Opinions of Thursday, 24 September 2015

Auteur: Younoussa Ben Moussa

De quoi vivaient les maires?

Ces conseillers municipaux à qui Paul Biya veut donner un salaire étaient réunis avant hier à Yaoundé pour rédiger une motion de remerciement. Comment faisaient-ils avant pour travailler tous les jours sans…passer à la caisse ?

Il fallait être photographe avant hier au Palais des congrès de Yaoundé. Ceux qui l’étaient ont fait un bon business. C’est que, les maires du Cameroun et leurs adjoints, sans distinction de chapelle politique étaient réunis pour dire merci à Paul Biya, le président de la République qui a décidé de leur donner
un salaire pour le travail qu’ils font en tant qu’élus locaux.

La rencontre étaient prévus à 13 heures, mais les maires venus de l’arrière pays ont pris d’assaut le hall du Palais des congrès dès la fin de la matinée ; à l’heure où le service traiteur commence la mise en place.

« Ma commune est loin et il n’y pas de route. C’est pourquoi je suis venu à temps pour ne pas être en retard », explique Joseph Mbakebi, maire de Zoa dans la Menchum. Il est venu avec son adjoint. Fatigué de contempler l’édifice, ils s’asseyent et observent le bal des arrivées. La cour ressemble vraiment à une cour de recréation, un jour de rentrée scolaire.

Tous ou presque sont en costume, certains nouvellement acquis. Ils rient aux éclats, s’embrassent, se tapotent. Lorsque vers 12h, certains ont commencé à porter leurs attributs, tout le monde se met au pas. Certains ne savent vraiment pas le faire. Les photographes s’improvisent alors hôtesses. Le tout se termine par une photo, puis une deuxième aux escaliers. Une fois au hall, ils sont dirigés par le soin de photographes devant une tribune.

Ça crépite. Ils passent à tour de rôle. Tantôt seul, tantôt en groupe. Ils sont souriants et disponibles. Ils sont ouverts, parlent aux journalistes avec facilité.

Certains exigent même d’être aussi interviewés. « C’est bon pour la commune », justifie un d’entre eux. S’ils sont donc venus remercier le chef de l’Etat, comment vivaient-ils avant ? Sans salaire ? « Je vivais des indemnités et je m’en contentais.

Maintenant qu’il y a un salaire, c’est une bonne nouvelle. Parce que grâce à cette mesure, nous les maires, nous serons pris au sérieux. Mais je voudrais demander au chef de l’Etat de nous aider à développer nos localités», réagit Mme Noudem,épouse Noumessi, maire de Nkong-Zem, dans la Menoua.

Pour Jean Pierre Biboum, le maire de Bot-Makak dans le Nyong Ekellé la question n’a même pas sa raison d’être en raison du fait que lorsqu’on s’engage à servir les collectivités, il faut savoir que c’est un travail de sacerdoce. Néanmoins, il avoue qu’en tant que maire, il a un certain nombre d’avantages. Il a des indemnités de session, de fonction, de représentation, des frais de communication, soit 35 000 Fcfa par mois. « Pour ce qui de la communication
par exemple, je suis obligé de jongler.

Chaque jour, je fais le transfert de 1000 fcfa et je fais le « Jack Bauer » (une façon de multiplier son crédit de communication Ndlr), si non je ne m’en sors pas », dit-il, l’air sérieux. Benjamin Itoe, le maire de Dikome Baleme dans le Ndian déclare aussi vivre des avantages qu’il tire de son statut du maire.

A entendre donc ces maires, ils avaient vraiement de quoi vivre, mais pas leurs adjoints. Le deuxième adjoint au maire de Tachi-Bali dans le Mayo Danay nous apprend par exemple qu’il avait le 1/3 des avantages du maire. Mieux, ils ont un peu d’argent que l’on prélève après les comptes administratifs. C’est donc aléatoire. Mais une chose est sûre.

Les maires avant le décret de Paul Biya n’ont pas été indigents. Ils ont des avantages qui viennent juste d’être officialisés. Ainsi, pour Jean Pierre Biboum, ce décret vient en fait valoriser la fonction du maire. « Ce décret renforce l’institution communale et donne aux maires des conditions de travail viables », dit-il.

Les différents maires rencontrés ont un souci commun : l’effectivité de la décentralisation. Ils estiment que la haute administration bloque ce processus. « Il suffit de verser à chaque commune un milliard par an, ce qui ne représente même pas 1/3 du budget national pour impulser le vrai développement au Cameroun », propose Jean Pierre Bidoum.