Le chef de l'Etat camerounais en visite officielle en France le 24 juillet 2009,au pavillon Dauphine- Paris, avait pour mémoire reçu quelques Camerounais de la diaspora invités au cours d'un dîner. Plusieurs invités en ont profité à l'époque pour déplorer le fait que le code de nationalité du Cameroun n'autorise pas la double nationalité. Le chef de l'Etat camerounais leur avait promis que le sujet sera examiné à l'assemblée nationale dès son retour au Cameroun.
Lors de la dernière session de cette assemblée en 2009, rien n’a filtré le sujet concerné pourtant tous les 180 élus avaient reçu les propositions faites par un élu du Sdf( Social democratic front). Nous sommes en 2015, toujours rien. A l'assemblée nationale du Cameroun, on n'en parle plus... Les Camerounais naturalisés de l'extérieur appartiennent à un ou d'autres pays. Demeurant à l'extérieur, ils seraient perçus comme les ''autres'' qui attireraient une méfiance redoublée de la part des pouvoirs publics camerounais et qui résulterait du fait que la majorité diasporique camerounaise est issue du phénomène migratoire mondial impliquant les pays du Sud à ceux du Nord.
Il fallait à l'époque isoler les opposants au régime et exilés à l'étranger
Il faut se rappeler en effet dans quelles circonstances cette loi est intervenue. Le régime Ahidjo faisait face à la rébellion upéciste soutenue, dans le contexte de la guerre froide par le bloc de l’Est : Union soviétique, Chine, Europe orientale. Se rendre à l’étranger constituait un chemin de croix pour le Camerounais qui devait obtenir un visa de sortie.
Du coup, les Camerounais de l’étranger, accusés de sympathie communiste, étaient soupçonnés de collaboration avec l’ennemi. Cette haine du migrant camerounais était telle que le fameux article 31 stipulait en son alinéa 3 que “ celui qui, remplissant un emploi dans un service public d’un organisme international ou étranger, le conserve, nonobstant l’injonction de le résigner faite par le gouvernement camerounais ”, perd la nationalité camerounaise. Bigre ! Mondialisation oblige, cette posture défensive devient intenable, inimaginable. (1)
Pour Monsieur Olinga, le blocus de la double nationalité au Cameroun trouverait également sa source dans le fait que la diaspora dans sa majorité est souvent constituée des citoyens partis de leur pays à cause des frustrations diverses. Ainsi, tout membre de la diaspora camerounaise représenterait un élément "dangereux" pour le pouvoir en place conclu t-il
« Certes, le régime Biya, qui malgré la dynamique de libération de l’espace sociopolitique du début des années 90 a conservé ainsi quelques lois scélérates, toujours utiles pour contrer des adversaires politiques, ou reprendre de la main gauche ce qui est donné de la main droite, peut être tenté de maintenir en vie une loi dont l’abrogation “ par désuétude ”, selon le mot de Guy Carcassonne, s’impose à tous les analystes !
Feu Mongo Beti n’avait-il pas été privé d’élection sous le prétexte qu’il était Français, alors que Monsieur Hogbé Nlend qui avait servi lui aussi comme fonctionnaire français, pouvait devenir membre du gouvernement !
Fort heureusement, il nous revient que dans le Code de la Famille en cours de préparation, une disposition règle la question de la double nationalité en prévoyant que le Camerounais ne perd sa nationalité que s’il en formule expressément la demande écrite. Mais quand est-ce que ce Code de la Famille entrera en vigueur ? Devrons-nous encore attendre trois décennies comme dans le cas du Code de procédure pénale ? Pourquoi la toute prochaine session de l’Assemblée nationale ne serait-elle pas saisie de la question ?(1 bis)
Selon la Loi n°68-LF-3 du 11 Juin 1968 portant code de nationalité camerounaise , ne sont plus considérés comme étant nationaux, tous les Camerounais majeurs ayant acquis et conservant volontairement une nationalité étrangère ; tous les Camerounais exerçant la faculté de répudier la qualité de Camerounais, conformément au « Code » ; ceux qui, remplissant un emploi dans un service public d'un organisme international ou étranger, le conservent nonobstant l'injonction de le résigner faite par le gouvernement camerounais.
De toute évidence, les pouvoirs publics camerounais n'admettent pas le principe de double nationalité. Ceci pose un problème aux membres de la diaspora, qui, du fait de la durée de leur séjour à l'étranger, peuvent avoir acquis une nationalité étrangère. Loin d'être, à partir de ce moment, considéré comme des Camerounais, leur droit à une certaine ingérence dans la vie politique de leur pays d'origine, est remis ou peut être remis en cause par les autorités camerounaises.
L'article 33 stipule que " Dans tous les cas précédents, le ressortissant camerounais qui perd sa nationalité est libéré de son allégeance à l’égard du Cameroun".
