Opinions of Sunday, 4 March 2018

Auteur: Michael Fogaing

Crise anglophone: à quand la convocation du dialogue inclusif avec Ayuk Tabe?

Paul Biya et Sisiku Ayuk Tabe Paul Biya et Sisiku Ayuk Tabe

Voici bientôt quinze mois, jour pour jour, que dure cette crise sanglante dans la partie Anglophone du Cameroun. Elle a pourtant débuté au mois de novembre 2016 comme une ordinaire manifestation corporatiste des avocats et des enseignants de cet ancien état fédéré qui a existé dans le défunt système fédéral du pays, de 1961 à 1972, appelé alors Cameroun occidental (provinces du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun actuel).

Les avocats et enseignants Anglophones en grève ne demandaient que l’utilisation de leur langue d’usage héritée de la colonisation britannique, l’anglais, dans leur corps de métier respectif et la fin de la francophonisation progressive et d’apparence programmée de cette région Anglophone du pays.

Ailleurs dans le monde, une telle doléance syndicale aurait été réglée en quelques semaines sans grande casse, par une concertation entre les syndicats respectifs et l’employeur qui, dans ce cas d’espèce, est l’État du Cameroun.

Au lieu de procéder par la négociation et la concertation entre les parties prenantes comme il se fait partout dans le monde pour un cas de grève corporatiste, l’État camerounais et son Président de la République, Paul Biya, ont préféré procéder par le déni, la violence et l’intimidation comme seules réponses à ces grèves syndicales pourtant légales au sens de la constitution et au sens de la réglementation qui régit les normes du travail au Cameroun.

En l’absence de négociation et, comme conséquence de la violence intimidatrice de l’État contre les grévistes, la population de la région Anglophone a embarqué dans la lutte. La simple grève s’est alors muée progressivement en émeute populaire généralisée contre la marginalisation de cette région Anglophone du pays, puis finalement en guerre civile totale avec son lot de morts de part et d’autres du conflit.

Aujourd’hui, plus que par le passé, la question qui trouble la quiétude des patriotes camerounais et dont se posent également les nombreux observateurs à travers le monde, est la suivante :

Combien de civils additionnels de la population de la région Anglophone du Cameroun d’une part, et combien de membres additionnels des forces de sécurité camerounaises envoyées pour mâter la population de cette région, d’autre part, doivent encore mourir précocement et inutilement dans le cadre de cette crise évitable avant que monsieur Paul Biya, Président de la République du Cameroun, convoque enfin la négociation inclusive de sortie de la crise?

Il va sans dire que toute solution susceptible d’être acceptée par toutes les parties prenantes du conflit ne peut résulter que d’une sincère négociation inclusive, convoquée en bonne et due forme, et menée avec sincérité entre les parties.
Tant que la partie Anglophone ne s’est pas assise sur la table de négociation pour exprimer elle-même ses demandes et exprimer sa satisfaction ou non des solutions proposées, le récent saupoudrage unilatéral des mesures hâtives, tardives et superficielles du Président Paul Biya ne peut être taxé de réponse satisfaisante à la crise comme le prétendent sans fondements les tenants de son régime, au grand renfort des médias d’État.

Plus précisément, les récentes initiatives unilatérales du Président Biya telles que création de la commission du bilinguisme, création des grandes écoles, traduction en anglais de quelques documents faisant partie de la liste des doléances de la grève originale des avocats Anglophones ou l’amorce tardive de l’application de la simple décentralisation pourtant enchâssée dans la constitution depuis 1996 (22 ans plus tard!) ne peuvent être considérée comme solution de la Crise Anglophone, car ne résultant d’aucune séance de négociation avec les leaders Anglophones ou avec toute autre partie prenante de cette crise. Tout au plus, ces récentes mesures du Président Biya entrent plutôt dans le simple cadre de l’exercice ordinaire des fonctions et devoirs régaliens normaux de l’État central en temps de paix et démontrent à suffisance que le président Biya et son régime reconnaissent eux-mêmes le bien-fondé de la grogne et de la lutte des Anglophones.

