Comme les Camerounais pouvaient le soupçonner, l'histoire de l'enseignant Hamidou qui a passé 10 ans sans salaire est loin d'être un cas isolé. Des centaines voire des milliers d'enseignants recrutés en bonne et due forme par l'Etat sont dans le même cas. Ici, la rédaction de Camerounweb vous propose le cas de Misael, un jeune enseignant qui a passé plusieurs années sans salaire et est mort par accident dans le cadre des réclamations de ses droits. Une histoire racontée par son ami Stéphane Kenmoe.
---
"Misael était l' ainé et le père de sa famille. Son papa les avait quitté tôt à la suite d' une très courte maladie en 2002. Misael avait alors 19 ans. Après avoir vécu l' enfer avec une maman seule qui les soutenaient avec son petit commerce de beignets à l' entrée du Collège de Mazenod à Ngaoundéré, il réussit à entrer à l' école normale supérieure et en ressortir comme professeur d' informatique en 2010. Il fut affecté dans un village du pays Yabassien.
Misael ne savait pas que c' était le début d' un autre calvaire. Il allait passé 5 ans sans rappel. Un dimanche d' Avril 2015, alors qu' il quittait le quartier Bonamoussadi à Douala, en provenance de Yabassi, se rendant à l' agence Buca voyages, dans le but de se rendre une nième fois à Yaoundé pour bousculer auprès de qui de droit pour faire avancer son dossier, Misael perdit la vie. La Moto qu' il avait empruntée entra en collision avec une autre. Son crâne avait violemment percuté le sol goudronné.
5 ans sans salaire. Salaire qu' il ne verra jamais. Sa maman, veuve était déboussolée. Lui qui faisait de petits boulots et des répétitions pour s' occuper de ses cadets ainsi que du loyer où vivait la famille qui était restée à Ngaoundéré avait disparu brutalement.
En 2016, j' avais rencontré sa maman dans sa petite épicerie de fortune à Ngaoundéré. Son activité n' avait pas changé. Elle vendait toujours les beignets, au même endroit. Lorsqu' elle me vit elle se mit à pleurer à chaudes larmes. Elle me dit ceci: je t' ai vu. J' ai vu Misael. Mon cœur est un peu apaisé. J' ai vu tes autres frères ( allusion faite à nous ses amis d' enfance et camarade de collège) lors du deuil et de l' enterrement sauf toi. Ils ont largement contribué pour qu' on puisse porter ton frère en terre. Nous avions parlé. Je l' ai consolé.
Quelques jours après au moment de quitter la ville, je suis allé lui dire aurevoir. Elle est venue avec un bout de papier. Elle me le tendit. Elle n' avait pas eu le courage de parler. C' était l' acte d' expulsion de la maison qu' ils habitaient et une reconnaissance de dette. Plusieurs centaines de mille FCFA après plus d'un an de non paiement. Misael était mort. Elle ne pouvait plus tenir le bail. La famille, maman et enfants avaient été expulsés par le bailleur".