Mais la question ridicule que nous nous posons est celle de savoir comment se fait-il que le Cameroun, ne reconnaisse pas la double nationalité quand par exemple presque tous les joueurs de l'équipe nationale du Cameroun (Lions Indomptables) ont une double nationalité. Stephane Mbia(Camerounais et Français), Makoun Jean II(Camerounais et Français) etc ?
La double nationalité ou la bi-nationalité, est le produit objectif de mutations économiques et culturelles s’opérant à l’échelle du monde. La circulation des hommes, des produits et des idées, la grande mobilité sociale et professionnelle, l’installation massive et durable de populations étrangères issues d’aires géographiques et culturelles différentes, en particulier dans les pays de l’Europe occidentale, sont autant de facteurs et de motifs qui favorisent le phénomène et le rendent incontournable.
Des pays comme le Canada ont fait évoluer le code de nationalité pour l’adapter à cette exigence des faits. Avant la Loi sur la citoyenneté du 15 février 1977, la législation canadienne limitait la double citoyenneté. Depuis cette date, la loi canadienne, tout comme les lois de quelques autres pays, permet la double citoyenneté.
Autre exemple, La France “ considère le double national en tant que ressortissant titulaire de l’ensemble des droits et obligations attachés à la nationalité française ”. Plus largement, un citoyen français est automatiquement citoyen de l’Union Européenne (UE). Il peut circuler, séjourner et travailler librement dans tous les Etats de cette Union. Il peut être de ce fait, candidat et électeur aux élections européennes et électeurs aux élections municipales ou communales dans tout pays de l’Union.(3)
Refus de la double nationalité fruits d’un obscurantisme des temps anciens.
Chez nous, le préjudice pour les investissements potentiels des camerounais de la diaspora sont énormes. A côté de cela, il faut savoir que tous les pays fortement développés, y compris la Chine conservatrice, ont compté et comptent sur les nationaux pluridimensionnels.
Selon les chiffres récents de la banque mondiale, près de cent mille coréens du sud et près de cinquante mille chinois étudient aux Etats Unis. La moitié au moins de ces étudiants portent la double nationalité et naviguent sans problème entre leur pays d'origine et leur pays d'adoption.
Les Etats Unis sont l'exemple vivant, avec plus de 20% de la population dans ce cas. Les exemples sont légion, et le refus de la double nationalité aujourd'hui est un obscurantisme des temps anciens.
Plusieurs organisations des camerounais aussi bien de l’intérieure que de la diaspora ont toujours suggéré au législateur camerounais de mettre sur pied un dispositif juridique favorable à ce concept de la double nationalité.
Le COMICODI en a fait une question fondamentale voire primordiale dans ses actions et sa relation d'interpellation avec le gouvernement. Cette même organisation à même incité et encouragé certaines missions diplomatiques à conseiller positivement le gouvernement dans ce sens.
Nous avons vu en 2003, un vaste mouvement mis sur pied en France à l'instar de l'Union pour la diaspora active, Action citoyenne etc. regrouper des personnalités camerounaises de tous bords et qui s'étaient illustrées par leur objectivité dans l’analyse de la question. Idem pour certaines sections du parti au pouvoir qui ont souhaité il ya exactement un an que les pouvoirs publics camerounais puissent intégrer le concept de la double nationalité dans la loi camerounaise.
Le ministre des Relations extérieures se devait de s’exprimer sur la question du droit de vote des Camerounais de l’étranger et de la question de la double nationalité lors de la dernière session ordinaire de l'assemblée nationale du Cameroun. Rien n'a été fait.
En dépit de toute la kyrielle de promesses auxquelles nous sommes déjà habitués de nos dirigeants. L'on continue à attendre.
Que dire des enfants nés d’un parent ou des parents camerounais vivant à l’étranger ?
Cette situation nous amène aussi à nous poser des questions au sujet de la nationalité des enfants nés et qui grandissent à l'étranger. Leur refuser le statut de Camerounais, c'est contribuer à les éloigner de leur mère patrie, surtout que le sol sur lequel ils sont nés leur accorde sans gène la nationalité.
Certains pays africains ont compris la nécessité et ont même adopté cette notion de double nationalité. Ce qui est louable avec pour corollaires des retombées positives qui pourraient servir d'exemple au Cameroun. Depuis le 1er mai dernier, le visa d'entrée est supprimé pour ses ressortissants étrangers. Depuis le 21 juillet 2014. «Le gouvernement a décidé d’exempter de visa d’entrée et de sortie les Togolais détenteurs de passeport étranger, à l’exception de ceux ayant légalement renoncé à leur nationalité togolaise d’origine». Idem pour le Nigeria, l'Afrique du Sud etc.