Je suis un jeune Eton né à Evodoula et j’habite à Douala. Je suis allé à Bafoussam et je ne le vois plus de la même manière. J’ai eu la chance de participer à une mission d’enquête organisée par une Organisation internationale pour séjourner pour ma première fois à l’Ouest. J’ai décidé de rédiger ce texte parce que je me suis rendu compte que l’absence de contacts entre les peuples nous poussait souvent à se haïr gratuitement. Je pars de Douala avec beaucoup de préjugés sur les Bamiléké et j’y retourne avec beaucoup d’idées positives. Mon enquête portait sur la gouvernance locale et j’ai donc pu rencontrer beaucoup de personnalités locales. J’ai pu constater que ce qu’on nous vendait dans les médias et dans certaines officines n’était pas toujours vrai. Voici trois illustrations :
1. On nous parle toujours de l’Ouest des milliardaires. D’accord ! Mais, qui pouvait imaginer que la Communauté urbaine de Bafoussam était la plus pauvre du Cameroun ? Son compte administratif est de moins de 2 milliards de francs CFA alors que celle de Douala est de 60 milliards, soit plus de 30 fois ! Qui pouvait y croire ? J’ai compris que les milliardaires Bamiléké ne paient pas leurs impôts à Bafoussam ! Et j’ai réalisé qu’effectivement, il n’y avait pas d’exploitants miniers ou forestiers à l’Ouest pour faire exploser le compte des communes ! Nous vivons souvent dans le mirage ethnique alors que les réalités sont là ! Franchement, après mon enquête, j’ai compris qu’on tire sur Bafoussam pour rien. On a beau dit qu’il n’y a pas de routes à Bafoussam mais, je me suis demandé avec quel argent on pouvait construire ces routes ! J’ai compris que si les ministères des travaux publics ou de l’urbanisme ne venaient pas en appui, alors il n’y aurait pas beaucoup de routes avec ce budget là ! Vivement le C2D qui va construire 20 km de route ! A ce sujet, j’ai bien apprécié la méthode de gouvernance locale qui est participative. Ce sont les citoyens à travers plusieurs consultations locales qui ont choisi quels tronçons ils voulaient voir goudronner ! C’est tout ce qu’on demande ! Lorsque j’apprends qu’en 2009, Bafoussam n’avait que 300 millions de FCFA, alors je tire un coup de chapeau à Monsieur NZETE Emmanuel, Délégué du Gouvernement.
Car, d’après mes notes, il a pu redresser les comptes, payer les dettes et assurer la sécurisation des finances à travers l’accroissement des recettes au point où Bafoussam fait partie des bons élèves au Cameroun en matière de gouvernance locale. Bravo ! En outre comparé à d’autres grandes villes du Cameroun, on note une nette amélioration dans l’hygiène et la salubrité publique, l’aménagement des dessertes des voies principales, l’aménagement des marchés, la construction des infrastructures dans l’adduction en eau potable, l’éclairage public, etc. On cite aussi l’acquisition de matériels et engins roulants, etc. Franchement, ce n’est pas rien avec peu de moyens. Ma conviction est que si Bafoussam avait les moyens de Douala, alors on verrait un vrai changement.
