Opinions of Sunday, 31 January 2016

Auteur: fr.allafrica.com

Constitution : Et si Paul Biya s'inspirait de Macky Sall

La Constitution du Cameroun, dans son esprit actuel ne permettra presque pas, une alternance politique à la tête du Cameroun.

Au moment où des voix partisanes s'élèvent pour lancer des appels qui demandent à l'actuel président du Cameroun, presque âgé de 83 ans, comme né le 13 février 1933 de se représenter en... 2018, Paul Biya qui est presque assuré de rempiler à encore l'occasion de sauver la démocratie au Cameroun en engageant une réforme constitutionnelle qui, comme au Sénégal réduirait le mandat présidentiel à 5 ans et sera limité à deux. Cela lui permettra enfin d'entrer véritablement dans l'histoire du Cameroun. Seulement, le président a-t-il encore les coudées franches à ce propos ? Décryptages.

Dans les prochains mois, la Constitution du Sénégal va être reformée. Le président Macky Sall, qui de plus en plus fait partie des hommes d'Etat africains, désormais à la fois très respecté et très écouté dans le monde aujourd'hui, tient à donner à la loi fondamentale de son pays un accent de modernité. Il est ainsi question d'arrimer les dispositions de la Constitution du Sénégal relatives au mandat présidentiel aux convictions démocratiques aujourd'hui partagées par beaucoup de nations du monde.

Concrètement, le président Macky Sall, soutenu par presque la totalité de la classe politique sénégalaise, tout comme la société civile du pays de la Terranga, veut ramener le mandat présidentiel à 5 ans, au lieu de 7 ans, comme actuellement institué dans la Loi fondamentale du pays du vénérable président Léopold Sédar Senghor. De plus, le mandat présidentiel au Sénégal qui n'est point limité sera réduit à deux mandats pour chaque élu à la magistrature suprême de ce pays.

Le débat citoyen sur cette question est pratiquement déjà tranché au Sénégal. Le président Macky Sall, quatrième président de la République du Sénégal qui comme le Cameroun est aujourd'hui à sa 56ème année d'indépendance, a pris le temps d'écouter son peuple. Le Sénégal comme tous les pays qui aspirent à être émergent dans les futures décennies, a besoin des institutions non seulement fortes et modernes, mais aussi d'une Loi fondamentale impersonnelle, qui évolue et qui s'adapte au temps.

La genèse de cette révision constitutionnelle sénégalaise, enseigne que le président Macky Sall, qui tient à imprimer sa marque dans l'histoire de son pays, a voulu faire en sorte qu'en ramenant le mandant présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois, d'autres générations qui ont d'autres visions et d'autres projets pour le Sénégal puissent arriver au pouvoir et faire évoluer le pays vers des destins renouvelés.

Cela se désigne dans le langage de science politique, par « être l'homme qui a initié la modernisation des institutions fondamentales de son pays ». Macky Sall aurait bien pu écouter les élans logiquement humains des caciques de sa famille politique qui, comme dans beaucoup de pays non seulement africains, souhaiteraient qu'une génération conserve les rênes du pouvoir, au détriment des aspirations de ce que les sociologues politiques appellent « la mémoire collective».

Mais l'homme qui a pris le soin de s'émanciper de son mentor du Parti démocratique sénégalais (Pds), Me Abdoulaye Wade, dont il a été le Premier ministre, et qu'il a par la suite vaincu à une élection présidentielle au Sénégal, tient à entrer dans l'histoire de son pays en dotant à celui-ci d'une Constitution qui restitue au président de la République, dans un système démocratique, l'essence de cet homme d'Etat, qui est tout juste de passage au pouvoir ; sachant évidement que, « les hommes passent, mais le pays reste », pour paraphraser une pensée d'un politologue contemporain.

Et en cela, contrairement à ce qui s'est passé ou qui se passe actuellement dans les pays tels que le Burundi, le Rwanda, ou qui risque de se passer (sauf changement) en République démocratique du Congo, l'exemple du Sénégal de Macky Sall peut, ou alors doit, instruire beaucoup de dirigeants actuels des pays du continent africain.

Moderniser le Cameroun...

