Opinions of Friday, 13 January 2017

Auteur: Aziz Salatou

Délestages: ca sera pire cette année

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Des responsables de la direction régionale pour le Nord de Eneo prévoient des périodes de délestage de l'énergie électrique plus longues. «Pendant les fêtes de fin d'année et à d'autres occasions importantes, des dispositions ont été prises pour s'assurer que les populations ne seraient pas privées d'électricité. A partir du 9 janvier et ce jusqu'aux mois de juin, juillet, les populations des régions septentrionales seront soumises à un régime de rationnement de l'énergie électrique plus sévère que ceux connus jusqu'ici.

A la même période l'année dernière, les réserves d'eau au barrage de Lagdo étaient largement supérieures à celles dont on dispose aujourd'hui et pourtant l'année dernière on connaissait déjà des difficultés. Cette fois, la situation est catastrophique, les coupures vont être plus longues, certaines localités reculées seront privées d'électricité pendant deux à trois jours d'affilée, ça pourrait aller même jusqu'à une semaine», a déclaré un responsable du barrage de Lagdo.

Une période dont des populations se souviennent comme d'un cauchemar. L'anxiété est à couper au couteau. «L'an dernier, après un délestage, je suis allé rendre visite à ma mère âgée de près de 80 ans. Je l'ai trouvée en pleurs parce qu’elle avait faim. Elle avait du mil, mais ne pouvait pas le faire écraser parce qu'on avait coupé le courant et que les moulins ne pouvaient pas fonctionner. Nous lui avons acheté des tubercules et du riz, mais elle ne pouvait pas les manger. Elle réclamait son couscous comme un enfant », évoque Antoine, un officier de l'armée dont la famille vit à Pitoa.

Abdoulaye Djeido, natif de Bibemi se souvient que l'an dernier, entre juillet et septembre, les délestages duraient un mois. «Les femmes se cotisaient afin d'envoyer l'un des leurs avec des sacs de céréales pour aller les faire écraser à Pitoa, 50 km plus loin. Un vrai calvaire ». Jean-Pierre H. est fonctionnaire international employé dans une Ong à Kousseri. «Des populations étaient obligés de partir de tous les villages environnant Kousseri, pour traverser leurs céréales au Tchad. Ils devaient payer parfois 1500 à 2000 FCFA pour la même quantité qui leur revenait à 200 FCFA en temps normal à Kousseri, où il n'y avait pas d'électricité des semaines durant», se souvient-il.

Les coupures d'électricité n’affectent pas que les ménages. Dans la région de l’Extrême-Nord où elles durent plus longtemps, elles s'accompagnent de coupures d'eau. «Les pompes sont couplées à l'énergie électrique», confie Joel Sambo un habitant de Maroua. Un phénomène plus accentué dans le département du Mayo Sava. Une ville comme Kolofata et des localités voisines telles que Kerawa, Amchide... n'ont pas eu d'eau courante ni d'électricité depuis plus de deux ans. Les bureaux et certains commerces sont désertés lors des délestages.

«On flâne à longueur de journée dans les bars quand il n’y a pas d'électricité au lieu du travail», nous confie un fonctionnaire à Garoua. Sauf que ces assemblées dans les bars virent souvent à des batailles rangées. «Avec les coupures il n'y a pas de musique. Les gens discutent beaucoup pour meubler le silence et souvent ne sont d'accord. Des disputes s'en suivent qui dégénèrent souvent en bagarres», explique Hamidou, un infirmier. «Des voleurs profitent aussi de l'obscurité pour opérer», renchérit Abdoulaye Djeido.

Nul besoin d'être savant pour comprendre que le stress dû aux coupures de courant exacerbe les humeurs. Du coup, les terrasses et comptoirs de bars sont désertés. Pour autant, les amateurs de bonne chair ne peuvent pas se rabattre dans les lieux de vente de Bil bil, la bière traditionnelle. «Elle est préparée à base de mil. Or, sans l'électricité pour alimenter les moulins pour moudre le mil et produire de la farine et sans l'eau pour brasser cette farine, il n'y a pas de Bil bil», se plaint Dakoudhi, une vendeuse de Bil bil.