La démocratie intégrale est un exercice inclusif structuré par la liberté d’opinion, mais aussi celle du débat. Il est donc tout à fait normal que l’on débatte dans un pays qui aspire aux progrès politiques et économiques. Toutefois, par rapport aux enjeux, l’opportunité du débat devient une question centrale dans un contexte de confiscation des institutions et de dépendance totale de la vie publique par la gestion d’un gouvernement perpétuel.
Quel serait l’intérêt d’un débat entre des personnes qui ne décident de rien, qui ne possèdent aucun levier d’amélioration de rien sous le regard médusé et amusé de ceux qui gèrent et décident de tout, à une période qui n’est pas dédiée à la concurrence électorale ? Autrement-dit, y’a-t-il nécessité à s’essouffler entre opposants afin de parvenir épuiser face à l’adversaire décisif ? à essorer le public et l’amener à banaliser le principe de la concurrence permanente entre les catégories majorité/opposition, pour une fixation sur une concurrence supposée ponctuelle en période de campagne électorale ? Quel est donc le projet puisqu’on sait sans se leurrer que, ce débat ne viendra pas clore les querelles ou les antagonismes entre partisans, il ne fera que les accentuer pour un bon moment ?
UN TEL DEBAT EST UN PROJET DE COMPROMISSION DES CHANCES D’ALLIANCE ENTRE LES LEADERS ASSOCIÉS POUR L’AMELIORATION DU SYSTÈME ELECTORAL.
Au moment où les leaders du MP, de l’UDC, du SDF, du PCRN, de l’UMS et du MRC ont travaillé et émis un document de proposition de code électoral au gouvernement (car de toutes les manières aucune proposition de loi n’a jamais été adoptée au Cameroun depuis le retour du multipartisme), nous sommes en droit de nous attendre à voir ce bloc continuer de travailler en solidarité pour des objectifs politiques visant un jeu équitable pour tous les acteurs électoraux.
De ce même bloc, un projet de candidature consensuelle entre des leaders pourrait être élaboré et parvenir à maturité. Sauf que la perspective d’un tel débat signifie que le choix des candidats s’est opéré ex-officio par un quelconque citoyen au mépris des autres leaders de ce groupe de travail politique. En de mots simples, Nyamsi Crépin propose de payer 5 millions au média qui organise le débat entre deux leaders qui appartiennent à un groupe composé de leaders de partis solidaires travaillant sur la nécessité de réglage de préalables déterminant pour une élection à chances égales pour tous.
Il décide donc, par cet acte monnayé, de la préséance des acteurs parmi les leaders dans ce groupe sensé se muer en bloc, il décide de la pertinence des actions à poser par ces derniers, c’est-à-dire susciter l’affrontement entre MM. KAMTO et LIBII, tandis que Mme TOMAÏNO NDAM NJOYA, MM. NZIPANG, OSIH, et KWEMO sont d’office réduits au rôle de figurants. Ce qui semble bénéfique au président du PCRN ressemble plutôt à une insulte pour les autres leaders. Cette inconsidération prédispose d’un projet de dispersion préalable, qui consiste à servir au RDPC un élément de langage qui lui est favori sur l’inaptitude d’un consensus entre des leaders de partis d’opposition.
LE JEU POLITIQUE
Dans ce jeu d’annonce, bien évidement c’est le candidat du PCRN qui engrange des dividendes, car pour lui il est question de rattraper le retard en propagande qu’il accuse auprès de l’opinion. Le MRC n’est pas présent dans les institutions, ceci à la faveur du boycott pratiqué en 2020. Depuis lors, les pronostics sur sa petitesse, sa perte de vitesse, son inutilité, sa disparition, sa mort n’ont cessé de pleuvoir. Et pourtant c’est le leader de ce parti sans importance et sans influence qui est au cœur d’une fixation d’appel à débat financé.
Autrement-dit, sans s’agiter, Maurice KAMTO est très suivi par l’opinion malgré les interdictions de manifestation, la dissuasion policière, l’emprisonnement, l’arbitraire et le bashing sur sa personne. Tandis que l’honorable en soif permanente de visibilité en est à une cadence moyenne de trois tweets journaliers avec des sujets relevant même des occurrences de ses préférences sur le réseau TIK TOK, ne se voit pas accorder autant de considérations palpables à l’ampleur de ses ambitions.
Il faut donc s’accrocher comme d’habitude à tout ce qui touche à la figure de Maurice KAMTO, imaginer même des scénarii de mise à égal niveau pour un débat avec lui, et pourtant l’autre porte la voix institutionnelle d’un élu de la nation, que Maurice KAMTO n’a pas le privilège de porter.
LE DEBAT ENTRE L’INSTITUTIONNEL ET « L’INSURRECTIONNEL », pour quelle finalité ?
Depuis le début de la crise au NOSO, nous avons demandé un dialogue inclusif qui implique une participation des leaders indépendantistes dits ambazoniens. Cette option a toujours été rejetée et sabordée par les analystes et militants du régime gouvernant. Le grand dialogue national (GDN) convoqué en fin 2019, a exclu ces derniers en choisissant de présenter certains comme des repentis qui venaient juste exposer un narratif des actes regrettables jadis posés par eux. Quant à la participation des leaders sécessionnistes pour un échange franc avec ces derniers, ceci a toujours été un refus catégorique.
