom de l’humiliation des Africains, de la prévarication et de la corruption politique », « Je n’accepterai pas des élections qui auraient été frauduleuses, où que ce soit », « Présider la République, c'est ne pas inviter les dictateurs en grand appareil à Paris », etc.
15 mai 2012. François Hollande prend officiellement ses fonctions à l’Elysée. Le maçon est au pied du mur. On peut désormais le juger. Durant la campagne, l’ancien premier secrétaire du Parti socialiste est – au moins par défaut – le candidat de bien des Africains. Il a en effet face à lui, un certain Nicolas Sarkozy dont le quinquennat aura finalement été celui de la « Françafrique décomplexée », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Samuel Foutoyet paru en 2009. Sous Sarkozy, les émissaires de l’ombre trouvaient portes ouvertes à l’Elysée, les mallettes d’argent circulaient entre les palais présidentiels d’Afrique et l’Elysée et le président français s’était transformé en Vrp pour les entreprises hexagonales à la recherche de marchés juteux sur le continent.
Hollande jouit donc de préjugés favorables lorsqu’il arrive au pouvoir. On ne lui connait pas un tropisme particulier pour l’Afrique, ni de réseaux occultes. Son discours volontariste sur le changement d’orientation de la politique africaine de la France semble séduire. On se prend à rêver vraiment de la fin de la Françafrique. Mais, très vite, François Hollande est rattrapé par les exigences de la Realpolitik. Le sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) pointe à l’horizon.
Il se tiendra à Kinshasa. Le président de Rdpc, Joseph Kabila n’est pas un modèle en matière de démocratie et des droits de l’homme. Il y a dans les tiroirs glauques de son régime, les cadavres des militants des droits de l’homme, Floribert Chebeya et Fidèle Bazana. Pour François Hollande, écrit Christophe Boisbouvier, il est hors de question de se rendre en Rdc.
Mais en juillet 2012, le secrétaire général de l’Oif, Abdou Diouf tente de le convaincre. « Si vous n’allez pas à Kinshasa, ce sera la mort de la Francophonie », lui dit l’ancien président sénégalais. Le funambule Hollande décide de se rendre à Kinshasa. Mais pour ne pas perdre totalement la face et entrer en totale contradiction avec ses déclarations pendant la campagne électorale, sa première destination africaine en tant que président de la République ne sera pas la Rdc, mais le Sénégal de Macky Sall, un modèle d’alternance. Une fois au Congo, il affiche la plus grande froideur devant Joseph Kabila et comme pour lui tirer la langue, reçoit longuement les familles de Chebeya et Bazana.
Businesse contre démocratie et droits de l’homme
Le Tchadien Idris Déby fulmine. Il fait partie des « infréquentables ». Mais l’opération Serval lui offre une belle opportunité de se remettre en selle. Le nord du Mali est envahi par des terroristes. La France hésite à intervenir. Hollande consent enfin à envoyer des soldats dans le nord Mali à la suite d’un appel téléphonique bouleversant du président de la transition malienne, Dioncounda Traoré : « Monsieur le président, il faut intervenir demain matin ou, sinon, l’ensemble du pays sera aux mains des terroristes, et je serai mort », rapporte Boisbouvier.
L’opération Serval avec le soutien décisif des soldats tchadiens permet de libérer (pour un temps) le nord du Mali. « Papa Hollande » exulte. Deby aussi. Les deux hommes ne se quittent plus. Qu’importent les 25 ans déjà passés au pouvoir au Tchad ou la disparition dans des conditions troubles de l’opposant Ibni Oumar Mahamat Saleh…
« Hollande l’Africain » de Christophe Boisbouvier est un livre bien renseigné. Il montre que la Françafrique a encore de beaux jours devant elle. On a certes dépassé l’époque des caricatures comme l’opération Barracuda, le saut des parachutistes français sur Kolwezi, ou encore l’époque des Foccart et autres Bob Denard, mais la réalité reste implacable avec quelques survivances : le franc Cfa, les bases militaires françaises en Afrique, etc.
Le business de la France en Afrique est visiblement plus important que la démocratie, l’alternance, la lutte contre la corruption, les droits de l’homme, etc. Et ce n’est pas François Hollande qui changera cette réalité. Son dernier parjure en date est le soutien à Denis Sassou Nguesso lors du referendum constitutionnel de la semaine dernière au Congo.
Or, il est le portrait achevé de ce que Hollande prétendait combattre : battu aux élections en 1992 il revient au pouvoir en 1997 grâce aux armes françaises. Il réussit à s’y maintenir avec des élections peu fiables. Sa gouvernance n’est pas un modèle de transparence, en témoigne le scandale des biens mal acquis dans lequel son clan et lui sont empêtrés.
Sassou Nguesso totalise déjà 31 ans à la tête de l’Etat congolais et n’est pas prêt à passer la main.