Justement, le cas du Cameroun, notre cher et beau pays, dont nous sommes tous fiers, au-delà de nos divergences de convictions, tend à susciter une méditation citoyenne. Paul Biya, notre président qui caracole au sommet de l'Etat depuis le début des années 60, est au pouvoir depuis 34 ans. Dans moins d'un mois, il fêtera, si la grâce de Dieu le lui permet, ses 83 ans.

Un âge qui fait désormais de « L'homme du 6 novembre 1982 », un des patriarches au pouvoir non seulement en Afrique, mais également dans le monde. Et à ce propos, il faut se rappeler que la prochaine élection présidentielle aura lieu au Cameroun dans à peu près 21 mois. Déjà, des voix s'élèvent dans le camp de l'actuel président du Cameroun pour lui demander d'être à nouveau candidat.

Si l'élection présidentielle a lieu à la date prévue, Paul Biya aura dépassé les 86 ans de vie terrestre. En 2008, ce qui est considéré comme une « tragédie politique pour le Cameroun», par les adversaires et les pourfendeurs de Paul Biya avait fini par se produire, comme le redoutaient certains observateurs de la scène politique au pays de Ruben Um Nyobè. La Constitution du 18 janvier 1996, dont certains viennent récemment de se rappeler du 20ème anniversaire, avait été modifiée. L'article portant sur la limitation du mandant présidentiel à deux, a été troqué en non-limitation du mandant présidentiel.

Le parti majoritaire, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc) qui avait porté ce projet à l'Assemblée nationale parlait alors du caractère anti-démocratique de cette Constitution qui limitait le mandat présidentiel, en évoquant la souveraineté du peuple camerounais à choisir qui il veut, comme il veut, et quand il veut, selon l'esprit du droit positif camerounais. C'est ce qui avait permis à Paul Biya de se représenter en 2011, et de reprendre par la suite pour 7 ans encore le fauteuil présidentiel.

En se libérant des caciques opportunistes

Il se trouve malheureusement que dans ce monde à la fois contemporain et moderne d'aujourd'hui, fortement influencé par la vision politique occidentale, qui du reste inspire beaucoup de nos pays, un président qui totalise autant d'années au pouvoir tel que Paul Biya, est forcément perçu comme un dictateur.

Même si chez nous, on peut se prévaloir publiquement du fait que « ne dure pas au pouvoir qui veut, mais qui peut », et que celui qui gouverne peut traiter ses compatriotes qui contestent l'ordre établi et s'insurgent contre les égoïsmes pouvoiristes ambiants « d'apprentis sorciers », Paul Biya qui, par son âge, compte dorénavant parmi les « sages » africains, a encore la chance d'inscrire positivement son nom dans l'histoire de son pays, le Cameroun.

Notamment en n'ayant de fait, aucune honte à s'inspirer de ce qu'est en train d'entreprendre et réussir en ce moment le président Macky Sall au Sénégal. C'est-à-dire envisager très rapidement une révision constitutionnelle au Cameroun qui portera sur le retour à un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une seule fois. Pour donner ainsi à d'autres générations la chance historique d'arriver au pouvoir.

Des sources généralement bien informées indiquent que Paul Biya, conscient qu'il peut être «un homme de passage », comme tous les humains, pourrait être amené à accepter que ce débat s'ouvre dans le landernau politique camerounais. Certes, ceux qui s'agitent en ce moment pour une nouvelle candidature de Paul Biya pour 2018, semblent motivés par des intérêts opportunistes de conservation de prébendes.

Beaucoup parmi ceux qui appellent au repositionnement prochain de Paul Biya, ont nécessairement besoin du pouvoir en place, non pas soit disant pour « conserver la paix au Cameroun » comme cela se dit, mais davantage pour sécuriser leurs acquis et autres privilèges sociaux politiques conquis sous Paul Biya. Et cela, Paul Biya qui est loin d'être naïf le sait très bien.

Des sources bien introduites, indiquent, à tort ou à raison, qu'il pourrait être envisagé une révision constitutionnelle qui interviendrait après une élection présidentielle anticipée probable en octobre 2016, et qui verra une réélection pour 7 ans de Paul Biya.

Une fois réélu, Paul Biya qui sait que du fait de son âge, le temps d'une «retraite légitime» peut lui être désormais compté, envisagerait alors une révision de la Constitution du Cameroun qui respectivement, ramènerait le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une fois, et introduirait le poste de vice-président élu au même suffrage universel que le président de la République.