Ils vendent à la sauvette pour aider leurs parents, démunis, à assurer la rentrée scolaire prochaine. Mais ces petits commerçants de la rue, qui nourrissent déjà de grandes ambitions, doivent faire face aux intempéries et risques divers. Le Jour dresse ici quelques portraits de ces jeunes rencontrés au quotidien dans les artères de la capitale économique. Ndely : La petite vendeuse d’aubergines
Avec 2500 F.Cfa gagnés par jour, la jeune fille se prépare un avenir d’enseignante.
Ndely tient un plateau d’aubergines sur la tête, un sac accroché à son dos. Elle est vêtue d’une chemise mauve et d’une jupe taillée dans le pagne de la fête du Travail. La mine fatiguée, elle s’arrête dans un carrefour au quartier Akwa et s’abrite sous un parasol. La jeune fille sort une bouteille d’eau de son sac et se désaltère. Elle se repose quelques minutes, puis reprend la marche à la recherche de potentiels clients. Agée de 17 ans, Ndely est la benjamine d’une famille de 5 enfants. La petite commerçante parcourt des dizaines de kilomètres tous les matins pour écouler sa marchandise.
La vendeuse confie qu’elle s’est lancée dans cette activité pour aider ses parents, au chômage, à assurer sa rentrée scolaire prochaine. Ce lundi 6 juillet 2015, le plateau de Ndely que nous rencontrons autour de 10h est encore plein de ces fruits proposés à 100 F.Cfa l’unité. La jeune fille accourt vers un client qui vient de la héler.
Elle porte le plateau de sa tête et le tient entre ses bras. L’acheteur a ainsi la possibilité d’admirer les fruits et d’effectuer le choix entre les aubergines de couleur verte ou rouge. « J’ai choisi de vendre les aubergines parce que c’est un des secteurs d’activités les plus productifs. A la fin de chaque journée, je peux m’en sortir avec 2500 F.Cfa », affirme la petite vendeuse qui vit sa première expérience de commerce ambulant. L’année dernière, elle aidait son frère à vendre des sacs dans un espace marchand de la ville. L’activité de Ndely ne se fait pas sans risques.
En cette saison de pluie, la jeune fille doit faire face aux intempéries. Elle déplore aussi le fait que des clients rencontrés dans certaines rues du quartier Akwa prennent les aubergines, les mange et s’en vont sans payer. Mais Ndely ne désespère pas. Elle compte rassembler la somme d’argent nécessaire pour sa scolarisation pendant ces vacances. Comme tous les jeunes de son âge, la jeune fille nourrit aussi beaucoup de rêves. Son voeu le plus cher est de faire carrière dans l’enseignement.
Actuellement, elle poursuit ses études secondaires au lycée de Melong, dans le département du Moungo. Elle passe en classe de Première C. « Je m’en sors dans les mathématiques, mais la littérature n’est pas mon domaine », explique l’adolescente. Ndely sait qu’elle a encore du chemin à faire dans la vie pour atteindre tous ses objectifs et que le parcours ne sera pas facile. Mais par-dessus tout, elle croit en une vie future meilleure.
Hervé Ntsinda : L’avenir dans les livres
Depuis 3 ans, cet élève vend des ouvrages de droit avec pour espoir de financer ses études d’ingénieur de génie civil.
Nous rencontrons Hervé Ntsinda ce samedi 4 juillet 2015 au quartier Bonanjo. Il est 11h. Il est vêtu d’une casquette noire, d’un maillot aux couleurs du Fc Barcelone, d’un pantalon jean retroussé au niveau des genoux et des sandales noires. Le jeune homme de 20 ans a quitté le quartier Nsimeyong à Yaoundé, la capitale, où il vit avec ses parents. Ce natif de la région de l’Ouest Cameroun est arrivé à Douala au début du mois de juillet. « Je passe mes vacances à Douala depuis la classe de seconde. J’attends mes résultats du baccalauréat. Je profite de mes journées libres pour gagner un peu d’argent », explique-t-il. Hervé vit actuellement chez sa tante au quartier Newton aéroport à l’entrée Est de Douala. Devant la Bicec de Bonanjo, Hervé Ntsinda tient entre ses mains une vingtaine de livres différents.
Il vend des ouvrages de droit, le code civil camerounais et des dictionnaires de langue française et anglaise. Son regard est tourné vers Ecobank, une autre banque du quartier administratif d’où entrent et sortent des clients et des employés. Le garçon est debout devant l’entrée du bâtiment. Il attend la sortie d’un potentiel client à qui il va proposer ses livres. Un homme sort de la banque. Hervé Ntsinda accourt.
Il lui présente ses articles. L’homme refuse et se dirige vers son véhicule. Hervé retourne à l’entrée. Il attend sur la place, aux aguets. 15 minutes plus tard, toujours aucun client. Il ne perd pas espoir. Chaque matin, il quitte le domicile à 10h pour ne revenir qu’à 18h. Hervé Ntsinda achète ses livres à bas prix chez les grossistes des marchés Nkololoun et Mboppi, pour les revendre un peu plus cher. Le livre repris à 800 F.Cfa est vendu à 1000 ou 1500 F. « Je vends deux à trois livres par jour. Ma recette journalière avoisine 3500 F. Avec 500 F, j’achète à manger et 500 F assurent mon transport. Le reste est économisé », explique- t-il.
Hervé confie que son gain mensuel oscille entre 40 000 et 60 000 FCfa. « Si je veux bâtir mon avenir, je dois vendre tous les jours, même le samedi. Je me repose uniquement le dimanche. C’est avec le bénéfice de ces ventes que j’ai pu payer mes études en classe de terminale cette année », raconte-t-il. Une fois les trois mois des vacances achevés, le jeune homme retourne à Yaoundé, avec en poches le fruit de son commerce. Hervé rêve d’être ingénieur de génie civil pour mieux s’occuper de sa modeste famille.