Opinions of Saturday, 12 September 2015

Auteur: Denis Nkwebo

Déchéance: La nouvelle affaire Camair-Co

L’image a fait le tour du monde. Celle d’une imposante colonne de fumée au-dessus du ciel de Yaoundé. Dans les airs, où les avions de la compagnie aérienne nationale Camair-Co ont disparu pendant près de deux semaines, il n’y avait que l’écho du mécontentement des passagers à destinations de Paris, bloqués à Douala et Yaoundé.

Devant les locaux de l’agence Camairco de Yaoundé, les passagers ont donc donné de la voix, au petit matin du lundi 7 septembre 2015. Le feu mis aux pneus a témoigné de la profondeur du mal. En effet, depuis le premier vol inaugural du 26 mars 2011, la compagnie « étoile du Cameroun » offre un spectacle dont les phases les plus marquantes sont, les retards de vols, les annulations de vols, le changement « hebdomadaire » de directeurs généraux.

Après le feuilleton Camair, les autorités camerounaises avaient pourtant trouvé la solution dite « idéale ». A savoir, provoquer la faillite de l’ex « onzième province du Cameroun », pour créer une nouvelle compagnie aérienne répondant aux exigences de la modernité aéronautique, et arrimée au modèle économique de performance et de résultat. 41 mois après la mise en route de Camair-Co, l’histoire d’un gouffre à sous s’écrit encore et se conte en mondovision.

Pour la première phase de l’affaire, le Premier ministre chef du gouvernement, Philémon Yang était aux commandes, en qualité de président du Conseil d’administration, en violation des lois nationales sur le cumul des postes. 30 milliards de Francs Cfa, 50 milliards, ou peut-être 55 milliards pointaient dans les chiffres imaginaires sortis des tablettes de l’entreprise, au titre des apports publics dans une affaire d’Etat.

Compagnie fantôme

Pendant que d’autres compagnies, y compris les compagnies des pays de la sous-région Afrique centrale qui n’ont vu leur premier avion que grâce aux largesses de l’ex-Camair faisaient décoller des aéronefs de toute dernière génération, Camair-Co a entamé sa marche sur les cendres du pilotage à vue comme moyen de « succès ».

Le 20 juin 2014, lorsque l’actuel directeur général, Jean-Paul Nana Sandjo est nommé à la Cameroon Airlines Corporation, tous les experts dénonçaient déjà les recrutements de masse pour une compagnie aérienne affichant un déficit depuis le lancement de ses activités. En effet, avec seulement trois aéronefs, Camair-co a atteint la barre de 775 employés. Un chiffre que le nouveau Dg comptait paradoxalement porter à 1350 personnels. Avec un objectif simple : « Porter le chiffres d’affaires à 110 milliards sur un taux de remplissage de 57% sans subvention ».

14 mois après l’arrivée de Nana Sandjo à Camair-Co, l’entreprise emploie 775 personnels, pour trois aéronefs dont un 767, le Dja, appareil obsolète qui pose tous les problèmes. Le séjour prolongé du Dja à l’extérieur pour réparation d’un moteur défectueux est d’ailleurs à l’origine de la crise actuelle. L’entreprise dispose également de deux 737 en dry-lease. Sans compter le coup manqué des deux MA 60 de fabrication chinoise. Les aéronefs en question portent des immatriculations militaires, et ne sauraient être affectés à un usage civil.

Avec ses dix directions, dont aucune consacrée à la maintenance, la compagnie ne vit en réalité que grâce à une perfusion de l’Etat, à hauteur de 3 milliards de Francs Cfa par mois. A peu près le montant qui était déjà versé à la Camair. Camair-Co a déjà englouti beaucoup d’argent depuis sa création. La compagnie va d’ailleurs recevoir une perfusion de 25 milliards de Francs Cfa, dans le cadre du plan de relance décidé par l’Etat actionnaire.

Un fait qui n’est pas nouveau. Sauf que le ministère des Transports souhaite un audit par un consultant, « pour voir clair et proposer un business plan au gouvernement ». Et c’est là que la situation de l’entreprise se complique davantage, en raison des intérêts à la fois conflictuels et contradictoires en jeu. Le ministre des Transports a-t-il mandat pour fixer la ligne managériale de Camair-Co dont le Directeur général actuel a été nommé par décret présidentiel, sur la base de ses états de service préalablement évalués ?

En filigrane, la bataille pour le contrôle et la mise en route du plan de relance de Camair-Co ne profite pas à l’entreprise. Dans l’urgence, l’entreprise doit régler une dette en carburant de plus de deux milliards de Francs Cfa. Camair-Co doit en plus déconstruire l’image d’une compagnie sans avions, sans vision, qui a réussi l’exploit de clouer au sol des centaines de passagers sans communication.