Or, l’heure n’est plus celle de la seule reconnaissance du bien-fondé de la révolte des Anglophones ou du simple rattrapage des devoirs manqués et non faits de l’État dans le passé. L’heure est plutôt celle de la recherche et de l’identification de la racine profonde de la crise Anglophone, de régler la question de fond une fois pour toutes, et mettre en œuvre la solution résultante de manière à régler en même temps toutes les autres marginalisations que révèlent les multiples memoranda de marginalisation qui fusent des autres régions du Cameroun.

Une telle solution holistique et définitive ne peut provenir que d’une sincère négociation inclusive entre toutes les parties prenantes de la crise, par opposition au saupoudrage sélectif et cosmétique, çà et là, unilatéralement décrété par le Président Paul Biya et son régime tel que décrit ci-dessus, prétendument comme étant la solution définitive de la crise Anglophone toujours en cours.

Depuis la nuit des temps, toutes les guerres du monde et toutes les crises de l’humanité se sont toujours réglées autour d’une table de négociation réunissant tous les protagonistes, et ce même lorsqu’il y a eu la défaite totale de l’une des parties ! Quoi qu’on fasse et quoi qu’on dise, la crise Anglophone n’échappera pas à cette implacable logique de l’inévitabilité de la négociation de sortie de crise. Pourquoi alors retarder cette échéance salutaire si elle est de toutes les façons inévitable? Tout retard additionnel dans la convocation de la négociation rallonge la liste des morts précoces, des compatriotes fauchés dans cette guerre inutile, volontairement provoquée, donc évitable.


Michael Fogaing, Porte-parole de Diaspora pour la Modernité-Diaspora for Modernity
À notre avis, le véritable terroriste clairement identifiable de cette crise Anglophone et qui en portera l’odieux devant l’histoire est le silence complice et l’inaction de celui-là qui, perché au sommet de l’État camerounais, seul investi des pouvoirs constitutionnels de convoquer la négociation inclusive de sortie de crise, s’amuse à refuser de le faire, laisse pourrir la situation et observe tel un spectateur compromis, les Camerounais se battre et s’entre-tuer entre eux, alors qu’il aurait pu éviter la guerre civile dès le départ, en initiant simplement une négociation inclusive.

Les nombreuses atrocités et massacres subis respectivement par la population civile et par les membres des forces de sécurité envoyées pour mâter la population Anglophone dans le cadre de cette guerre civile est la conséquence directe du terrorisme de l’indifférence et de la léthargie du Président de la république Paul Biya.

Nous, membres de Diaspora Pour la Modernité, déplorons toutes ces vies camerounaises fauchées prématurément et inutilement des deux bords du conflit.
Par son inaction et son refus de convoquer la négociation inclusive de sortie de crise, le Président Paul Biya démontre clairement aux Camerounais et au monde entier que garder intact la totalité de son pouvoir est plus important pour lui que la vie de ses compatriotes et l’unité nationale du pays. C’est de l’égoïsme à la conséquence tragique. C’est cela aussi une expression crue du terrorisme.

Pour toutes ces raisons, nous implorons tous les Camerounais et toutes les personnes de bonne conscience à travers le monde entier, à faire pression sur monsieur le Président Paul Biya, afin que celui-ci, qui seul a le pouvoir constitutionnel de le faire, convoque sans plus tarder les négociations de sortie de la Crise Anglophone.
Nous sommes tous Anglophones.
Nous sommes tous Camerounais.
Nous sommes Kwa kwa, Kembong, Mbonge, lieux des récentes atrocités contre la population civile Anglophone.

Nous sommes tous ces membres des forces de sécurité qui perdent inutilement leur vie dans cette guerre inter camerounaise qui n’a aucun sens et aucune raison d’exister.
Monsieur le Président de la République, son excellence Paul Biya, il n’est jamais trop tard pour se ressaisir. Mieux vaut tard que jamais. Quel Cameroun voulez-vous laisser à la fin de votre règne?

Veuillez convoquer sans plus de délai la négociation inclusive de sortie de cette crise fort évitable. Cette crise a déjà tant endeuillé notre pays.
Que vive le Cameroun uni, juste, inclusif, apaisé et maître de son destin.
Michael Fogaing, Porte-parole de Diaspora pour la Modernité-Diaspora for Modernity

N.B.:
Diaspora pour la Modernité est une organisation de la société civile de la Diaspora camerounaise, pour qui l’indépendance des institutions démocratiques les unes des autres est la pierre angulaire de son activisme politique au Cameroun. Elle est basée au Canada.