2. Le tribalisme existe aussi entre Bamilékés. J’étais bien loin de me l’imaginer. Lorsque vous parlez à certains élus locaux et autres responsables, qu’ils soient du RDPC ou du SDF, ils vous disent qu’ils n’aiment pas Nzété. Mais, Bafoussam fait partie des villes les mieux gérées du Cameroun ! Ils ne veulent rien entendre. Nzété est mauvais, c’est tout ! Sur quelle base ? Rien ! Et je ne comprends pas, moi qui dois rester objectif dans ma collecte des données. Comment pouvais-je expliquer ces réponses ? Comment pouvait-on même au sein du RDPC méconnaître les efforts de gouvernance à Bafoussam que je mesure sur la base d’une grille et des critères objectifs ? Je vous donne un exemple. Monsieur Nzété est peut-être le seul Délégué du gouvernement au Cameroun qui n’a pas d’Adjoints. Ce sont les mystères de notre pays. Mais, passons ! Je ne veux pas parler de politique ! Le type bosse seul alors que chaque maire a six adjoints à Bafoussam. Je me trouve obligé d’être admiratif face à un homme d’environ 70 ans qui doit être tout seul à tous les fronts, même dans les célébrations de mariages ! Personne pour l’aider ! Et il produit le résultat. Bravo ! Dans la gouvernance locale, vous retrouvez des communes et communautés urbaines où des maires ou Délégués ne sont jamais là ! Rarement vous trouvez un homme qui est à son bureau tous les jours aux environs de 7 heures ! Non, il n’y a pas match ! Souvent, il ne faut pas suivre ce que les gens racontent. Il faut s’en rendre compte soi-même. On peut ne pas aimer le RDPC. On peut même ne pas aimer le Cameroun mais, il y a encore des gens bien dans ce pays. Et c’est de cela que je parle. J’ai appris plus tard qu’en fait, les gens qui se plaignent sont principalement de la Mifi et ne digèrent pas que le Délégué du gouvernement de Bafoussam vienne des Hauts-Plateaux. Or avant, je prenais Bafoussam pour tout l’Ouest alors que ce n’est pas le cas. J’ai appris que les milliardaires dont on parle même trop comme Fotso et Kadji ne sont pas de la Mifi et n’investissent donc pas dans la Mifi ! Sur ce plan, Monsieur Nzété est même plutôt à féliciter parce qu’il a laissé son Batié natal pour aller investir à Bafoussam où il devrait jouir librement de tous ses droits civiques et politiques. Cela correspond mieux à l’idée de citoyen que nous développons aujourd’hui dans la gouvernance locale.
3. Les Bamilékés sont finalement comme tous les Camerounais avec leurs spécificités ! En trois jours passés à Bafoussam, je ne me suis pas senti froissé. J’ai mangé le bouillon de chèvre dans un restaurant en contrebas de Talotel. J’ai dit que j’étais Beti et on m’a bien servi ! On m’a même conseillé de revenir manger le macabo râpé le lendemain et j’étais bien ravi. J’ai pu remarquer les efforts déployés en matière de gouvernance locale pour améliorer l’hospitalité envers les étrangers en prélude de la CAN 2019. Le Délégué tenait régulièrement des réunions avec les chefs de quartiers pour les informer et les sensibiliser sur les sujets d’actualité. Pas mal cette plateforme de concertation permanente ! C’est aussi la notion de transparence locale ! Pendant mon séjour, j’ai été marqué positivement. On m’a moins trompé qu’à Douala. Même pas les moto-taximen ! J’ai appris que près de
1000 moto-taximen sont des professionnels titulaires de permis A et qu’ils ont suivi des cours de conduite payés par la Communauté urbaine dans le cadre de la lutte contre l’incivisme urbain. J’ai appris que ce millier de personnes formées étaient des relais auprès des autres moto-taximen qu’ils encourageaient à aller se faire former eux-aussi. J’ai appris que le Délégué du gouvernement offrait comme mesure incitative à ces moto-taximen la célébration de leur mariage en personne. Quel honneur ! Environ 700 d’entre eux se sont déjà mariés et sont donc par conséquent plus responsables ! Bien vu monsieur le Délégué ! Je me dis que c’est un exemple à suivre dans toutes les autres villes du Cameroun. Imaginez-vous Douala avec des moto-taximen bien formés et responsables ! Ce serait un réel bonheur !
J’ai pu témoigner à Bafoussam comment une ville pouvait évoluer lorsqu’on ne nomme pas des gens affamés à la tête des institutions. Pour la première fois de ma vie, j’ai vu la feuille d’impôts d’un milliardaire, un vrai, ce qui ne court pas les rues ! J’ai tenu à écrire ce petit message aux Camerounais pour dire qu’il ne sert à rien de juger autrui simplement sur la base des préjugés avec lesquels nous avons grandis. Je ne demande pas à autrui d’être comme moi. J’ai compris qu’il faut vivre avec lui pour mieux le comprendre. Nous avons la fâcheuse habitude d’expliquer nos désaccords simplement par des différences ethniques. Mon expérience depuis que je bosse dans la gouvernance locale est qu’on se sent nettement plus à l’aise lorsqu’on raisonne moins en termes d’ethnies. C’est ce que je voulais partager