Et pourtant M. le député Cabral LIBII a toujours reconnu et l’assume sans ambages, que ce grand dialogue national fut un grand succès. L’incongruence dans ce sillage de pratiques, c’est que ceux qui comme lui travaillent à légitimer la figure de Maurice KAMTO comme une figure insurrectionnelle, tandis que lui fait partie des figures institutionnelles, sont favorables aujourd’hui à un débat dans ce genre.
La rencontre discursive entre l’institutionnel et l’insurrectionnel, à mon sens doit reposer sur une situation d’exception, et dans cet ordre, je proposerai donc une situation dans cet ordre : Pour qu’en ces temps, il y’ait débat entre Cabral LIBII et Maurice KAMTO, il faut qu’il y’ait une rencontre, un échange entre SISUKU AYUK TABE et PAUL BIYA.
LE DEBAT EN SOI NE SAURAIT POSER PROBLEME
En Avril 2018, lorsque le président du MRC envisage de débattre avec tous les candidats sans en faire fixation sur un, c’était bel et bien en prélude de la campagne électorale qui s’ouvrait seulement quelques semaines plus tard, ce qui ne saurait être le cas actuellement. En plus soyez-en rassurés, peu importe l’angle sous lequel l’on placerait ce débat le moment venu nous ne manquerons ni d’arguments, ni de qualité tant au niveau de la prestance qu’au niveau de la prestation.
On veut faire croire qu’un avocat international habitué aux plaidoiries ne sait donc pas débattre ? Autre chose, c’est d’ailleurs une chance que le président du MRC prend vraiment très au sérieux la scène politique et les camerounais pour se livrer à une certaine animation, car autrement en guise de malice l’on aurait effectivement pu distraire les camerounais avec ce débat. D’abord Il aurait été exigé dans les deux langues officielles que compte le Cameroun. Il aurait aussi déchiré le voile sur cette diversion sémantique que constitue le produit vide vendu par l’honorable au nom du fédéralisme communautaire.
Si à moi seul, sans aucune prétention, je suis à mesure de détruire cette farce, imaginer un constitutionnaliste doublé d’homme politique. Allez demander aux juristes ils vous diront que dans la grande famille des juristes, dont je n’en fais pas partie, il y’a une ligne de juristes à l’analyse sociologique et politologique impeccable, à l’instar des regrettés professeurs Gabriel NLEP et François MBOME, ou encore des Pr. Joseph OWONA, LEKENE DONFACK (membre du conseil constitutionnel), ou même des Dr. NGANDO SANDJE et du Pr. NGANGO YOUMBI. C’est à cette ligne que Maurice KAMTO appartient, il fait d’ailleurs partie des sommités mondiales dans cette ligne. C’est pour dire qu’il y’aurait vraiment de quoi mettre à nue la parure scientifique d’un fédéralisme communautaire dans une République.
D’ailleurs, dernièrement, l’auteur faisait croire que l’Afrique du Sud, la Belgique et l’Espagne sont des modèles proches de qui appliquent le fédéralisme communautaire. Je m’en vais vous montrer que ce n’est pas vrai : Si l’Afrique du sud est effectivement un Etat fédéral au régime parlementaire, il n’est cependant pas organisé suivant un moindre élément de soupçon de fédéralisme communautaire. Voici un pays composé de citoyens de plusieurs races, la majorité Noire, les Indiens, les Mulâtres, les Blancs.
Ce sont ces catégories que l’on aurait pu qualifier de communautés dans cette société, car il ne saurait y exister de traits de filiation anthropologiques communs, ou de passerelles culturelles homogènes entre des groupes sociologiques hétérogènes. Autrement dit, il veut faire croire qu’il existe des provinces pour Noirs, certaines pour Blancs, et d’autres pour Indiens en Afrique du Sud. Plus important encore, depuis la fin de l’apartheid, l’une des résolutions fondamentales, de la commission vérité et réconciliation créée par Nelson Mandela et présidée par Desmond TUTU, inclue dans la constitution la proscription de toutes formes de discrimination, de replis, de sectarisme ou de promotion des différences.
Comment et dans quel intérêt faut-il venir faire croire aux pauvres camerounais que c’est cette Afrique du Sud qui constitutionnalise le communautarisme. Quant à la Belgique et l’Espagne, ces deux Etats ne sont pas des Républiques, et cet état des lieux est fondamental et structurant pour comprendre les dérivations de la monarchie dans une société moderne, qui n’a pas perdu sa dimension traditionnelle. Ici le régionalisme considéré par M. LIBII comme fédéralisme communautaire n’arrive pas comme une réforme de l’Etat déjà en plein âge de maturité de sa vie de société globale, il s’agit plutôt de la forme de ces organisations depuis leur origine étatique, suivant la prédisposition monarchique du royaume et son système de vassalité lui permettant de contrôler le territoire intégral.
Quant aux non-sens liés à l’application du fédéralisme constitutionnel au Cameroun, il en existe aussi de nombreux que je pourrai moi-aussi exposer à l’occasion d’un débat critique avec l’auteur et homme politique. La vérité de cet ouvrage, c’est l’illusion de masquer un détour politique basé sur des calculs individuels. Le fait d’être candidat des jeunes et de tous les camerounais après en avoir prévu d’inscrire onze millions sur l’ensemble du territoire, et un an plus tard être candidat d’une élection nationale dans son village.
Sur le plan individuel c’est de l’efficacité, mais sur le plan holistique il y’a bien un déphasage entre le discours et la pratique de construction politique du fief électoral. La conséquence c’est qu’il se retrouve dans un forcing à vouloir faire croire à l’originalité d’une proposition qui en fait vise à corriger ce déphasage-là.
Serge Éric DZOU