Opinions of Thursday, 5 January 2017

Auteur: Pierre Nka

Comment Paul Biya compte ses emplois créés?

Paul Biya Paul Biya

Le président de la République a annoncé la création de 320 000 emplois en 2016. Dans un doute général au sein de l’opinion publique. Le Quotidien de l’économie a analysé la base de calcul de ces emplois.

Le marché de l’emploi est un marché invisible pour plus d’un citoyen au Cameroun. En l’absence d’une institution moderne capable de centraliser les offres d’emplois disponibles et les différents recrutements, le chiffre de 320 000 emplois créés en 2016, selon Paul Biya, aiguise les commentaires. Et pourtant, au sein du gouvernement, notamment au ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle (Minefop), les cadres affirment sous anonymat que le chiffre donné par le gouvernement est en deçà de la réalité du marché de l’emploi.

En effet, ces responsables  confessent une incapacité du gouvernement à recenser tous les emplois créés sur l’étendue du territoire national. En annonçant d’ailleurs le chiffre de 320 000, Paul Biya a aussi extrapolé, puisque les documents de ses services techniques déposés sur sa table montrent que le Cameroun a créé exactement 318 398 emplois nouveaux au 31 octobre 2016. Selon  la pratique, ce recensement, placé sous la coordination du Minefop, suit un processus qui commence au niveau de chaque département avant toute agrégation au niveau régional pour acheminement au niveau national. Il est procédé à une identification de tout emploi créé, que ce soit dans le cadre du Budget d’investissement public et dans le secteur privé structuré.

Une estimation dans la région du Sud-ouest montre par exemple le nombre d’emplois créés de janvier à juin 2016. Etabli par le délégué régional du Minefop, la fiche synthétique montre que le BIP 2016 a permis la création de 1 123 emplois dans le département du Fako, 1 316 emplois recensés dans le département de la Manyu, 522 dans la Mémé, 800 dans le Lebialem, 350 dans le Kupé Muanenguba et 258 dans le département du Ndian.

Dans la même région du Sud-ouest, au cours du premier semestre 2016, les statistiques de l’Etat montrent que 750 emplois nouveaux sont issus du secteur privé. Dans le détail, les entreprises installées dans le Fako ont permis la création de 387 emplois, 282 dans la Manyu, 51 dans le Ndian, 17 dans le Lebialem, 10 dans le Kupé Muanenguba et seulement trois emplois créés par le secteur privé dans le département de la Mémé.

Le secteur informel exclu des statistiques de l’Etat

Selon les informations tirées à bonne source au sein du Minefop, dans la pratique, il faut exclure tout ce qui constitue le secteur informel et issu de l’auto-emploi. Idem pour les occupations générées dans les exploitations agropastorales non structurées. Est considéré dans la  nomenclature du Minefop, tout emploi occasionnel d’une durée de 15 jours. Il faut aussi ajouter les emplois temporaires de trois mois, les emplois saisonniers d’une durée de six mois. C’est dans ce sens que dans les statistiques du Minefop, l’on retrouve les données issues de « l’état des insertions dans les chantiers des CAN 2016 et 2019 ».

Au premier trimestre 2016, l’on notait 1 679 emplois.  Dans le détail, le délégué régional de la région du Centre indique 1369 manoeuvres dont 1229 hommes et 140 femmes. Dans les neuf entreprises et autres sous-traitants impliqués dans les chantiers de la CAN 2016 à Yaoundé, l’on a enregistré 254 agents de maîtrise : 209 hommes et 45 femmes. Dans la catégorie de cadres, il y eu un recrutement de 56 cadres dont 46 hommes et 10 femmes. Il est à relever que ce niveau de recrutement est le fruit de la pression du comité d’organisation de la CAN 2016 et du gouvernement sur les maîtres d’ouvrages qui accusaient du retard dans la livraison des travaux.

Les statistiques de l’Etat englobent aussi les recrutements dans les administrations publiques. Ainsi 130 fonctionnaires par exemple ont été recrutés dans la région de l’Adamaoua. S’il s’agit généralement des récipiendaires des grandes écoles du pays, il faut intégrer les personnels d’appui constitués de gardiens, ménagères, etc., qui sont recrutés sous l’autorité du préfet après sollicitation des administrations déconcentrées.

Ce personnel d’appui est pris en solde tous les six mois par l’envoi d’un « carton » ou encore, il est directement géré par les responsables des structures déconcentrées de l’Etat. D’autres chiffres produits intègres les données du Fonds national de l’emploi (FNE). C’est pourquoi dans la région de l’Ouest par exemple, un délégué départemental du Minefop a fait une compilation qui informe que 18 182 emplois ont été créés lorsqu’on considère les données des ministères sectoriels, les entreprises de travail temporaire et offices privés de placement, les secteurs agropastoraux structurés et les emplois identifiés sous l’encadrement du FNE.